à DI ANTONIO Carlo, Ministre des Travaux publics, de l'Agriculture, de la Ruralité, de la Nature, de la Forêt et du Patrimoine
La nouvelle PAC 2014-2020 est en marche. L'Europe a décidé de réduire de 10 % les paiements directs, d'ici 2020.
Le secteur agricole n'a pas été épargné ces dernières années et la crise de la dioxine, la grippe aviaire et la conjoncture économique ont nui à un milieu qui n'en demandait pas tant. Cette diminution doit donc faire grincer des dents et je me demande quel secteur de l'agriculture sera le plus touché.
On se souvient, il y a un an quasi jour pour jour, des manifestations des agriculteurs, à Bruxelles, qui dénonçaient le prix beaucoup trop bas du lait. Aujourd'hui, même si le prix du lait a nettement augmenté, les questions demeurent.
Quelles sont les lignes directrices de cette nouvelle PAC ? Quel est son calendrier de transposition en droit wallon ? Quelles sont nos marges de manoeuvre ?
Réponse du 27/12/2013
de DI ANTONIO Carlo
Les questions sont vastes et couvrent des sujets toujours en cours de discussion au niveau européen notamment via les actes délégués et les actes d’exécution mais aussi au niveau Wallon via l’étude des options offertes par la nouvelle réglementation européenne sur la Politique Agricole Commune (PAC).
1. Calendrier européen et wallon
Après plus de trois ans de discussions au niveau Européen, les 4 règlements majeurs du Conseil et du Parlement européen relatifs à la nouvelle PAC 2015–2020 (paiements directs, OCM unique, règlement horizontal et développement rural) ainsi que le règlement de transition pour 2014 qui couvre majoritairement les aspects paiements directs et développement rural ont été publiés ce 20 décembre 2013 au Journal Officiel de l’Union européenne.
L’acte délégué relatif au règlement paiements directs est en consultation interservices au niveau de la Commission européenne et sera publié le 10 mars 2014 ; les actes d’exécution pris sur la base de ce même règlement seront adoptés le 13 mai 2014. Il est donc difficile d’être précis à ce stade sur chacun des éléments que nous réserve la nouvelle PAC pour la Wallonie.
Au niveau wallon, le décret du 27 juin 2013 prévoyant des dispositions diverses en matière d’agriculture, d’horticulture et d’aquaculture contient toutes les habilitations requises pour la mise en œuvre de cette nouvelle PAC. Ce décret sera repris sans modifications majeures au sein du Code wallon de l’agriculture qui sera déposé sur la table du Parlement en février 2014. Une fois les derniers textes européens connus et les choix wallons faits, la mise en œuvre de la nouvelle PAC nécessitera divers arrêtés du Gouvernement wallon. Malgré la période de changement de législature, l’objectif est d’être prêt avant le 1er janvier 2015, date d’entrée en vigueur du règlement paiements directs.
2. Lignes directrices de la nouvelle PAC – Paiements directs
Le sujet est extrêmement vaste. Je me limiterai aux points sensibles et importants pour la Wallonie.
* L’agriculteur actif, du point de vue des exploitations éligibles aux aides : Le système retenu est simple et flexible : - Exclusion des structures reprises dans une liste négative applicable à tous les États membres ; - Possibilité pour les États membres/Régions d’étendre cette liste sur base de leurs spécificités.
La Wallonie est peu concernée par la liste négative. Une réflexion sur l’opportunité d’établir une liste d’exclusion spécifique à la Wallonie est en cours.
* La convergence interne :
Le règlement répond aux objectifs fixés par la Wallonie : une convergence modérée, avec une période de transition longue et qui ne menace pas l’équilibre financier des exploitations.
Concrètement, la convergence porte sur l’enveloppe paiement de base même si selon le choix d’un paiement vert fixe ou variable, son impact sera plus ou moins important.
Concernant plus spécifiquement le paiement de base, une « valeur initiale » pour chaque agriculteur servira de base au calcul. Celle-ci devrait être égale à la valeur totale des DPU détenus par l’agriculteur en 2014, divisée par le nombre d’hectares déclarés par l’agriculteur en 2015, et multipliée par un coefficient de pondération, égal au budget du paiement de base wallon en 2015 divisé par le budget des DPU wallons en 2014.
