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Le litige entre l’Asbl Progès et la ville de La Louvière

  • Session : 2009-2010
  • Année : 2010
  • N° : 190 (2009-2010) 1

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  • Question écrite du 19/02/2010
    • de SAINT-AMAND Olivier
    • à FURLAN Paul, Ministre des Pouvoirs locaux et de la Ville
    Je me permets de revenir sur un dossier pour lequel les informations se succèdent certes, mais révèlent à chaque fois de nouvelles inconnues. Je veux parler du fameux dossier Progès, du nom de cette asbl louviéroise d’économie sociale qui, entre 1998 et 2001, a géré quelques opérations dans le cadre de fonds européens.

    En date du 3 novembre 2009, j'avais posé à Monsieur le Ministre une question orale relative à l’usage qui avait été fait des subsides européens obtenus par la ville de La Louvière dans le cadre d‘Urban 2. Le fond de la question reposait sur la validation ou non des subsides par la Région wallonne et l‘Europe. Il m‘avait alors renvoyé à Monsieur Demotte qui, en date du 17 novembre 2009, m’a indiqué que la part Feder des subsides versée à La Louvière dans le cadre du projet Urban 2 avait été dûment certifiée, en ce compris le montant de 12.600.000 FB (312.346 euros) lié à la réalisation des projets « Pôle de services de proximité » et « Equipements culturel et sportif ». Monsieur le ministre Demotte soulignait que le subside était dû sur base de dépenses effectivement réalisées par le bénéficiaire final et que l’usage des intérêts restait de la seule responsabilité du bénéficiaire. Il précisait ainsi qu’ « il ressort des opérations de contrôle que le projet a bien été réalisé, que les prestataires ont été rétribués et que les documents y relatifs ont été validés par la Direction générale des Pouvoirs locaux ».

    Sur base de cette information, j’acte donc que, pour la Région wallonne comme pour l’Europe, la Ville de La Louvière a rencontré les obligations qui étaient les siennes dans la mise en œuvre des projets Urban sur les deux axes susmentionnés.

    L’histoire pourrait s’arrêter là s’il n’y avait eu un autre acteur et d’autres positions dans ce dossier d’une complexité extrême.

    En effet, une asbl – l’asbl Progès - agissait comme opérateur pour la Ville de La Louvière dans le volet Urban dédié au « Pôle de services de proximité ». Comme le subside ne devait être versé qu’une fois les actions menées, cette asbl qui ne disposait pas de fonds propres avait engagé ses dépenses sur base d’emprunts bancaires. Une fois sa mission réalisée, elle avait transmis les pièces justificatives à la Ville qui les avait elle-même transmises à la Région wallonne.

    Monsieur le Ministre partagera sans nul doute mon étonnement à la lecture de la réponse du Ministre Demotte si j‘ajoute que fin 2001, la ville de La Louvière a refusé de verser ce subside (engagé et justifié par l’asbl Progès et certifié par la Région wallonne et l‘Europe) à l‘asbl parce que celle-ci n’avait pas rempli sa mission ! Autrement dit, la ville a déclaré non justifiés les 12.600.000 FB visés par les administrations régionale et européenne et s’est en outre, adjugée le droit de les conserver à son propre usage, déclenchant ainsi la faillite directe de l’asbl. Je rappelle que l’on parle bien ici du subside initial et non pas des intérêts qui y sont liés.


    Au-delà des raisons qui ont motivé la ville de La Louvière (des raisons qui restent obscures en dépit des questions qui lui sont posées, mais ce n’est pas là le débat), cette situation appelle des éclaircissements sur le contrôle de l’usage et de l’affectation réels qui sont fait des subsides.

    De quels recours, de quelles protections dispose un opérateur privé (asbl, sprl) qui agit pour compte d’un pouvoir public dans le cadre d’une subsidiation lorsque ce même pouvoir public (en l’occurrence la ville) ne lui remet pas le subside auquel elle devrait avoir droit ?

