Les conséquences éventuelles de la catastrophe nucléaire au Japon pour la Wallonie et les effets d'un accident nucléaire dans notre pays
Session : 2010-2011
Année : 2011
N° : 231 (2010-2011) 1
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Question écrite du 07/04/2011
de WESPHAEL Bernard
à TILLIEUX Eliane, Ministre de la Santé, de l'Action sociale et de l'Egalité des chances
Au séisme et au tsunami, circonstances tragiques s’il en est, auxquels le Japon doit faire face, s’ajoute le nucléaire. Si l’on ne peut nier que la situation actuelle s’inscrit dans un vrai concours de circonstances, il semble de plus en plus évident que les officiels japonais et les dirigeants de la société Tepco auront des comptes à rendre. Cela dit, le drame de Fukushima montre que le risque zéro n’existe pas dans le nucléaire et que les conséquences désastreuses de catastrophes naturelles s’amplifient de manière exponentielle quand l’atome s’en mêle.
Pour rappel, la radioactivité libérée au Japon est essentiellement composée d’iode-131 et de Césium-137. Si l’iode-131 est particulièrement toxique en cas d’inhalation (cancer de la thyroïde), la portée de ses radiations ne dépasse pas 80 jours, il n’en est pas de même pour le Césium-137 qui lui par contre, reste actif pendant quelque 300 ans. Grâce aux dispositifs « de sécurité » mis en place, le nuage radioactif devrait dissiper sa charge toxique sur quelques dizaines de kilomètres … Et donc être extrêmement virulent pour les régions concernées.
En 1986, lors de l’explosion de Tchernobyl, l’Union Soviétique se voulait, elle aussi, rassurante, et notre propre gouvernement lui a emboîté le pas ! Non, le nuage radioactif ne passera pas au dessus de notre pays (il allait sans doute se volatiliser avant), il n’y avait aucun risque, … Souvenons-nous des vaches wallonnes et des vaches flamandes.
Pourtant, il est clair qu’en cas de fuites radioactives, la dispersion ne se limite pas à un rayon de 10 à 20 kilomètres et que des quantités importantes de matériaux radioactifs peuvent être projetées dans l’atmosphère, y rester et y circuler.
Un an après, dans notre pays, les médecins constataient une augmentation des problèmes de tyroïde … A l’heure actuelle, nombreux sont ceux qui s’interrogent encore sur les conséquences sanitaires liées à cet accident nucléaire, sans parler des conséquences à court et à long terme pour les populations de la zone environnante de Tchernobyl, bien connues de tous.
Quand des nuages radioactifs se sont échappé de Fukushima, il a d’abord été expliqué qu’ils passeraient d’abord au-dessus de l’Amérique du nord, mais déjà très dilués. Ils survoleraient ensuite l’Europe, encore plus dilués.
En France, un échantillon de salade prélevé le 22 mars présente des traces de césium-137 (0,065 Bq/kg), à un niveau souvent observé dans ce type de produit. L’IRSN explique très doctement que « ces traces résultent en effet de la persistance dans les sols et dans les végétaux, de césium-37 déposé à la suite des essais nucléaires en atmosphère et de l’accident de Tchernobyl en 1986 ».
En Belgique, l'Agence fédérale de contrôle nucléaire (AFCN) dit avoir enregistré des concentrations négligeables et sans danger pour la santé, à savoir une concentration d'iode-131, un élément radioactif, de moins de 0,001 millibecquerel par mètre cube d'air.
Ces considérations m’amènent à poser les questions suivantes.
Dans le domaine de ses compétences, Madame la Ministre est-elle tenue informée de ce qui se passe à Fukushima ou, du moins, du passage du nuage radioactif au-dessus de notre Région et, le cas échéant, des mesures à prendre ? Estime-t-elle avoir reçu suffisamment d’informations ? Plus largement, quel est son rôle et celui de ses services ?
Où en sommes-nous avec nos propres centrales nucléaires ?
Certaines de nos centrales, telle celle de Tihange, ont été construites dans les années 1970 pour 30 ans. Nous en sommes déjà à 40 ans et on essaie de nous faire croire, en oubliant les signes de vétusté liés aux structure internes des matériaux, non visibles mais bien connus des scientifiques, qu’elles seront encore fiables pour au moins 10 ans de plus.
Si un accident devait survenir à Tihange (sans même parler de Chooz, à vingt kms de Dinant), les conséquences seraient forcément dramatiques. C’est potentiellement Huy, Liège et Namur qu’il faudrait évacuer sur base des vents dominants.
