à HENRY Philippe, Ministre de l'Environnement, de l'Aménagement du Territoire et de la Mobilité
Le tableau de bord de l'environnement wallon qui présente l'ensemble des indicateurs clés pour l'année 2012 consacre une partie de son analyse à la demande en transport de marchandises et à la répartition modale de ce fret.
En 2009, on apprend que le transport de marchandises en Wallonie (transit international compris) s'élevait à 23,8 milliards de T-km, dont 84% est pris en charge par la route.
La note attribuée pour ces points est interpellante puisqu'ils obtiennent la mention « défavorable et en détérioration ». On le sait, les impacts environnementaux du transport par la route sont plus dommageables que le transport par rail ou l'eau. Un kilomètre parcouru par transport routier rejetterait 2 à 12 fois plus de CO2 que pour le transport ferré ou fluvial.
Alors que notre DPR prévoyait de développer le transport durable de marchandises, les indicateurs montrent que, dans les faits, l'inverse se produit avec une détérioration de la situation. Comment expliquer cela ?
Plusieurs points de notre DPR prévoient de développer le transport modal des marchandises. Où en sommes-nous à ce jour ? Monsieur le Ministre pourrait-il préciser les actions déjà menées dans le cadre du plan intégré « transport et logistique » pour la Wallonie repris dans la déclaration ?
Concernant le transport routier, le gouvernement s'était engagé à renforcer la coopération intra et inter entreprises pour réduire le nombre de camions « à moitié remplis ». Quelles sont les actions qui ont été mises en oeuvre à ce jour ?
Réponse du 23/09/2013
de HENRY Philippe
Par définition, les pouvoirs publics disposent de peu de moyens pour orienter la demande en transport de marchandises. Les moyens principaux à disposition de la région sont l’offre d’infrastructures (routières et fluviales) et la réglementation. Le soutien aux entreprises est strictement encadré par les règles européennes, très sourcilleuses à éviter toute aide d’État dans ce domaine libéralisé. Je rappelle que le domaine ferroviaire est une compétence fédérale.
En matière de transport de marchandises, les entreprises sont à la recherche de prestations à la fois le meilleur marché, les plus souples et les plus fiables en termes de délai d’acheminement. Les ruptures de charges (transbordement d’un camion vers la voie d’eau, ou vers le rail par exemple) sont un facteur de coût à prendre en compte.
Le transport fluvial s’adresse donc en priorité aux entreprises proches de la voie d’eau transportant de grandes quantités.
Le transport ferroviaire s’est recentré sur des marchés assez limités, et, depuis la libéralisation de ce secteur, a connu de grandes évolutions vers des flux de plus en plus massifs et à longue distance. La fin, depuis juillet 2013, des aides fédérales au transport diffus est à cet égard un facteur très déstabilisant pour bon nombre d’entreprises wallonnes ; la diminution drastique du nombre de raccordements ferrés est aussi à remarquer. Les politiques tarifaires et les priorités aux flux marchandises très différentes selon les gestionnaires d’infrastructure ferroviaire des pays voisins n’aident pas non plus.
Trois facteurs principaux expliquent l’augmentation du transport routier : - sa souplesse et à la bonne accessibilité routière, qui s’est considérablement améliorée depuis de nombreuses années; - des prix en diminution sur le long terme, tendance aggravée avec l’arrivée sur le marché de prestataires d’Europe centrale; - Globalement, la fiabilité de ce mode et sa faculté à assurer un service « de porte-à-porte ».
La Direction de la promotion de la voie navigable et de l’intermodalité du SPW mène, dans ce cadre assez contraint, plusieurs actions de promotion des modes durables, avec une marge d’action plus grande sur le fluvial – compétence régionale – que sur le ferroviaire.
À cet égard, il faut souligner le rôle essentiel des voies navigables wallonnes en matière de mobilité mais également de développement économique et environnemental. En 2012, malgré la crise économique qui frappe de plein fouet ce secteur industriel, les voies d’eau wallonnes ont permis le transport de 42 millions de tonnes de matériaux divers ce qui a représenté un trafic de près de 1,8 milliard de tonnes kilométriques.
Des chiffres qui restent remarquables sur un réseau dont la longueur, à grand gabarit n’est que de 365 km. Le report de ces trafics vers la route représenterait près de 2,5 millions de poids lourds chargés supplémentaires sur notre réseau routier soit une file continue de 40 000 km.
Ajoutons que le réseau fluvial possède encore de belles réserves de capacité et que les améliorations en cours actuellement lui garantissent un très large potentiel à absorber de nouveaux trafics. Ce sera déterminant pour les vingt ans à venir si l’on considère les projections du bureau du plan qui évoquent une croissance de près de 68 % du transport de marchandises à l’horizon 2030 !
La politique de soutien wallon à la modernisation de la flotte wallonne menée depuis plusieurs années dans le cadre des aides économiques contribue également à soutenir le secteur et à en encourager la modernisation.
Sur le plan environnemental, soulignons que le transport fluvial est celui qui – utilisé dans de bonnes conditions – présente le moins d’externalités. Or la Wallonie présente précisément des conditions favorables à ce mode ce qui permet, pour chaque tonne transportée, non seulement de désencombrer quelque peu les routes mais également de diminuer substantiellement les autres paramètres négatifs tels que consommation énergétique, bruit, CO2, risques d’accident…
Les études menées ces dernières années en Wallonie sur des projets d’infrastructures fluviales ont toutes démontré un gain environnemental significatif de l’action du report modal vers le fluvial. La plus importante à cet égard : « l’Étude environnementale stratégique de liaison fluviale à grand gabarit Seine Escaut Est sur le territoire de la Région wallonne. »
De manière globale, inverser la tendance orientée vers la route est un effort de longue haleine qui ne produit ses effets qu’à moyen et long termes ; mieux localiser les entreprises selon leur profil d’accessibilité, par exemple, prend beaucoup de temps. C’est une des orientations du projet de SDER.
Les questions qui relèvent du Plan Transport et Logistique que l'honorable membre évoque seront traitées dans le cadre du Plan Régional de Mobilité durable (volet marchandises), étude qui a débuté en mai 2013.