Regain de maladies dues aux renards et aux tiques.
Session : 2005-2006
Année : 2005
N° : 30 (2005-2006) 1
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Question écrite du 07/11/2005
de BROTCORNE Christian
à LUTGEN Benoit, Ministre de l'Agriculture, de la Ruralité, de l'Environnement et du Tourisme
Si le gibier wallon se porte généralement bien, on doit bien constater qu'il faut toutefois mettre l'accent sur deux exceptions. Le renard est porteur d'une maladie dangereuse pour l'homme : l'échinococcose alvéolaire.
L'échinococcose alvéolaire humaine est une maladie parasitaire due au développement dans le foie de la larve d'un petit ver.
Celui-ci parasite l'intestin grêle de certains carnivores sauvages, en particulier les renards roux, ou de certains carnivores domestiques, tels les chiens et plus rarement les chats.
On peut la contracter notamment en consommant des mûres, champignons et autres produits des bois et des haies.
Actuellement, 50 à 60% des renards présents en Wallonie sont porteurs de la maladie.
Attention aussi aux tiques dont sont infestés la plupart des animaux ; 10% des tiques sont dangereuses pour l'homme, elles transmettent la maladie de « Lyme » (qui peut conduire à la paralysie). Il est intéressant de noter que les tiques sont surtout actives de mai à octobre.
Monsieur le Ministre pourrait-il me dire si des solutions sont à l'étude afin d'éradiquer ces maladies ?
Réponse du 15/11/2005
de LUTGEN Benoît
Je prie l'honorable Membre de trouver-ci après les informations concernant les problèmes sanitaires évoqués dans sa question.
I. L'échinococcose alvéolaire
Cycle parasitaire de l'échinococcose
Echinococcus multilocaris, un petit ver plat de la famille des ténias, est l'agent causal de l'échinococcose alvéolaire humaine. Ce ver se retrouve à l'état adulte chez des carnivores sauvages, essentiellement le renard dans nos régions, mais également plus rarement chez le chien ou le chat, qui jouent ainsi le rôle d'hôte définitif. Ceux-ci ne souffrent pas de la présence du ver. Les œufs produits par le ténia sont évacués avec les selles du carnivore et déposés sur des végétaux ou sur le sol. Ces œufs peuvent ensuite être ingérés par certains rongeurs, tels que le campagnol terrestre, le campagnol des champs ou le rat musqué. Ces animaux constituent les hôtes intermédiaires qui vont abriter le stade larvaire qui est lui potentiellement pathogène. Les œufs vont éclore, migrer vers le foie ou d'autres organes où ils provoqueront une lésion kystique. Accidentellement, l'homme peut prendre la place du rongeur et jouer le rôle d'hôte intermédiaire. Pour le parasite, il s'agit alors d'un cul-de-sac épidémiologique.
Situation de l'échinococcose chez le renard en Belgique
Avant 1992, aucune donnée n'était disponible sur la présence de l'échinococcose alvéolaire sur le territoire belge. C'est dans le cadre d'une étude subventionnée par l'Institut d'expertise vétérinaire du Ministère de la santé publique qu'on a démontré pour la première fois la présence du parasite au sein de la population vulpine du plateau ardennais et de la Lorraine belge : 15 % des 85 renards analysés étaient porteurs. Cette région, proche de la zone endémique de la Lorraine française, présente certaines caractéristiques environnementales favorables à l'installation du parasite : basses températures et altitude entre 500 mètres et 1.000 mètres.
Ces premiers résultats ont poussé la Région Wallonne à étendre l'étude à l'ensemble de la province du Luxembourg. L'enquête réalisée entre 1993 et 1995 sur 145 renards indiquait un pourcentage d'infestation élevé (51%). En 1997, l'Institut de médecine tropicale et l'Université d'Anvers ont détecté la présence du ténia chez trois des cent renards examinés en Flandre. Un projet de recherche européen a permis de poursuivre l'enquête de 1998 à 2001 sur certaines régions du territoire belge. La distribution géographique du parasite a ainsi pu être mieux cernée : l'étude a confirmé la présence de renards infestés par Echinococcosus multilocularis et l'existence d'un gradient d'infestation décroissant d'est en ouest, probablement lié aux variations géoclimatiques (altitude, précipitations, températures moyennes). Les prévalences d'infestation les plus élevées ont toujours été observées depuis 1992 sur le plateau de l'Ardenne centrale.
