à ANTOINE André, Ministre du Logement, des Transports et du Développement territorial
Le 30 juillet 2004, Ghislenghien a connu une tragédie qu'aucun Belge n'a oubliée. Vingt-quatre personnes sont mortes sur le coup et plusieurs grands brûlés sont marqués à vie, pour ne pas parler de tous ceux que des images d'horreur poursuivront jusqu'à la fin de leurs jours.
A l'époque, le Parlement a longuement débattu des causes du drame et des mesures à prendre pour éviter sa répétition.
L'affaire est toujours pendante devant les tribunaux, mais là n'est pas la question aujourd'hui.
C'est en effet avec inquiétude qu'on peut lire sur le site de l'Institut belge des coordinateurs de sécurité et de santé (BIBCO) qu'« une catastrophe similaire à Ghislenghien peut encore survenir ».
Le texte mérite une citation intégrale :
« Les conduites enterrées (gaz, électricité,…) constituent un danger lors des travaux de terrassement, forage, placement de palplanches, …
L'Institut Belge des coordinateurs de sécurité et de santé (BIB-Co) est régulièrement interpellé par ses membres coordinateurs sécurité-santé.
De nombreux chantiers de construction et notamment en voirie démarrent leurs activités sans détenir les informations précises concernant la présence de conduites enterrées (gaz ou électricité).
Force est de constater que chaque semaine des travailleurs du secteur arrachent des câbles haute tension ou heurtent, voire percent des conduites de gaz avec toutes les conséquences que cela peut induire.
La tragique catastrophe de Ghislenghien nous a ramenés à la réalité des dangers que peut représenter une fuite de gaz si cette dernière ne fait pas l'objet d'une réaction rapide et que de plus une quantité de gaz s'accumule dans un espace confiné.
Les coordinateurs sécurité-santé lors de leurs visites sur chantiers sont amenés à rappeler régulièrement les responsabilités des différents acteurs. Les problèmes rencontrés sont souvent liés au fait que l'opérateur dans sa mini pelle ou aux manœuvres de son engin de chantier n'a en général pas reçu les consignes précises qui lui permettraient de réduire le risque de heurter les impétrants.
Les spécifications en matière de prévention des accidents au sein des cahiers des charges des donneurs d'ordre sont en général peut analysées par les entrepreneurs. Dès lors, les risques spécifiques ne sont en général pas clairement identifiés. C'est ainsi que nombre de repérages exigés ainsi que les excavations manuelles ne sont pas toujours réalisés dans les règles de l'art.
Ces règles s'adressent aux gestionnaires de réseau, aux auteurs de projet, aux maîtres d'œuvre et à toute personne effectuant des travaux pour son propre compte ou pour celui d'un maître d'œuvre.
Pour assurer la sécurité des travaux, deux éléments sont d'une importance capitale : d'une part une communication efficace entre toutes les parties concernées et d'autre part une préparation et une rigueur dans l'exécution des travaux. Malheureusement, encore aujourd'hui ces obligations légales sont encore trop souvent transgressées par certains avec toutes les conséquences que cela peut comporter.
Pour rappel, des mesures de prévention doivent se prendre avant et pendant les travaux. Un Code de bonnes pratiques est à respecter.
1. Avant de commencer les travaux
Devoir d'information
Avant le début des travaux, l'entrepreneur sollicite du gestionnaire de la voirie la liste des impétrants susceptibles d'intervenir sur le chantier. Il fait la même demande à la commune.
L'entrepreneur sollicite aussi les informations les plus récentes auprès des impétrants dès que possible après notification du marché qui lui est fait et en tout cas avant le début des travaux susceptibles d'affecter les installations souterraines.
Maintien à jour des informations en cas de dépassement de délais
L'entrepreneur est tenu d'avertir le maître d'ouvrage, la commune (lorsque celle-ci n'est pas maître d'ouvrage) et les impétrants de toute modification importante de la date prévue du début des travaux, du délai d'exécution des travaux ou d'une interruption de ceux-ci.
