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Le danger cancérigène du glyphosate

  • Session : 2015-2016
  • Année : 2015
  • N° : 245 (2015-2016) 1

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  • Question écrite du 24/11/2015
    • de DESTREBECQ Olivier
    • à PREVOT Maxime, Ministre des Travaux publics, de la Santé, de l'Action sociale et du Patrimoine

    Les experts de l'autorité européenne de sécurité des aliments n’ont pas les mêmes conclusions que celles des experts de l'OMS concernant le glyphosate. Cette substance présente notamment dans le Round-up pourrait être cancérigène. Celle-ci est utilisée notamment en agriculture.

    Le groupe de travail qui s’était penché concluait qu'il n'y avait pas de souci à se faire avec ce produit. Cependant, dans la composition du groupe de travail de l’autorité européenne de sécurité des aliments, il y aurait eu des personnes qui travaillaient dans l'industrie incriminée (Mosanto).

    Quelles sont les prises de position de la Région wallonne dans cette problématique ? La Région fait-elle l’objet d’une certaine forme de lobbyisme dans ce dossier ? Doit-on interdire le glyposate selon Monsieur le Ministre ? Ce dossier fait-il l’objet d’une concertation avec ses collègues de l’Environnement et de l’Agriculture ?
  • Réponse du 09/12/2015
    • de PREVOT Maxime

    Voici ce que nous pouvons communiquer sur l’apparente contradiction entre les avis de l’autorité européenne de sécurité des aliments (AESA ou EFSA en anglais) et les experts du Centre International de Recherche sur le Cancer (CICR ou IARC en anglais) dépendant de l’OMS.

    L’EFSA avait reçu un mandat pour réévaluer le statut réglementaire du Glyphosate, substance active (S.A.) utilisée dans des désherbants à usage agricole (en combinaison avec des OGM développés pour résister à cette S.A.) et non agricole (dont des produits mis à la disposition du grand public pour usage dans le cadre d’espaces privés ou publics). L’Allemagne fut le pays membre désigné comme rapporteur dans ce processus d’évaluation.

    Le rapport final de l’EFSA a été retardé suite à la publication en mars 2015 de la monographie N° 112 de l’IARC relative au Glyphosate. Dans cette monographie, l’IARC place le Glyphosate dans le « Groupe 2A » de sa propre classification, à savoir parmi les produits considérés comme probablement cancérigènes. Pour ce faire, les experts de l’IARC se sont basés sur un ensemble de résultats scientifiques issus d’études épidémiologiques et en laboratoire. Pour ce qui concerne les propriétés cancérigènes du Glyphosate, cet ensemble de résultats a été jugé suffisant sur les différents modèles animaux (in vivo et in vitro), mais encore limité chez l’homme (Si les données avaient, étaient limitées pour les deux types de modèles, la substance aurait été classée dans le « groupe 2B » (=substance possiblement cancérigène). Si les données avaient été jugées suffisantes pour les deux types de modèle, la substance aurait été classée dans le « Groupe 1 » (= substance cancérigène avérée)). Pour les experts de l’IARC, le Glyphosate fait ainsi partie des « agents cancérogènes avec indications limitées » en relation avec l’induction de certaines leucémies et/ou lymphomes (de type non-hodgkiniens dans le cas présent).

    La monographie de l’IARC a donc été prise en compte par les experts consultés par l’EFSA. Ceux-ci au final ont rendu un avis différent : « L'EFSA a conclu que le Glyphosate est peu susceptible de présenter un risque cancérogène pour l'homme et que les preuves accumulées n’appuient pas son classement en relation avec son potentiel cancérogène dans le cadre du Règlement (CE) n°1272/2008 ». L’avis des experts de l’EFSA diverge donc de celui des experts de l’IARC. Il existe plusieurs raisons expliquant ces différences de points de vue entre experts.