L'étude financée par l'Europe ayant pris fin en 2001, le Professeur Losson du service de parasitologie de la Faculté de médecine vétérinaire de l'ULg a sollicité l'aide financière de la Région wallonne pour poursuivre les études, notamment en utilisant une technique de détection plus sensible. Le renard étant l'hôte principal du parasite et notre administration étant compétente en matière d'espèces gibiers, une convention d'étude de deux ans a été signée par le Ministre Happart en décembre 2002. Malgré des aspects de l'étude relevant plus spécifiquement de la Santé publique (évaluation du risque potentiel joué par les carnivores domestiques et évaluation du risque encouru par l'être humain au sein de certains groupes socio-économiques), la Région, compétente pour la faune sauvage, a pris en charge l'ensemble du financement de l'étude afin de permettre à l'équipe scientifique de l'ULg d'examiner la problématique dans son ensemble.
Les premiers résultats, non définitifs, issus de cette étude sont les suivants :
1. a. A la date du 31 mai 2004, 827 renards ont été récoltés et 682 renards ont été examinés. La technique de raclage intestinal fait état des résultats suivants selon les provinces:
- Brabant wallon : 7,5 % d'infestation sur les 67 renards récoltés ; - Hainaut occidental : 21,3% d'infestation sur les 108 renards récoltés ; - Liège : 14,5% d'infestation sur les 214 renards récoltés (13% en Hesbaye et 40% en Condroz liégeois) ; - Namur : 1,6% d'infestation sur les 59 renards récoltés ; - Luxembourg : 40,6% d'infestation sur les 234 renards récoltés.
b. L'utilisation d'une technique plus sensible (sédimentation) a permis d'affiner les résultats pour un certain nombre de renards récoltés. A la date du 31 mai 2004, 203 renards ont été examinés par cette technique. Les résultats sont les suivants:
- Brabant wallon : 11% d'infestation sur les 18 renards analysés ; - Hainaut occidental : 40% d'infestation sur les 45 renards analysés ; - Liège : 44% d'infestation sur les 45 renards analysés ; - Namur : 40% d'infestation sur les 10 renards analysés ; - Luxembourg : 47% d'infestation sur les 85 renards analysés.
2. Les résultats concernant les chats et les chiens ne seront disponibles qu'en décembre 2004. Néanmoins, on a déjà retrouvé des ténias sp. sur 10% des matières fécales de chien analysées. Reste à déterminer le type de ténia.
3. En 2003, 1.149 micro-rongeurs (campagnols, musaraignes,…) ont été capturés et analysés. Seuls deux cas étaient positifs. Des analyses ont également pu être effectuées sur des rats musqués (2.224 en 2003 et 502 en 2004) et sur des rats d'égout (32 en 2004). Pour 2003, le portage de l'échinococcose chez les rats musqués est variable selon une distribution géographique qui suit la même tendance que pour le renard ; 0% dans le Brabant wallon jusqu'à 14% (en 2003) ou même 23% (en 2004) dans la province du Luxembourg.
4. Le quatrième et dernier volet de l'étude, qui concerne l'évaluation du risque humain, est actuellement en cours : déjà une cinquantaine d'agents des forêts de la DNF ont fourni, via la médecine du travail (SPMT), des échantillons de sang soumis à des tests sérologiques. Tous les résultats sont négatifs.
D'une manière générale, les experts considèrent que l'épidémiologie de l'échinococcose multiloculaire ou alvéolaire est particulièrement complexe. La distribution géographique de la maladie semble en apparente extension. En Belgique, depuis 1999, quatorze cas ont été diagnostiqués dont huit en 2004. Le nombre croissant d'atteintes diagnostiquées chez l'homme serait sans aucun doute lié aux campagnes d'information de la profession médicale, mais peut-être aussi à une pression parasitaire plus importante. En particulier, l'envahissement des milieux périurbains et même urbains par le renard roux, principal réservoir parasitaire, doit être pris au sérieux.
Comment éradiquer ce fléau ?
Il n'existe actuellement pas de vaccination contre cette maladie. L'éradication du parasite est difficile. La chasse intensive du renard ne semble pas être la solution adéquate, d'un point de vue écologique, éthique et scientifique. Par ailleurs, d'autres carnivores, tels que les chats les chiens, mais également certains mustélidés, seraient également des vecteurs possibles de la maladie, même si le renard reste l'hôte le plus réceptif au parasite.
Les cas de contamination de l'échinococcose chez l'homme sont cependant rares. Le risque d'ingestion d'œufs est minime et l'infection serait due à une exposition répétée ou prolongée. Depuis 1999, seuls huit cas ont été détectés. D'après nos renseignements, les deux personnes qui en seraient décédées étaient, l'une en immunodéficience (sidéen) et l'autre, âgée et sous traitement d'immunodépresseurs. Les facteurs prédisposant ne sont pas tous connus ; il semblerait néanmoins que la possession de chats ou de chiens, la chasse ou certaines activités professionnelles (cultivateur, jardinier, garde chasse, bûcheron,…) en région d'endémie puissent représenter des facteurs de risques dans la contamination humaine.
