à LUTGEN Benoît, Ministre des Travaux publics, de l'Agriculture, de la Ruralité, de la Nature, de la Forêt et du Patrimoine
La Déclaration de politique régionale wallonne 2009-2014 met clairement en évidence les avantages et le potentiel du transport fluvial. De nombreuses études internationales présentent la Wallonie comme un pôle essentiel pour développer des activités de transport et de logistique. J'interroge Monsieur le Ministre aujourd'hui à ce sujet pour essayer d'analyser l'état d'avancement de ce type de transport en Région wallonne. Dans la DPR, le Gouvernement s'engage à plusieurs niveaux : définir et coordonner les mesures en faveur des plateformes multimodales; positionner la Wallonie sur les grands corridors européens de fret, entre autres, en faisant la promotion de la Région et en intégrant le réseau wallon de voies navigables dans le réseau transeuropéen; lever les goulets d'étranglement du réseau et assurer la mise au gabarit adéquat de ce dernier. Et à travers cela, élargir la capacité du réseau wallon par la mise en œuvre du réseau transeuropéen de Transport Seine-Escaut, augmenter le gabarit de la Lys, de l'Escaut, de la capacité fluviale entre le Hainaut et Namur, des Ecluses de Lanaye, d'Ampsin-Neuville et d'Ivoz-Ramet... Et j'en oublie certainement tant les intentions exprimées dans la DPR sont nombreuses ... Ma première réaction à cette liste de promesses est bien entendu : Monsieur le Ministre en a-t-il les moyens ?
Ensuite, le nouveau programme européen de coopération transfrontalière Interreg IV (2007 - 2010) réunit, à travers un de ses nombreux partenariats, la province du Hainaut et la Région Nord-Pas de Calais. Parmi les objectifs de ce programme, on retrouve la promotion du tourisme fluvial, mais également le développement de l'animation de la filière et des activités de bord de voie d'eau. Dans le cadre du programme, un projet, baptisé « Collier de perles », est porté par Voies Navigables de France, la Fédération du tourisme de la Province de Hainaut, le Service public de Wallonie et le Comité Régional de Tourisme du Nord-Pas de Calais, qui est l'opérateur chef de file. Le projet s'articule autour de 7 axes : l'amélioration de l'offre; l'information et la communication; l'assistance à la commercialisation de produits « fluvestres » ; le développement d'outils de promotion; l'évaluation des actions; la création d'embarcadères sécurisés et enfin la navigation de plaisance proprement dite. Ce projet est certes ambitieux et je me réjouis de ce que la province du Hainaut y soit associée. Monsieur le Ministre, pourquoi ne pas étendre ce projet à toute la Wallonie ? Notre région n'est pas immense. N'y a-t-il pas moyen d'avoir la même politique, la même façon de travailler et un même projet pour toute la Wallonie concernée par le transport fluvial ? Est-ce qu'un seul projet global de promotion du transport fluvial n'est pas plus avantageux tant au niveau de l'efficacité qu'au niveau du coût ?
Lorsque l'on analyse les chiffres, on se rend compte que le transport de marchandises n'est pas en constante progression : si mes données sont exactes, les indicateurs du dernier trimestre 2008 étaient inquiétants, et le début 2009 confirme une forte tendance à la baisse, observable par ailleurs sur tout le réseau fluvial européen. Conséquence directe de la réduction des productions et des commandes dans bon nombre de secteurs industriels, les volumes transbordés diminuent dans toutes les catégories de marchandises et toutes les zones géographiques. Mais comment se fait-il que les entreprises ne privilégient pas le transport fluvial en ces temps de crise ? En Belgique, le transport de pièces exceptionnelles est presque exclusivement réalisé par la route. L'alternative fluviale ou ferroviaire est encore trop peu étudiée par les entreprises industrielles, les expéditeurs et les organisateurs de transport. Qu'est-il fait pour encourager ce type de transport en Wallonie ? Le fluvial est pourtant un mode de transport avec d'énormes avantages : un convoi fluvial de 4400 tonnes transporte autant de marchandises que 220 camions ou quatre trains; une péniche produit quatre fois moins d'émissions de gaz à effet de serre et consomme 3,7 fois moins de pétrole que le transport routier; l'Europe compte 38.000 kilomètres de voies fluviales sur lesquelles transitent 503 millions de tonnes de marchandises; le transport fluvial consomme 3,7 fois moins de pétrole et émet 4 fois moins de C02 que le transport routier; une tonne de marchandises transportée par voie d'eau (fluvial grand gabarit) coûte 12 euros contre 21 par la route et 22 par le rail; je pourrais citer bien d'autres avantages mais il a sans doute compris où je veux en venir. Cette dimension « verte » du fluvial alliée à sa compétitivité économique dans un contexte de crise économique devrait inciter les entreprises à miser sur ce mode de transport. Monsieur le Ministre peut-il nous donner son avis sur cette question ? Ne pense-t-il pas que ce manque d'investissement dans le transport fluvial de la part des entreprises ne résulte d'un manque de promotion et d'information, voire de soutien ?