À partir de cette valeur initiale, il y aura une convergence, visant à remplir trois conditions imposées par l’UE à l’horizon 2019 : 1) Chaque droit au paiement de base doit valoir au moins 60 % de la moyenne ; 2) Pour chaque droit dont la valeur est inférieure à 90 % de la moyenne wallonne, il faut réduire d’un tiers la différence entre la valeur initiale et 90 % de la moyenne ; 3) Les droits de valeur supérieure à la moyenne voient leur valeur diminuer selon des critères non discriminatoires.
Comme exigée par les règles européennes, cette convergence interne sera réalisée en cinq étapes égales, avec une première étape en 2015 et une dernière étape en 2019.
* La surprime aux premiers hectares (paiement redistributif) :
Il est possible de « surprimer » les premiers hectares afin de favoriser spécifiquement les petites et moyennes exploitations, la surprime étant accessible à toutes les exploitations. Au maximum 30 % de l’enveloppe régionale pourra être consacrée à ce paiement redistributif qui est limité en nombre d’hectares à la superficie moyenne des exploitations. Cette moyenne est d’environ 30 hectares pour la moyenne belge et de 50 hectares pour la moyenne wallonne. Dès confirmation que la moyenne régionale peut être utilisée, le nombre d’hectares pour cette « surprime » sera défini.
* Le couplage des aides :
Le règlement répond à mes objectifs de maintenir une partie de l’aide couplée.
Il sera possible de maintenir une aide couplée à hauteur de 13 % de l’enveloppe avec un supplément de 2 % en faveur des protéagineux et des suppléments complémentaires basés sur le taux actuel de couplage.
* Le verdissement :
30 % de l’enveloppe régionale sont réservés au verdissement qui peut être fixe (même valeur à l’hectare pour tous) ou variable, c’est-à-dire proportionnel à la valeur des droits au paiement de base de chaque agriculteur, et donc indirectement lié à l’historique de chaque agriculteur. Les 3 exigences de base sont assouplies pour mieux répondre aux spécificités régionales : - la diversification des cultures : 2 cultures pour les exploitations avec moins de 30 hectares de terres arables. Et 3 cultures au-delà de 30 hectares de terres arables. - le maintien des prairies permanentes suivant un mécanisme semblable aux exigences actuelles. - et, enfin, 5 % des terres en cultures arables en surfaces d’intérêt écologique (SIE).
Les SIE doivent répondre à une liste d’utilisations autorisées dans laquelle on retrouve entre autres l’agroforesterie, les plantes fixatrices d’azote et les bandes tampon.
3. Marges de manœuvre et choix wallons
Tout ce qui concerne les paiements directs devra être mis en œuvre à partir de 2015. Entretemps, le système actuel, financé par le nouveau budget, est maintenu.
Maintenant que tous les outils disponibles sont connus, l’analyse des divers scénarios est en cours et l’heure est venue de faire des choix. Ces choix sur les options wallonnes doivent être communiqués au plus tard fin juillet à la Commission. Un premier débat est prévu au parlement en janvier et une note sera proposée au gouvernement pour préparer ces décisions de principe. Bien entendu, cette réflexion se fait en étroite collaboration avec le secteur.
Pour soutenir l’élevage bovin (voire ovin et caprin), je compte continuer à consacrer 20 % de l’enveloppe wallonne à des aides couplées en faveur de ce secteur. Une réflexion est encore en cours concernant les modalités d’application.
En outre, je compte octroyer une surprime aux premiers hectares de chaque exploitation afin de réorienter les aides en faveur des petites et moyennes exploitations, en tenant compte du nombre d’agriculteurs actifs sur la ferme.
Concernant le paiement vert, le choix n’est toujours pas tranché sur un paiement fixe ou variable. L’avantage d’un paiement vert fixe est que chaque hectare éligible au paiement de base sera rémunéré de manière identique. L’avantage d’un paiement vert variable est une diminution moins brutale des aides pour les exploitations aux aides historiquement élevées, mais il complexifie les calculs notamment pour les mesures surfaciques du second pilier.
La difficulté de cette réforme est que nous devons travailler avec une enveloppe budgétaire réduite, répondre à de nouvelles contraintes environnementales et répondre à un objectif de rééquilibrage des aides en douceur. De nombreux scénarios sont actuellement à l’étude et tant mon cabinet, que l’administration et le secteur collaborent efficacement à définir le scénario prenant en compte ces diverses contraintes et offrant le plus de perspective pour l’ensemble l’agriculture wallonne.