Comment mettre en garde des habitants ?
Une plaquette d'information éditée par l'Institut scientifique de Santé Publique reprend une série de précautions à prendre pour diminuer le risque de contamination :
- ne manipuler les renards ou autres animaux potentiellement infectés, morts ou vivants, qu'avec des gants à usage unique ; - éviter de consommer des légumes crus provenant de jardins accessibles à des renards ou des fruits sauvages crus provenant d'un endroit potentiellement souillé par des renards infectés. Une cuisson à haute température détruit les œufs (10 minutes à 60 °c par exemple) ; - se laver les mains à l'eau chaude et au savon après tout travail impliquant un contact avec de la terre potentiellement contaminée ou le contact avec des chiens ou des chats en régions endémiques ; - vermifuger toutes les 4 semaines les chats et les chiens vivant dans une région potentiellement à risque ; - pour les personnes exposées, se soumettre à un contrôle sérologique régulier (bisannuel ou annuel) pour permettre la détection précoce d'une infection éventuelle.
Par ailleurs, il est recommandé de limiter les sources de nourritures provenant des déchets domestiques à proximité des habitations et principalement des jardins potagers. De même, il est nécessaire de décourager les gens qui tentent de nourrir des renards pour le plaisir de les voir à proximité de leur maison.
Mesures concernant la chasse ou les forêts
L'équipe de scientifiques travaillant sous convention pour la Région wallonne a participé à l'information des chasseurs par leurs interventions lors de réunions de conseils cynégétiques ou d'évènements liés à la chasse. Par ailleurs, le personnel de la DNF, qui a été sensibilisé aux risques liés à l'échinococcose, ainsi que certains chasseurs, collaborent à l'étude scientifique en acheminant des renards morts vers les centres de collecte disposés par les chercheurs de l'ULg (convention « Echinococcose » et convention « Réseau de suivi sanitaire du gibier ») en une quinzaine de points en Région wallonne.
II. La maladie de Lyme
1. Qu'est-ce que la maladie de Lyme?
La maladie de Lyme est une maladie que l'on peut attraper après avoir été mordu par une tique infectée. Heureusement, toutes les tiques ne le sont pas : environ 10% des tiques présentes en Belgique sont infectées par une bactérie pathogène (Borrelia). Il est possible d'être mordu par une tique en se promenant ou en jouant dans des forêts à litière épaisse, à sous-bois dense mais aussi dans des prairies et des espaces verts urbains. Le nombre de cas diagnostiqués par an (N) et confirmés par un des laboratoires de référence (U.C.L. ou K.U.L.) a augmenté depuis 1991.
Depuis 2003, un troisième laboratoire de référence assure la confirmation des cas.
2. Comment se manifeste la maladie de Lyme ?
La maladie de Lyme se manifeste généralement en trois étapes, qui ne sont pas toutes nécessairement observées :
1° trois jours à trois mois après la morsure :
- apparition d'une tache rouge circulaire à l'endroit (ou à proximité) de la morsure, qui grandit petit à petit (érythème migrant); - apparition de symptômes grippaux tels maux de tête, maux de gorge, fatigue, fièvre, ...;
2° quelques semaines ou mois après la morsure :
- douleurs dans les bras ou les jambes ; - déformation du visage causée par une paralysie des muscles de la face ; - vision double ; - troubles du rythme cardiaque (arythmie);
3° des mois jusqu'à même parfois des années après la morsure :
- douleurs et gonflement d'une (ou de plusieurs) articulation(s) (arthrite) (souvent au niveau du genou) ; - troubles neurologiques chroniques (rarement) ; - maladie chronique de la peau au niveau des bras et/ou des jambes.
Une personne infectée peut développer un ou plusieurs de ces symptômes, combinés de façon variable.
3. Comment peut-on attraper la maladie de Lyme? On peut attraper la maladie de Lyme :
- si on est mordu par une tique (une morsure de tique ne fait pas mal) et - si cette tique est infectée par une bactérie pathogène (10% des tiques-nymphes en moyenne sont infestées en Europe) et - si la tique reste fixée à la peau pendant au moins 12 heures.
Toutes les personnes infectées ne développeront pas la maladie. Le risque de maladie après morsure de tique est estimé à moins de 1% en Europe de l'Ouest.
4. Comment se présente une tique ?
Une tique est un petit acarien de couleur brun-noir et de la taille d'une tête d'épingle. Elle se fixe sur la végétation basse pendant une (ou plusieurs) année(s). Si un homme ou un animal (petits rongeurs, bovins, ovins, chevaux, chiens, . . .) passe par là, elle se réveille, se fixe à la peau, au pelage ou à un habit, puis s'accroche à la peau en enfonçant son rostre et suce le sang. Après avoir sucé du sang, elle peut atteindre la taille de 7 à 11 mm. Quand la tique est gorgée de sang, elle se détache de la peau et se laisse tomber sur le sol.