Quelle est son opinion sur les investissements consentis en Belgique ? Sont-ils plus ou moins nombreux que dans les autres pays, toutes proportions gardées ? Dans son édition du 23 septembre dernier, le journal « Le Monde » consacrait un cahier entier sur le transport fluvial en France. On y apprenait que le transport fluvial y a augmenté de 30 à 40 % au cours des dix dernières années, qu'un plan de relance avait réservé 120 millions d'euros pour moderniser et entretenir les 6700 kilomètres de canaux et rivières aménagés qui composent le vaste réseau fluvial français, que l'Etat français a débloqué une enveloppe exceptionnelle de 174 millions d'euros sur la période 2009-2013, que le Gouvernement français a mis en place un plan d'aide à la modernisation de la flotte d'un montant de 16 millions d'euros sur la période 2008-2012 et enfin que les retombées économiques étaient énormes : création de 25 000 emplois directs ou indirects dans tous les secteurs d'activités : construction, terrassement, logistique, ingénierie, transports, etc ... Où nous situons-nous, encore une fois toutes proportions gardées, par rapport à un pays comme la France ?
Je voudrais l'avis de Monsieur le Ministre sur la situation des trois projets de développement les plus importants du réseau wallon pour les cinq prochaines années : - la construction de la 4ème écluse de Lanaye; - la construction d'une nouvelle écluse à Ivoz-Ramet et l'étude d'une nouvelle écluse à Ampsin-Neuville; - la première partie du projet Seine-Escaut wallon.
Ensemble, ils représentent un budget d'investissement de 280 millions d'euros HTVA. Adoptés en décembre 2008, ces trois projets rentrent dans le cadre du programme Réseau transeuropéens de transport qui s'achève en 2013. L'enjeu pour la Région est donc de réussir la mise en œuvre de ces projets pour cette échéance. Mais est-ce réaliste ? Où en sommes-nous ?
Je souhaiterais obtenir une réponse de Monsieur le Ministre sur les recommandation faites par le programme NAÏADES qui a identifié une série d'actions à mettre en œuvre pour favoriser le développement du transport fluvial en Europe. Quelques mesures n'ont toujours pas été réalisées en Belgique, selon le rapport du service public de Wallonie:
Etablir des lignes directrices en matière d'aides d'Etat pour les programmes de soutien au transport par voie navigable;
Désigner des points de contact nationaux chargés de fournir des conseils sur les exigences légales et les procédures administratives;
Créer un Fonds européen pour l'innovation dans le domaine de la navigation intérieure ;
Soutenir des organismes de promotion.
Ces objectifs sont-ils à l'ordre du jour pour cette législature ?
Réponse du 27/01/2010
de LUTGEN Benoît
La question très complète de l’honorable Membre souligne fort justement l'ambition de ce Gouvernement en matière de développement, notamment du mode fluvial, dans une perspective européenne. Certains aspects de cette question concernent des compétences directes du Ministre Henry, en tant que Ministre de la Mobilité, en charge de la promotion des voies navigables. Je me concentrerai dès lors sur les matières relevant de mon ressort.
Tout d’abord, en ce qui concerne les moyens dont je dispose pour réaliser ces ambitions, je l'informe que globalement, sans sous-estimer les difficultés budgétaires, vu l'ampleur de la tâche et la situation économique actuelle, la plus grande part des orientations décrites dans la Déclaration de Politique Régionale ont déjà fait l'objet de décisions formelles quant aux moyens à y conférer.
De plus, pour les grands projets d'infrastructure, je poursuis activement la recherche de compléments financiers structurels, notamment les fonds européens et les partenariats publics-privés, qui permettront de maintenir l’effort sur la durée.
Les questions posées portant sur différents sujets, les réponses seront apportées point par point :
1) Le projet Interreg Collier de Perles vise essentiellement à développer l'attractivité du tourisme fluvial au départ de la France avec le partenariat de la Province du Hainaut.