    La raison qui nous apparait comme principale réside dans le fait que les experts de l’IARC basent leur étude ayant porté sur la molécule de Glyphosate mais également sur les mélanges à base de Glyphosate (Glyphosate-based formulations). Les experts de l’EFSA par contre ne se sont intéressés qu’au Glyphosate en tant que substance active, hors mélange. Dès lors, les « pools » d’étude sur lesquels se basent les conclusions des deux groupes d’expert sont différents.
    - Certaines études prises en considération par l’IARC n’ont pas été reprises par l’EFSA car elles ne concernaient pas la substance pure.
    - Par ailleurs, pour ce qui concerne spécifiquement la toxicité chez les mammifères, l’EFSA a pris en considération les résultats de 5 études menées sur la souris et de 9 études menées sur le rat. Toutefois, pour chacun de ces deux modèles animaux, trois études de chaque groupe n’ont pas été évaluées (= prises en considération) par l’IARC.

    Le principal problème qui doit être soulevé (et qui est même reconnu par les experts de l’EFSA dans leur rapport) concerne la présence d’impuretés dans les mélanges à base de Glyphosate pouvant elle-même être à l’origine d’effets cancérigènes. Signalons par exemple la présence dans ces mélanges d’impuretés telles que le formaldéhyde (reconnue comme substance cancérigène) et le N-nitro-glyphosate (qui appartient à un groupe d’impuretés très problématiques pouvant devenir des carcinogènes génotoxiques une fois activé dans l’organisme). Les experts de l’EFSA reconnaissant ainsi dans leurs conclusions que ces impuretés devraient faire l’objet de recherches plus approfondies. C’est un des différents « Data gap » identifiés par ces experts.

    Signalons encore comme sources potentielles aux avis divergents fournis par les deux panels d’experts :
    - la définition des critères (endpoints) différents concernant les effets « à long terme » tels que la toxicité à long terme (associée à des effets carcinogénes), la toxicité développementale et/ou reproductive, mais aussi les propriétés potentielles en tant que perturbateur endocrinien.
    - L’interprétation divergente des analyses statistiques.
    - De manière beaucoup plus spécifique, les experts de l’EFSA ont pris en compte les résultats jugés pertinents des « données de contrôle historique » (historical control data) dans le cadre des tests menés sur des souches (strains) de matériel de laboratoire. Pour expliquer simplement, des souches (ou lignées) ont été sélectionnées pour mener des tests en laboratoire. Contrôler les « données de contrôle historique » consiste à vérifier s’il existe ou non une prévalence plus importante de certains types de cancers dans les souches qui ont été utilisées. Cela peut amener de tempérer l’apparition de ces mêmes types de cancers au cours des expériences réalisées en raison d’une éventuelle « sensibilité génétique » de cette souche. Ce processus de pondération semble avoir été pris en compte dans l’avis des experts de l’EFSA.
    - Enfin, en raison de la masse de données disponibles, les experts de l’EFSA ont adopté des coefficients de pondération jugés « consistent » pour certaines études qui ont eu une influence sur la conclusion finale.

    Une autre « Data gap » identifié par les experts de l’EFSA concerne la problématique des résidus de Glyphosate qui persistent dans l’environnement et/ou les organismes traités et pour lesquels l’EFSA appelle également à intensifier les études.

    Les deux avis doivent être considérés comme tels étant donné qu’ils ne se basent pas sur les mêmes groupes d’études (en fonction des finalités de celles-ci). Il faut néanmoins mettre l’accent sur le fait que l’avis de l’IARC ait pris en compte également les mélanges à base de Glyphosate et donc reflète mieux l’usage pratique qui est fait de cette substance active et de son interaction potentielle avec notre environnement (problématique des résidus inclus). L’avis rendu par l’IARC s’inscrivait en outre dans une démarche plus neutre dans le sens ou elle n’était pas basée sur la nécessité de se conformer à une grille réglementaire préétablie par les états européens. Dans tous les cas, c’est le « worst case scenario » qui devrait prévaloir et, dès lors, l’avis de l’IARC.

    Concernant une éventuelle interdiction du glyposate, cela ne relève pas des compétences régionales, mais bien fédérales.