Plus la tique reste accrochée longtemps, plus elle a le temps de se gorger de sang et devient grosse, plus le risque de contamination par la bactérie pathogène est grand.
5. Où rencontre-t-on des tiques en Belgique ?
Les tiques peuvent être présentes là où il y a des bois et une végétation basse (hautes herbes, fougères, buissons), mais aussi dans des prairies et des espaces verts urbains. Sur la base des cas diagnostiqués en 2004 par les laboratoires de référence (U.C.L. + K.U.L. + Ottignies), on constate que des cas ont été diagnostiqués dans presque tous les arrondissements du pays; citons en particulier le nombre élevé de cas diagnostiqués dans les arrondissements de Nivelles, Turnhout, Antwerpen et Leuven (cfr. figure 1 en annexe).
6. Qui peut attraper la maladie de Lyme?
Aussi bien les enfants que les adultes sont susceptibles d'être mordus par une tique et donc d'attraper la maladie de Lyme. Il est possible d'être infecté plusieurs fois. La maladie de Lyme ne se transmet pas de personne à personne ni d'un animal à une personne.
7. Quand peut-on attraper la maladie de Lyme ?
La maladie de Lyme s'observe surtout de juin à octobre, parfois d'avril à novembre en fonction des conditions climatiques (cfr. figure 2 en annexe). Lorsqu'il fait bon, beaucoup de personnes ont tendance à se découvrir; tout contact direct de la peau avec de la végétation basse augmente le risque de morsure.
8. Que faire pour éviter d'attraper la maladie de Lyme ?
- en forêt, rester sur les sentiers, par souci de la nature, et éviter de se frotter contre les herbes et les plantes sur lesquelles les tiques sont en attente du passage d'un hôte; - porter des vêtements couvrant la plus grande partie de la peau : manches longues, pantalons, chaussettes, bottes; - enduire les parties non couvertes de la peau par un produit répulsif contre les insectes (contenant du DEET) ne procure pas une protection absolue : ce produit s'évapore de la peau rapidement et les tiques peuvent rechercher des parties de la peau non enduites; - contrôler la peau après toute exposition possible pour détecter rapidement les tiques attachées. - Il n'existe à l'heure actuelle aucune médication à prendre avant une exposition éventuelle.
9. Que faire en cas de morsure par une tique ?
1° localiser rigoureusement toutes les tiques;
2° éliminer toutes les tiques le plus rapidement possible (plus la tique reste longtemps accrochée à la peau, plus le risque de contamination par la bactérie pathogène est grand) et le mieux possible en respectant les étapes suivantes :
- essayer d'attraper, à l'aide d'une pince disponible en pharmacie ou d'une cuiller (http://www.teekweg.be/) ou de 2 doigts, la tête de la tique ; - exercer de petites rotations / tractions pour extraire la tique (ne pas laisser une partie de celle-ci sous la peau) ; - désinfecter la plaie à l'alcool, stériliser la pince en la plongeant dans de l'eau chaude et se laver correctement les mains;
3° si la tique n'a pu être extraite entièrement, demander à votre médecin traitant de le faire;
4° prendre un bain ou une douche bien chauds peut, parfois, suffire pour éliminer les tiques; toutefois, bien contrôler par après la peau;
5° inscrire dans un agenda la date de la morsure et le lieu présumé de contamination afin de pouvoir mentionner ces renseignements au médecin s'il y a apparition de symptômes;
6° surveiller l'apparition de signes cliniques décrits au point 2;
7° prévenir les proches ayant été soumis au même risque;
8° s'il y a apparition de taches rouges, maux de tête, et/ou douleurs dans les jambes ou les bras, consulter le plus rapidement possible un médecin; si nécessaire, une simple prise de sang sera réalisée pour savoir si l'on est infecté par la bactérie responsable de la maladie de Lyme (délai minimal entre la morsure et l'analyse : 3 semaines); si c'est le cas, une antibiothérapie sera prescrite;
9° en cas de forte fièvre et de symptômes de type grippal, penser à l'anaplasmose (anciennement appelée ehrlichiose), une maladie émergente en Belgique : demander conseil à votre médecin.
Un traitement par les antibiotiques favorisera une résolution rapide diminuant d'autant les désagréments pour le patient et le risque de complications ultérieures.
10. Trois raisons pour rester serein :
- toute morsure n'est pas infectante; - une tique infectée ne transmet pas nécessairement la maladie; - la maladie peut être traitée de manière efficace avec des antibiotiques.