C'est précisément parce que la Région wallonne n'est pas très étendue et qu'il est important d'y développer une approche cohérente que le SPW est associé au projet. Il y défend et valorise les actions déjà menées à l'échelle régionale telles que le schéma directeur du tourisme fluvial. Le propre des projets Interreg est bien entendu de créer des synergies locales transfrontalières. Il est important d'encourager ces actions et initiatives tout en les valorisant sur le plan régional. C'est bien l'esprit dans lequel ce projet est abordé.
2) Concernant l'utilisation du transport fluvial par les entreprises, notamment dans le cas de pièces exceptionnelles et en particulier en période de crise, je dirais que les paramètres de choix modal sont nombreux. Cependant, la Région wallonne se situe au troisième rang européen en matière de part modale du transport fluvial. C'est déjà un indicateur important de l'efficacité et de l'exploitation de notre réseau. Il est certain que l’on peut faire mieux ! Mais rappelons, d'une part, que les choix en la matière relèvent toujours du privé et, d'autre part, que tout transport n'est pas "transposable" à un autre mode que la route.
Les pouvoirs publics incitent ou soutiennent en offrant un service de niveau international aux usagers, par exemple en termes d'heures d'ouverture des écluses et d'autre part en informant, notamment par le biais de la Direction de la Promotion des voies navigables et de l'Intermodalité et en aidant les entreprises à effectuer ce choix. Cela relève également des compétences du Ministre Philippe Henry.
3) Quant à l'influence de la crise, elle concerne tous les modes tant au niveau des quantités à transporter que des tarifs pratiqués et elle crée une profonde instabilité. Contrairement aux apparences, elle n'est pas nécessairement propice, dans un premier temps, aux modes qui nécessitent le plus de réflexion et de structure (le fluvial et le fer) mais il est clair que certaines entreprises en profitent effectivement pour repenser leur organisation des transports et qu'une fois le creux dépassé, ces modes alternatifs profiteront de leurs atouts.
Quant à la question de savoir si l'examen approfondi des alternatives au « tout à la route » n'est pas réalisé dans le cadre de grands projets d'investissements, il y a peut-être là une réflexion à mener mais elle relève davantage de mon collègue chargé de l’aménagement du territoire et de l'intermodalité.
4) Concernant la comparaison avec la France quant aux investissements consentis, je reconnais que le dynamisme français est exemplaire en la matière. La France affiche toutefois de grandes ambitions aujourd'hui mais après des décennies de quasi abandon de son réseau fluvial.
Par rapport à la France, la Belgique, dès les années cinquante, s'est dotée d'un réseau fluvial à grand gabarit qui reste, aujourd'hui encore, un des plus performants d'Europe alors que la France en était restée, pour l’essentiel, aux standards du début du vingtième siècle. Le différentiel à rattraper est donc énorme pour nos voisins avec lesquels nous collaborons d'ailleurs activement.
5) J’en viens aux grands projets énumérés par votre question et qui doivent positionner la Région wallonne dans le réseau européen de l'avenir :
- La quatrième écluse de Lanaye : c’est bien évidemment un projet phare qui nous ouvre la porte des Pays-Bas et du bassin rhénan. Les études de ce projet sont achevées et le montage financier de l'opération par la Sofico, avec le cofinancement de la Commission européenne et des Pays-Bas, est bouclé. Les travaux préparatoires sont en cours, tout comme les demandes de permis pour le dossier principal.
- La construction de l'écluse d'Ivoz-Ramet : Les études sont achevées, les permis sont obtenus. Un budget européen a été octroyé dans le cadre des RTE-T. Il faut encore finaliser le financement de l'opération en Région wallonne.
- Le projet Seine-Escaut Ce projet très emblématique est réalisé en partenariat avec la France et la Flandre et bénéficie d’un cofinancement de la Commission européenne. Les études menées par la Région suivent leur cours normalement. Comme pour l'écluse d'Ivoz-Ramet, le financement de la part wallonne du projet est à l'étude.
Pour ces trois projets, la Région wallonne a fait preuve d'ambition et de détermination. La qualité des projets et le professionnalisme dont a fait preuve l'administration wallonne ont été soulignés par la Commission qui leur a alloué les taux de financement maximum prévus par le règlement : ce sont les seuls projets RTE en Europe qui ont bénéficié de cette reconnaissance.
Après un an de suivi de ces projets (les décisions de cofinancement n'ont été prises que fin 2008) la Région a tenu jusqu'à présent tous ses engagements et ses délais.
6) Enfin il évoque la communication NAIADES et plus particulièrement certains points. Ils ne relèvent pas de la seule Région wallonne bien que celle-ci y contribue. Quant aux lignes directrices pour les programmes de soutien au transport par voie navigable et aux organes de promotion, ces questions relèvent également des compétences du Ministre Philippe Henry.