    Un subside qui a été justifié et dédié à une action spécifique peut-il être, in fine, détourné de l’usage auquel il était destiné ? La ville peut-elle souverainement décider d’en geler l‘attribution ? Si oui, à quelles conditions ? Si non, quelles sont les voies de recours et/ou les sanctions possibles ?

    Quel usage peut-il être fait d’un tel subside une fois qu’il a été gelé – les 12.600.000 FB dorment sur un compte louviérois depuis 2002 ? Ce subside ne doit-il pas être remboursé à l’autorité subsidiante, voire être versé à l’actif de l’asbl en liquidation dont plusieurs employés attendent toujours des indemnités (on notera au passage que le liquidateur n’a pas réclamé cette somme à la Ville) ?

    La ville peut-elle engager cette somme pour payer une éventuelle transaction et/ou d’éventuels dommages juridiques dans le litige qui l’oppose à la banque qui la poursuit en procédure oblique pour récupérer les sommes qu’elle avait avancées à l’asbl sur base des garanties de la ville ?


    Le Ministre-Président, après avoir répondu aux questions qui concernent les fonds européens, me renvoyait explicitement vers Monsieur le Mnistre pour le surplus, en ces termes : « l’autre volet, qui est la relation entre l’opérateur de projet Progès et la ville, relève de la compétence exclusive du ministre qui a dans sa compétence le contrôle des Pouvoirs locaux, la tutelle ».
  • Réponse du 21/04/2010
    • de FURLAN Paul

    Avant toute chose, je souhaite informer l'honorable Membre du fait que mon administration ne possède pas une expertise particulière en matière de fonds structurels européens.

    Cette réserve faite, je répondrai donc de manière théorique et générale à la question posée. Pour ce qui concerne les spécificités relatives à l'octroi des subsides FEDER, je l'invite à s'adresser au Ministre compétent.

    Les deux principes de base qui gouvernent tout octroi de subvention sont les suivants :
    primo, une subvention doit être utilisée aux fins pour lesquelles elle est octroyée;
    secundo, le bénéficiaire d'une subvention doit justifier son emploi.

    D'où, il s'en déduit :

    1°) Dès lors que le bénéficiaire remplit les conditions d'obtention d'une subvention et qu'il justifie les dépenses qu'il a engagées, le pouvoir local doit lui octroyer la subvention prévue.
    En effet, l'autorité locale doit respecter d'une part, les règles supérieures que celles-ci soient européennes, nationales ou régionales et d'autre part, les règles qu'elle s'est données à elle-même, suivant le principe général de droit administratif bien connu « Patere legem quam ipse fecisti ».

    Ainsi, si ces règles supérieures disposent qu'une subvention peut être octroyée suivant tels critères et moyennant le respect de telles conditions, le pouvoir local doit attribuer cette subvention au bénéficiaire qui satisfait auxdits critères et conditions.

    Il en va de même si les conditions d'obtention sont déterminées dans un règlement communal: l'auteur du règlement ne peut prendre une décision individuelle (à savoir la décision de refus) qui ne soit pas conforme au règlement qu'il a lui-même adopté.



    2°) L'autorité locale ne peut détourner les fonds pour des fins autres que celles pour lesquelles ils ont été initialement octroyés.

    Elle ne peut donc décider souverainement de bloquer l'attribution de la subvention.

    Si elle estime que le bénéficiaire n'a pas rempli sa mission, elle ne peut conserver le subside pour son propre usage; elle doit, au contraire, le restituer à l'autorité subsidiante.

    Par ailleurs, le bénéficiaire lésé dispose, de manière générale, des voies de recours suivantes :
    - recours administratif devant l'autorité régionale qui gère les fonds européens;
    - recours devant les juridictions de l'ordre judiciaire dans le cadre du contentieux subjectif, notamment si l'octroi de la subvention a été contractualisé;
    - recours devant le Conseil d'Etat dans le cadre du contentieux objectif : il s'agit de postuler l'annulation de la décision de refus.