à HENRY Philippe, Ministre de l'Environnement, de l'Aménagement du Territoire et de la Mobilité
Le Belge se caractérise notamment par cette fameuse brique qu’il aurait dans le ventre … L’appétit de construire est cependant limité par les règles d’urbanisme précises que la Région wallonne a fixées dans son CWATUP. L’autorité publique veille de cette manière à un développement territorial durable, en recherchant le point d'équilibre entre aspirations individuelles ou collectives et préservation du cadre de vie conformément à l'article 1er du CWATUP.
Nous nous souviendrons par ailleurs que l'article 7 bis de la Constitution précise que, dans l'exercice de leurs compétences respectives, l'Etat fédéral, les communautés et les régions poursuivent les objectifs d'un développement durable, dans ses dimensions sociale, économique et environnementale, en tenant compte de la solidarité entre les générations. C'est en considération de ce constat que l'article 1er du CWATUP précise que le territoire de la Région wallonne est le patrimoine commun de ses habitants. Il convient dès lors de considérer le territoire de la Région comme étant d'intérêt général.
L'alinéa 1er de l'article 1er du CWATUP énumère les principes d'aménagement qui doivent être respectés lorsque des actes sont pris en application du CWATUP. La Région et les autorités publiques sont gestionnaires et garantes de l'aménagement du territoire dès lors qu'elles prennent une décision en matière d'urbanisme.
Il apparaît cependant que, parfois, l'autorité compétente pour délivrer un permis commette une faute et délivre illégalement ce permis. Nous avons récemment rencontré un tel exemple au niveau de la Ville de La Louvière. Dans le cadre d'un litige entre riverains, la Cour d'appel de Mons a en effet reconnu qu'un permis délivré par cette commune était illégal.
Les riverains qui n’ont pas eu l’occasion d’exprimer leur point de vue ou qui n’ont pas été entendus à l’occasion d’une enquête précédant la délivrance d’un permis se retrouvent dans une situation paradoxale : un permis valablement délivré par l’autorité compétente est invalidé lors d’une procédure en justice.
Monsieur le Ministre peut-il nous indiquer si, dans un tel cas d’espèce, le permis délivré par son administration reste valable ? Sinon, quels sont les recours pour les personnes préjudiciées par la délivrance d’un permis dont le caractère illégal a été reconnu au-delà de la période de recours ?
Dans le cas qui nous concerne à La Louvière, la maison est construite depuis dix ans (permis délivré en date du 12 octobre 1998) et d’importants remblais ont été réalisés. Les riverains préjudiciés lors de ces travaux de construction et de remblais peuvent-ils encore faire valoir leurs droits ? Si oui, selon quelle procédure ?
Réponse du 25/01/2010
de HENRY Philippe
Les actes et travaux illicites peuvent porter préjudice aux tiers et ces derniers sont en droit de réclamer devant les tribunaux l'indemnisation de ce préjudice, soit en saisissant directement le tribunal civil, soit en se constituant partie civile devant les juridictions correctionnelles.
Ce droit est ouvert à tout tiers intéressé et n'est pas lié à la qualité de propriétaire d'un terrain voisin de celui sur lequel les actes et travaux ont été illégalement exécutés (1).
A titre d'indemnisation, les tiers peuvent réclamer l'exécution, le cas échéant, forcée des travaux nécessaires à supprimer les griefs.
Les tiers peuvent également mettre en œuvre la mesure de réparation ordonnée par le tribunal : « En matière d'urbanisme, aucune disposition légale ne subordonne l'exécution par la partie civile de la remise en état des lieux dans leur pristin état à l'inaction de l'administration à mettre en vigueur cette même mesure de remise en état des lieux » (2).
Mais par définition, les tiers n'agissent que pour défendre leurs intérêts privés. Ils exercent en matière d'urbanisme une action de droit commun. Il s'agit donc d'une action de nature civile.
Par ailleurs, le choix de la mesure de réparation appartient à l'administration et les droits des tiers peuvent être limités par ce choix.
Sans préjudice du droit de réclamer une indemnité à l'auteur de l'infraction, les droits de la personne lésée par une infraction en matière d'urbanisme - qui défend des intérêts propres - demeurent limités en ce qui concerne la réparation directe au mode réparation choisi par l'autorité compétente.
Cette solution se justifie par la suprématie de l'intérêt urbanistique général sur l'intérêt particulier.
Enfin, l'honorable Membre s'interroge sur la politique infractionnelle qu'il convient de conduire en matière d'aménagement du territoire et d'urbanisme.
A cet égard, je rappelle que dans sa DPR, le Gouvernement wallon ambitionne « d'une part, intensifier les efforts visant à réconcilier le citoyen avec la règle en matière d'urbanisme pour lutter en amont contre les infractions urbanistiques et, d'autre part, poursuivre l'exécution des démolitions ordonnées définitivement par décision judiciaire ».
Pour s'en tenir à la question de l'honorable Membre, rappelons que si les politiques de poursuite des infractions et leurs sanctions ne relèvent pas des responsabilités de la Région, mes collaborateurs et l'administration rencontrent régulièrement les représentants des parquets généraux afin de se concerter sur la gestion des dossiers infractionnels.
Enfin, je me permets de renvoyer l'honorable Membre à la réponse apportée en séance du 5 janvier 2010 à la question du Député Edmund Stoffels concernant la prolongation du délai d'amnistie pour les amendes administratives dans le cadre des infractions urbanistiques.
J'ai déjà pu dire à cette occasion qu'au vu des difficultés d'application que soulève le décret relatif aux infractions d'urbanisme, je proposerai que l'évaluation du CwaTUP porte également sur ces dispositions.
(1)Cas., 1ère Ch. , 24 avril 2003, Pas., 2003, p.854. (2)Cas., 2ème Ch., 20 février 2001, Pas., 2001, p 340.