Sauf erreur de ma part, le plan d’urgence ne prévoit qu’une zone de 10 km et non 30 km comme la commission spéciale de recherche du Sénat l’avait demandé en 1991 (il y a vingt ans déjà !) suite à Tchernobyl.
Un exercice de « simulation de catastrophe » a eu lieu en novembre 2005 en cas d’accident à la centrale nucléaire de Tihange, suite à l’arrêté royal d’octobre 2003 portant sur la fixation du plan d’urgence nucléaire et radiologique pour le territoire belge. Sauf erreur de ma part, trois zones ont été définies autour de la centrale nucléaire. Dans la première, de dix kilomètres de circonférence, le gouverneur prendra toutes les mesures possibles relatives à la sensibilisation, à la prévention ou la préparation à une situation d'urgence. Dans une seconde zone, de vingt kilomètres de circonférence, les habitants seront sensibilisés au danger nucléaire et aux dispositions à prendre, notamment au niveau de l'iode. Dans une zone de quatre-vingts kilomètres autour de Tihange, les autorités concernées ont établi un plan d'urgence en cas de création d'un nuage radioactif.
Un exercice d'évacuation de la population vivant à proximité de Tihange eut lieu le 27 novembre 2009. Un quartier des communes de Huy, Modave, Clavier et Marchin fut évacué lors d’une simulation d’incident nucléaire. Il s’agissait d’appliquer sur le terrain les prescrits du nouveau plan d’urgence.
Vu ce qui se passe à Fukushima, tout cela semble bien léger. Les pays européens nucléaires ont prévu des « stress tests » (nouveau concept à la mode de chez nous !) des centrales nucléaires.
Madame la Ministre peut-elle dire si elle-même ou ses services sont d’une façon ou d’une autre associés à la réflexion sur les plans d’urgence et les exercices, voire aujourd’hui les « stress tests » ?
Réponse du 02/05/2011
de TILLIEUX Eliane
Il n'est pas besoin de rappeler que le nucléaire ressortit exclusivement des compétences fédérales, en ce compris s'agissant de la gestion des crises.
Cela n'empêche effectivement pas, comme l'honorable membre le relève, que les entités fédérées dont la Région wallonne soient tenues informées de la situation en Belgique, voire à l'étranger si la Belgique devait être menacée, et éventuellement mises à contribution pour l'une ou l'autre action. Et cela n'est pas pour autant que la région s'en désintéresse.
S'agissant de Fukushima précisément. aucun communiqué du fédéral vers mon département n'a été effectué à ma connaissance, mais le fallait-il dès lors que, selon l'Agence fédérale de contrôle nucléaire, la situation n'était pas préoccupante.
Le plan d'urgence radiologique et nucléaire pour le territoire belge, fixé par l'arrêté royal du 17 octobre 2003. décrit la structure organisationnelle belge pour faire face à des situations d'urgence nucléaires et radiologiques sur le territoire belge en vue de prendre des mesures de protection pour la population et l'environnement et la chaîne alimentaire. Il prévoit, parmi les instances se réunissant au Centre gouvernemental de crise, une cellule de gestion qui, sur la base des avis d'une autre cellule dite d'évaluation. prend des mesures de protection pour la population et l'environnement. Cette cellule, présidée par le Ministre de l'Intérieur et composée des Ministres et Secrétaires d'état des départements concernés peut être, si nécessaire, élargie aux Ministres et Secrétaires d'Etat des Régions concernées. Par ailleurs, comme vous le savez, la Wallonie dispose d'un point de contact unique avec le fédéral en matière de planification et de gestion de crise, en ce compris pour les cas relevant du nucléaire: le centre régional de crise. En cas de déclenchement d'un plan d'urgence, par exemple du fait d'accidents qui surviendraient sur les sites belges ou lors d'une menace nucléaire extérieure (Chooz par exemple), le Centre régional de crise de Wallonie serait informé par les autorités fédérales et par le ou les Gouverneurs concernés et relayerait prioritairement l'information auprès des membres du Gouvernement wallon. L'information à la population est et resterait quant à elle pilotée par les autorités fédérales, comme le stipule clairement le plan d'urgence nucléaire et radiologique précité. Ceci afin de garantir une cohérence de communication particulièrement importante en situation de crise.