Cet avertissement a pour but de déterminer l'influence de ces modifications de délais sur le planning des déplacements éventuels par les impétrants ;
- pour l'entrepreneur, de s'assurer de la validité des plans qu'il détient des impétrants (on rappellera qu'il est de sa responsabilité de s'assurer que la durée de validité de ces plans n'est pas dépassée) ; - pour l'entrepreneur, de prendre connaissance de nouveaux branchements éventuels en cas de constructions nouvelles réalisées dans l'intervalle.
2. Pendant les travaux
Localisation sur place sur base des plans
Sur base de tous les renseignements dont il dispose, l'entrepreneur procède à la localisation par repères des installations souterraines, y compris les branchements dont il a été informé ou qui lui sont signalés par divers indices.
Plus précisément, l'entrepreneur doit marquer, en surface, les installations souterraines par la pose de repères de localisation qui ont pour but de permettre aux agents d'exécution, en surface, de se rendre visuellement compte du tracé des installations enterrées.
Le balisage visera, dès lors, à indiquer au niveau du sol :
- la projection verticale des installations souterraines; - si nécessaire, leur profondeur; - la nature des fluides courant dans les installations; - le tracé des installations (en courbe ou rectiligne).
Si des marques physiques ne peuvent être apposées au sol de par la nature de celui-ci ou des travaux entrepris ou si ces marques ne peuvent être apposées que partiellement, l'entrepreneur indiquera sur un plan le tracé et la profondeur des installations souterraines et le mettra à disposition des agents d'exécution.
L'entrepreneur veille au maintien du balisage aussi longtemps que nécessaire. Si des installations souterraines ont été déplacées ou modifiées pour les besoins du chantier.
L'entrepreneur veille au maintien du balisage de ces installations pour l'exécution des phases ultérieures.
Localisation par sondage
En accord avec le maître d'ouvrage, l'entrepreneur vérifie par sondage la localisation des installations dans la zone où des détériorations pourraient être provoquées, tant par l'exécution des travaux eux-mêmes que par le passage des engins de chantier (camions, engins mécaniques). Cette opération fait l'objet d'un poste spécifique au métré.
Les différents sondages nécessaires à la localisation des installations souterraines pour la réalisation du chantier sont exécutés comme suit :
- ils sont effectués manuellement. Toutefois, des engins mécaniques peuvent être utilisés avec prudence pour l'enlèvement de la couche superficielle (marteaux-piqueurs, …) ; - ils s'opèrent en creusant une tranchée à l'aplomb de l'axe présumé de la conduite (l'endroit indiqué au plan ou de toute autre manière par l'impétrant) et en l'étendant d'une façon symétrique et perpendiculairement à la direction de cet axe sur une certaine distance, de part et d'autre, jusqu'au repérage.
Au cours des sondages, si l'entrepreneur ne trouve pas l'installation signalée à une profondeur dépassant de 0,50 m celle indiquée par l'impétrant ou une distance s'écartant en plan de plus de 0,75 m de la position indiquée par l'impétrant, ou si l'entrepreneur constate des discordances entre la réalité du terrain et les renseignements qui lui ont été fournis, il avertit le maître d'ouvrage et l'impétrant concerné.
Le maître d'ouvrage fixe alors, en accord avec l'impétrant, les dispositions qui conviennent pour permettre la continuation de la localisation de l'installation par l'entrepreneur et ce, sur des bases nouvelles, au besoin par sondage électronique.
Si la nature de l'installation souterraine découverte au cours des travaux n'est reconnue par personne, le maître d'ouvrage avertit les impétrants qui peuvent être concernés. Après concertation, l'impétrant qui gère l'installation souterraine présentant le plus de risques dans le cas d'espèce intervient sur celle-ci d'un commun accord avec les autres impétrants.
Protection des installations souterraines en cours de chantier
L'entrepreneur protège les installations souterraines contre toute dégradation et, dans ce but, prend à sa charge, sauf mention contraire figurant dans les documents d'adjudication, les mesures appropriées afin d'assurer la continuité d'exploitation de celles-ci.
Il prend toutes les initiatives que requiert la sécurité des biens et des personnes, étant entendu qu'il assume la responsabilité intégrale des travaux qui lui sont confiés et qu'il exécute ou fait exécuter en tout ou en partie en sous-traitance.
a. Travaux à réaliser à proximité des installations souterraines
Les travaux de terrassement à réaliser à proximité des canalisations et câbles localisés et balisés sont exécutés avec toute la prudence requise (déblaiement, …).
