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La qualité de bénéficiaire d'allocation de chômage et les inégalités sociales pour les femmes au foyer qui intègrent le marché de l'emploi à la cinquantaine

  • Session : 2011-2012
  • Année : 2011
  • N° : 70 (2011-2012) 1

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  • Question écrite du 27/12/2011
    • de WESPHAEL Bernard
    • à TILLIEUX Eliane, Ministre de la Santé, de l'Action sociale et de l'Egalité des chances

    Il existe encore en Belgique des femmes au foyer. Celles-ci ne sont pas des demandeuses d’emploi au chômage complet indemnisé.

    Pour des raisons qui leur sont propres, elles ont « fait le choix », parfois obligé, de ne pas intégrer le marché de l’emploi. Pourquoi ? Le plus souvent, pour s’occuper d’un enfant malade ou handicapé, d’un époux ou compagnon malade ou handicapé et aussi de parents âgés.

    Non assujetties à la sécurité sociale, elles ne cotisent pas et donc ne font pas partie du système, car elles « ne rapportent rien à l’Etat ».

    A contrario de cette théorie simpliste, je pense qu’elles rapportent réellement beaucoup, même si c’est de manière indirecte, sans rien recevoir en retour.

    En effet, le fait qu’elles s’occupent elles-mêmes de leurs enfants, époux ou parent permet à la collectivité de réaliser de sérieuses économies dans la création de places dans les crèches, les institutions spécialisées, les maisons de repos et de soins.

    C’est néanmoins parmi elles que le risque de paupérisation est le plus grand. Cela, pour plusieurs raisons.

    Que deviennent ces femmes en cas de divorce ou de décès de leur compagnon auquel elles n’étaient pas mariées ?

    Quels efforts ne doivent-elles pas fournir si elles doivent intégrer (parce qu’elles se retrouvent seules à la cinquantaine ou que les enfants sont élevés) le marché de l’emploi, avant de pouvoir bénéficier d’un minimum de sécurisation sociale, à savoir obtenir le droit à un chômage complet indemnisé (pour le cas où) !

    Les inégalités dans ce cadre sont flagrantes :
    - on demande à ces femmes, dans la cinquantaine, de prester 624 jours de travail au cours des 36 derniers mois avant d’être couvertes ;
    - qui plus est, les années passées au service des autres (sans rien coûter à la collectivité et même en lui évitant des dépenses) ne seront pas valorisées pour leur pension comme cela aurait été le cas si elles étaient restées au foyer sous un statut de demandeuse d’emploi ne collant pas à la réalité.

    Dans ce cadre, il me semble inconvenant de ne pas faire la part des choses. Il faut donner enfin aux femmes (parfois ces hommes) au foyer, un vrai statut social et arrêter de les pénaliser quand elles (ils) arrivent sur le tard sur le marché de l’emploi.

    Madame la Ministre peut-elle me dire si elle suit cette problématique et si elle connaît les revendications de la FEFAF (Fédération européenne des femmes actives au foyer) depuis 1983 ?

    Peut-elle également me dire ce qu'elle a d’ores et déjà mis en place - le cas échéant avec son collègue compétent pour l’emploi – afin de remédier à cette forme particulière d’inégalité ?
  • Réponse du 19/01/2012
    • de TILLIEUX Eliane

    En réponse à cette question, je souhaiterais tout d’abord replacer brièvement mon action en faveur de l’égalité des femmes et des hommes dans un cadre plus général.

    En effet, en collaboration avec le Centre pour l’égalité des chances et la lutte contre le racisme et plus précisément avec l’Institut pour l’égalité des Femmes et des Hommes, je mène des actions en faveur de l’égalité des genres et envers les discriminations dont les femmes sont encore trop souvent victimes à l’heure actuelle.

    Cette action s’inscrit dans le cadre du décret du 6 novembre 2008 relatif à la lutte contre certaines formes de discrimination que le Parlement wallon a modifié la semaine dernière. Afin de le mettre en oeuvre des protocoles de collaboration ont été conclus. Ce décret est transversal, puisqu’il couvre toutes les compétences régionales et notamment l’emploi. Le CECLR et l’IEFH ont été désignés par le Gouvernement pour recueillir les signalements et plaintes dans ce cadre.

    Au-delà de cet aspect, des actions de prévention de la discrimination et de promotion de l’égalité sont également mises en œuvre via notamment des campagnes de communication.

    Cette question illustre aussi, le caractère transversal de l’égalité des chances. Consciente de ce caractère transversal, de la richesse, mais aussi des difficultés qu’il engendre en termes de cohérence des actions menées, j’ai initié il y a peu le plan global égalité de Wallonie.

    L’égalité des genres y figure en bonne place et diverses actions, notamment en matière d’emploi, y sont développées par mes collègues du gouvernement et par moi-même.
    Je tiens aussi à rappeler qu’un aspect de cette question relève du niveau de pouvoir fédéral, en l’occurrence le statut social des femmes sans activités professionnelles pendant de nombreuses années.

    Je ne puis donc apporter des éléments de réponse à ce sujet mais je peux par contre transmettre ma vision politique relative aux femmes au foyer. Je suis persuadée que dans une majorité de cas, il ne s’agit pas d’un choix de rester au foyer. L’écart salarial entre les hommes et les femmes, le préjugé qui incite à penser que les tâches relatives au « care » incombent aux femmes plus qu’aux hommes sont, parmis d’autres, des causes structurelles à prendre en compte. Pour changer les mentalités et lutter contre les stéréotypes sexistes, j’apporte un soutien, via des subventions facultatives, à diverses associations représentatives des femmes dont l’action mérite d’être saluée ici.

    Même si j’ai conscience de la dure réalité qui est la leur et de la précarité à laquelle elles doivent souvent faire face, je tiens à évoquer le fait qu’à défaut de bénéficier des allocations de chômage, ces femmes sont néanmoins prises en charge par le CPAS et bénéficient du RIS. Les CPAS ont d’ailleurs développé des politiques actives de remise au travail via les articles 60§7 et 61, politiques que je soutiens.

    Dans un certain nombre de situations, la question que l'honorable membre évoque rejoint celle du statut de l’aidant proche. En effet, le choix est souvent fait de se retirer du marché de l’emploi pour aider au quotidien un proche handicapé, gravement malade ou en perte d’autonomie liée à l’âge. Il ne l’ignore pas, la reconnaissance légale des aidants proches et de leurs droits relève de la compétence de l’autorité fédérale. Différents projets de loi ont été déposés ces derniers mois en ce sens. Par contre, au niveau régional, de nombreuses dimensions de la politique en matière de santé et d’action sociale ont un impact favorable et significatif sur les aidants proches, je pense par exemple aux missions assurées par les services d’aide aux familles et aux aînés.

    Enfin, pour terminer cette réponse, je souhaite mentionner une initiative intéressante concernant les femmes rentrantes. Il s’agit d’une étude subventionnée par mon prédécesseur et le département de l’économie réalisée par EGID « Les femmes au foyer face au marché du travail (femmes rentrantes) : analyse des parcours de rupture de réinsertion sur le marché du travail (2008) ».

    Cette étude a été traduite en brochure accessible au grand public et plus particulièrement celles qu’on dénomme les « femmes rentrantes ». Le message est surtout d’informer les femmes sur les risques qu’elles encourent en sortant du marché de ‘l’emploi. Des pistes concrètes sont proposées pour qu’elles ré-intègrent une forme d’activité professionnelle puisqu’il s’avère que cette voie semble être la plus favorable au développement de l’autonomie de ces femmes, objectif fondamental de toute politique d’émancipation des femmes.