S'agissant des périmètres, ce plan opère une distinction entre deux types de zones: la zone de planification et la zone d'intervention. La zone de planification s'entend de la zone circulaire dans laquelle des mesures de protection directe de la population (mise à l'abri, prise de comprimés d'iode stable et évacuation) doivent être préparées d'avance, en vue de permettre une intervention rapide et efficace des autorités. Le périmètre est prédéfini: pour les centrales, il est de 10 km pour les mesures d'évacuation et de mise à l'abri, et de 20 km pour la prédistribution d'iode dans les ménages et les collectivités c'est-à-dire écoles, hôpitaux, usines, crèches, etc. La zone d'intervention est la zone dans laquelle les mesures de protection d'urgence sont effectivement appliquées lorsque le plan est déclenché, elle est fixée par les autorités en fonction des niveaux d'alerte sur la base d'une évaluation, par calcul et par mesure, des rejets radioactifs ou de la situation d'urgence radiologique.
Suivant les précisions en ma possession, la recommandation de la Commission d'enquête du Sénat d'une zone de planification d'urgence pour l'évacuation de 30 km autour des installations nucléaires belges était basée sur une analyse des conséquences de l'accident nucléaire à Tchernobyl en 1986 où de fait une évacuation a été réalisée dans une zone de 30 km autour du site. Divers arguments ont cependant plaidé pour fixer la zone de planification d'urgence à 10 km pour la mise à l'abri et l'évacuation, finalement retenue.
Il importe de noter que le plan d'urgence nucléaire distingue la mise à l'abri de l'évacuation, considérée comme la mesure ultime à n'envisager qu'en cas de risque de doses d'irradiation/contamination très élevées, de manière préventive, et dès lors que les conditions sont réunies pour permettre le déroulement de l'évacuation dans des conditions « sûres» pour la population. La mise à l'abri (aller à l'intérieur, fermer portes et fenêtres, écouter les informations via la radio et la télévision) est considérée comme une mesure plus efficace et plus facilement réalisable dans la pratique. Nonobstant le caractère exceptionnel de l'évacuation, le plan d'urgence requiert à juste titre sa préparation. Dans ce cadre, les autorités ayant l'enseignement. les installations pénitentiaires, les hôpitaux. les cliniques psychiatriques. les asiles, les homes et maisons de repos dans leurs compétences, sont tenues de collaborer à la préparation des plans d'évacuation et prévoient les mesures nécessaires en vue de procéder à l'évacuation notamment des personnes nécessitant des soins médicaux permanents et des personnes domiciliées dans ces établissements. A cet effet. elles établissent un plan spécifique soumis à l'approbation du Gouverneur de province.
En ce qui concerne les exercices, et conformément au plan d'urgence, un exercice se tient chaque année pour les centrales nucléaires de Doel et Tihange et tous les deux ans pour les quatre autres installations concernées par le plan (Institut des Radioéléments, Belgonucléaire, Belgoprocess et Centre d'Etude de l'Energie nucléaire ). Un exercice de grande ampleur (exercice global) est organisé par ailleurs tous les 3 ans.
Le Centre gouvernemental de Crise (CGCCR) précise qu'il définit l'étendue et le programme de ces exercices en concertation avec l'exploitant de l'installation concernée, le Gouverneur de province et d'éventuels autres acteurs, et en tenant compte des leçons et conclusions des exercices antérieurs. A minima, l'interaction et les échanges d'informations entre l'exploitant. le Centre de Crise et la cellule d'évaluation sont testés lors de ces exercices. Les modalités pratiques de l'exercice global sont quant à elles définies par le Ministre de l'Intérieur ou son délégué, en concertation avec les acteurs concernés. Le prochain exercice de grande ampleur est prévu en 2012 pour Tihange.
Par ailleurs, la Belgique prend également part aux exercices de planification d'urgence dans les pays voisins pour les installations nucléaires frontalières. La Belgique a ainsi participé aux exercices organisés par la France pour la centrale nucléaire de Chooz en 2003 et 2010.
Les exercices sont organisés selon une méthodologie bien déterminée et sont évalués via un processus de débriefing permettant de déterminer des points d'amélioration. le CGCCR insiste sur le fait que dans le cadre des exercices, l'ampleur des actions sur le terrain est relativement limitée, contrairement à celles qui seraient entreprises en cas de situation d'urgence réelle avec des conséquences importantes, en raison du possible impact socio-économique. Une évacuation avec participation effective de la population n'a, jusqu'à présent, été testée que par la province de Flandre orientale, en concertation avec le Centre de Crise. Un millier de personnes, essentiellement des écoliers, ont été évacués vers le centre d'accueil et de décontamination de Puyenbroek, dans l'objectif essentiellement de tester le fonctionnement du centre d'accueil.
L'exercice réalisé le 27 novembre 2009 pour la centrale nucléaire de Tihange a été organisé par la province de Liège, en concertation avec le CGCCR avec pour objectif principal de tester la communication entre le comité de coordination provincial et les quatre communes situées dans la zone de planification d'urgence autour de la centrale.