Appellation d'origine protégée de la feta grecque.
Session : 2005-2006
Année : 2005
N° : 46 (2005-2006) 1
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Question écrite du 30/11/2005
de MILLER Richard
à LUTGEN Benoit, Ministre de l'Agriculture, de la Ruralité, de l'Environnement et du Tourisme
La Cour européenne de Justice a confirmé le 25 octobre dernier l'appellation d'origine protégée (AOP) de la feta qui a été réservée à la production grecque en 2002.
Soutenus par le Royaume-Uni et la France, le Danemark et l'Allemagne réclamaient que leurs producteurs de fromage puissent se prévaloir également de cette appellation.
Les juges de Luxembourg ont rappelé que « la production de feta est restée concentrée en Grèce et que 85 % de sa consommation communautaire, par personne et par an, a lieu en Grèce ».
En outre, dans les autres pays que la Grèce, « la feta est régulièrement commercialisée avec des étiquettes renvoyant aux traditions culturelles et à la civilisation grecques » .
« Ainsi, les consommateurs dans ces Etats membres perçoivent la feta comme un fromage associé à la Grèce, même si en réalité il a été produit dans un autre Etat membre » selon la Cour, qui a donc rejeté le requête du Danemark et de l'Allemagne.
Pour être protégée en tant qu'AOP, une dénomination traditionnelle comme « feta », qui n'est pas le nom d'une région, d'un lieu ou d'un pays, doit désigner un produit originaire d'un milieu géographique délimité capable de conférer à ce produit des caractéristiques spécifiques. De plus, il faut que la dénomination ne soit pas devenue générique.
La Commission européenne avait donc décidé, en 2002, que ces conditions étaient remplies et avait accordé le statut d'AOP à la feta grecque. Selon la Commission, l'aire géographique délimitée par la législation hellénique couvrirait exclusivement le territoire de la Grèce.
Quelle est la position du Gouvernement wallon par rapport à cette problématique de la feta ?
Y a-t-il de producteurs wallons concernés par la décision ? Et quel est l'impact de cette décision pour ces producteurs ?
Réponse du 08/12/2005
de LUTGEN Benoît
Que l'honorable Membre me permette de rappeler que la Commission a adopté, le 12 juin 1996, le règlement (CE) n° 1107/96 relatif à l'enregistrement des indications géographiques et des appellations d'origine.
Ce règlement incluait la Feta dans l'annexe, partie A, « Produits de l'annexe II du traité destinés à l'alimentation humaine », rubrique « fromages », pays « Grèce », en tant qu'appellation d'origine protégée (« AOP »).
Les gouvernements du Danemark, d'Allemagne et de France ont attaqué cet enregistrement, introduisant les recours en annulation correspondants devant la Cour de justice européenne, au motif que l'aliment désigné n'était pas originaire d'une région ou d'un lieu déterminé et ne présentait pas de qualités ou caractères dus essentiellement ou exclusivement au milieu géographique, comprenant les facteurs naturels et humains, dont il est originaire. En second lieu, les requérants soutenaient que l'expression était générique, et ne pouvait donc pas être enregistrée.
Le 16 mars 1999, un arrêt « Feta » a mis fin aux trois litiges en supprimant la mention Feta du registre par le règlement n° 1070/1999. La Cour a en effet considéré que l'analyse de la Commission ayant mené à l'inscription de la Feta au registre avait été incomplète.
Mais, suite à une étude exhaustive commanditée par la Commission relative à la production, à la consommation et à la connaissance de la Feta et après avis unanime du comité scientifique ad hoc niant le caractère générique du terme aux motifs principaux que la production et la consommation du fromage sont majoritairement concentrées en Grèce, où la matière première et le procédé d'élaboration sont distincts de ceux des autres États membres, et que, dans la perception du consommateur, le nom Feta évoque une origine grecque, la Commission a accepté à nouveau, par son règlement n° 1829/2002, l'enregistrement de la Feta en tant qu'appellation d'origine protégée. Cette décision a été contestée immédiatement par l'Allemagne et le Danemark qui en ont demandé l'annulation. La France et le Royaume-Uni sont intervenus en appui de cette demande.
Depuis, l'examen effectué par la Cour a montré la conformité au droit du règlement (CE) n° 2081/92, dans la mesure où il a qualifié le mot Feta de terme désignant un fromage originaire d'une partie importante de la Grèce.
Il en ressort que le nom Feta n'est pas générique, car il remplit les conditions pour être assimilé, en tant que dénomination traditionnelle, à une appellation d'origine, méritant protection sur l'ensemble du territoire communautaire, en tant que manifestation de la propriété industrielle et commerciale.
En conséquence, l'arrêt du 25 octobre 2005 vient de rejeter les recours en annulation introduits par la République fédérale d'Allemagne et par le Royaume du Danemark.
La dénomination Feta est donc confirmée comme appellation d'origine protégée.
Position de la Belgique (position concertée des Régions)
A ma connaissance, en 2002, la position de la Belgique au Comité de réglementation AOP/IGP a toujours été relativement neutre dans le sens où, à cette époque en tout cas, l'enregistrement de la Feta en qualité d'AOP n'engendrait aucune conséquence économique négative pour les producteurs fromagers de notre pays (sous-entendu : la Belgique ne produisait pas de Feta ou cette production était négligeable).
Le porte-parole belge aurait suivi la proposition de la Commission visant à réintroduire la dénomination Feta en qualité d'AOP dans le registre des AOP/IGP.
La Belgique, et en particulier la Région wallonne, se situe dans le groupe des pays « du Sud » ayant soutenu en 1992 l'apparition du règlement (CE) n° 2081/92, considérant que la spécificité des produits liée à leur origine (facteurs naturels et humains) est un aspect important de la qualité, qui doit être reconnu et protégé, au contraire des pays « du Nord », pour qui la conformité du processus de production à des normes (politique d'assurance qualité) est suffisante.
Les pays « du Nord » ont donc une approche plus « libérale » de la qualité des produits ; on peut dire grossièrement qu'ils considèrent que tout produit doit pouvoir être produit en tout lieu et par n'importe qui, que tout cahier des charges doit relever du domaine public, faisant fi de l'héritage du passé et de la tradition, favorisant en cela l'agro-industrie au dépend des petits producteurs et des terroirs, la banalisation des produits, et l'appauvrissement de la diversité agroalimentaire et culturelle européenne.
Remarquons enfin que cet arrêt du 25 octobre 2005 est très important en matière de jurisprudence. Il pourrait peser dans les futurs débats relatifs à la demande de protection de bon nombre de dénominations considérées par certains comme génériques (cas d'autres fromages comme l'Emmenthal par exemple).
Impact de l'arrêt au niveau (wallon) belge
A priori, au vu de la position adoptée par la Belgique en 2002, l'impact économique de cet arrêt dans le pays, et a fortiori en Wallonie, devrait être nul ou négligeable.
Le temps imparti pour répondre à la question étant relativement court, nous n'avons pu obtenir aucune donnée précise sur la production de Feta en Wallonie auprès du SPF Economie et auprès de la Confédération belge des laiteries (CBL). Dès que j'aurai ces précisions, je les communiquerai à l'honorable Membre.