La stabilité des installations souterraines sera garantie :
- en veillant à la stabilité du sous-sol dans lequel elles sont enfouies (étançonnement, etc.); - en ménageant des supports appropriés au maintien de cette stabilité en accord avec les impétrants concernés (mise à découvert, construction de passerelles, …).
Le déblayage, comme le remblayage, se font suivant les règles de l'art et les législations en vigueur en tenant compte des directives particulières éventuelles données par le maître d'ouvrage sur base d'indications particulières des impétrants.
b. Travaux nécessitant la mise à découvert d'une installation souterraine
Après avoir été localisée par sondage, l'installation sera mise à découvert en prenant toutes les mesures de sauvegarde qui s'imposent et, le cas échéant, après accord de l'impétrant.
c. Circulation sur le chantier
L'entrepreneur veille à ce que la circulation sur le chantier n'endommage pas les installations souterraines. Il témoigne de toute la prudence requise par une circulation "en fond de coffre"
Il prend les mesures de consolidation nécessaires avant de laisser le matériel roulant lourd évoluer sur le chantier au-dessus des installations enterrées.
Il évite au maximum toute charge pondéreuse concentrée ou prend les mesures de consolidation qui s'imposent en cette hypothèse.
Il veille à ce que la circulation des engins sur chantier ne provoque pas des vibrations ou des chocs anormaux dans le sous-sol.
Simplification du devoir de notification aux gestionnaires de réseau.
En mars 2006, les membres de Fetrapi - la fédération des transporteurs par pipeline - et Elia ont mis sur pied le site web du CICC. www.klim-cicc.be
Ce site web permet à toute personne prévoyant ou souhaitant effectuer des travaux en Belgique de remplir son devoir légal de notification aux gestionnaires de réseau, par voie électronique et donc de manière sensiblement plus facile.
En plus du site web évoqué ci-avant qui ne concerne que les réseaux de transport, les gestionnaires de réseaux de distribution d'électricité et de gaz naturel ont mis au point, en ce qui concerne la Région flamande, le site web du KLIP en collaboration avec l'administration flamande. Grâce à ce site les personnes intéressées dont les entrepreneurs peuvent obtenir un relevé des impétrants dont des installations sont présentes sur le site des travaux envisagés et introduire auprès de ces derniers de manière simple et rapide les demandes d'information et de plans relatives à la zone de travail prévue. www.klip.be.
Il est indispensable que les autorités des autres régions développent des systèmes comparables et que ces derniers puissent être coordonnés avec les deux systèmes existants.
L'Institut plaide donc pour :
- une interdiction effective du démarrage de chantier dès lors que l'entrepreneur ne dispose pas des informations précises liées aux impétrants ; - une reconnaissance préalable des impétrants par l'entrepreneur (indépendamment des informations obtenues) ; - une application stricte du code de bonne pratique ; - un système unique, national de notification aux gestionnaires de réseau et permettant aux entrepreneurs d'obtenir le relevé des impétrants sur l'emprise de leurs chantiers.
L'Institut plaide pour un accroissement des contrôles et estime que les responsabilités pénales doivent être assumées par les contrevenants aux dispositions réglementaires en vigueur.
Plus jamais la catastrophe de Ghislenghien … Informer, former …
En tant qu'acteur dynamique dans le domaine de la prévention des incidents et accidents du travail, l'Institut Belge des coordinateurs sécurité-santé a développé depuis 3 ans un programme de formation continue vis-à-vis de ces risques particuliers auprès des acteurs de la prévention et notamment des coordinateurs sécurité-santé. »
A la lecture, Monsieur le Ministre aura compris qu'il s'agit d'une publicité destinée à convaincre les pouvoirs publics et les impétrants de la nécessité d'informer et de former le personnel appelé à travailler sur chantier, si possible au travers des programmes de formation dispensés par ledit institut. En conséquence, un peu de « mise sous pression » peut s'avérer utile. Néanmoins …
Il n'en demeure pas moins qu'on a froid dans le dos quand on lit dans l'annonce que (je cite) « de nombreux chantiers de construction et notamment en voirie démarrent leurs activités sans détenir les informations précises concernant la présence de conduites enterrées (gaz ou électricité) ».
Et aussi : « Chaque semaine des travailleurs du secteur arrachent des câbles haute tension ou heurtent, voire percent des conduites de gaz … ».
Monsieur le Ministre peut-il confirmer ces informations ?
Peut-il dire ce qu'il en est de l'état de mise en œuvre en Région wallonne des différentes propositions formulées par l'Institut dans la dernière partie du texte cité ?
Réponse du 15/07/2009
de ANTOINE André
L'honorable Membre m'interpelle sur les mesures prises par le Gouvernement afin d'éviter un nouveau drame tel que la catastrophe de Ghislenghien.
Je tenais de prime abord à rappeler que les câbles haute tension et les conduites de transport de gaz relèvent des compétences de l'autorité fédérale en la matière.
Je rappelle, ensuite, que plusieurs mesures ont été prises par le Gouvernement wallon suite à la suite de la catastrophe de Ghislenghien.
En ce qui concerne mes compétences, pour le volet aménagement du territoire tout d'abord, une série de dispositions ont été inscrites dans le CWATUP par le décret RESA :
- l'article 23,30 qui prévoit que doivent également être indiqués au plans de secteur. non seulement les tracés existants ou projetés du réseau des principales infrastructures de transport de fluides et d'énergie. mais également les périmètres de protection de réseaux souterrains de transport de fluides et d'énergie où seuls peuvent être autorisés les actes et travaux d'utilité publique ou qui se rapportent à ces réseaux;
- la section 10 du Chapitre III du Titre V du CWA TUP a été renommée et s'intitule désormais « Des dispositions particulières au permis de lotir, au permis d'urbanisme ainsi qu'aux actes et travaux impliquant une modification à la voirie communale ou aux réseaux s'y rapportant ». Cette section prévoit une obligation de déclarer au préalable à la commune toute modification aux impétrants.
Cette mesure est destinée à permettre une meilleure coordination des travaux entre tous les impétrants et à éviter les ouvertures et fermetures intempestives des chantiers. Elle a également pour effet de donner une information utile aux communes sur les travaux aux impétrants en cours.
En ce qui concerne le volet énergétique, diverses mesures d'améliorations du dispositif de surveillance et de sécurité des réseaux de distribution gaz ont également été prises et inscrites dans l'arrêté du Gouvernement wallon du 12 juillet 2007 modifiant le règlement technique gaz.
L'article 5 de ce règlement technique gaz impose les mesures de sécurité supplémentaires suivantes aux GRD :
- imposition d'une obligation de moyens visant à garantir à tout moment la sécurité des personnes et des biens et veiller à l'intégrité du réseau; - obligation de disposer d'une équipe de permanence proportionnée à la taille du territoire couvert et devant traiter les appels urgents; - lors d'un risque de fuite ou d'odeur de gaz détectée, obligation de dépêcher une équipe sur place pour garantir la sécurité des personnes et des biens et devant collaborer avec les autres services d'urgence ; - obligation de formation de son personnel sur les aspects sécurité; - collaboration à la formation du personnel des services d'urgence et maintien d'une information à leur disposition; - tenue à jour des plans et schémas de réseau et veiller au respect des diverses législations en matière de sécurité.
Enfin, en ce qui concerne le contenu standard des rapports de qualité des GRD, le nouveau règlement technique identifie de manière plus précise encore les défaiIlances et accidents rencontrés sur les réseaux.
Enfin, je ne peux qu'inviter l'honorable Membre à interpeller également mon collègue le Ministre Courard sur cette problématique puisqu'à son initiative, le Parlement wallon a adopté en date du 29 avril 2009 le décret relatif à l'information, la coordination et l'organisation des chantiers en voirie sous, sur ou au-dessus des cours d'eau.
Ce décret vise à améliorer la coordination des chantiers en Région wallonne sur les voiries et les cours d'eau et à assurer la sécurité des chantiers lors de l'exécution des travaux, complémentairement aux dispositions existantes.