/

L'arrêté ministériel retiré

  • Session : 2005-2006
  • Année : 2006
  • N° : 160 (2005-2006) 1

2 élément(s) trouvé(s).

  • Question écrite du 11/04/2006
    • de STOFFELS Edmund
    • à ANTOINE André, Ministre du Logement, des Transports et du Développement territorial

    Dernièrement, j'ai pu lire des décisions coulées sous forme d'un arrêté ministériel qui suscitent des questions d'ordre juridique.

    C'est une problématique qui nous intéresse d'abord sur le plan juridique et ensuite sur le plan de l'application correcte des lois concernant l'emploi des langues en matière administrative (en général, en région de langue allemande les arrêtés ministériels sont notifiés (en français, même à ceux qui ont introduit le recours en Allemand).

    Concrètement, l'arrêté ministériel adopté en instance de recours contre une décision prise par la Commune en matière de permis d'urbanisme ou de permis de lotir a été retiré. L'arrêté retiré avait bel et bien été adopté endéans du délai prescrit par le CWATUP, c'est-à-dire dans les 30 jours après l'envoi par recommandé de la lettre de rappel tel que défini à l'article 121 alinéas 2 et 3.

    L'arrêté, s'il est retiré, est censé ne pas avoir existé. Sur le plan juridique, l'article 121 dispose qu'en cas de non réponse de la part de Monsieur le Ministre, la décision dont recours est confirmée. Nous l'appelons communément le permis ou le refus tacite.

    Dans les cas précis, le même arrêté adopte une nouvelle décision. La notification de celle-ci est envoyée au demandeur en dehors du délai prescrit, délai en général arrivé à échéance le jour après la notification de l'arrêté retiré.

    Monsieur le Ministre pense-t-il qu'un tel arrêté résisterait par rapport au Conseil d'Etat ?


  • Réponse du 22/05/2006
    • de ANTOINE André

    L'honorable Membre m'interroge sur la possibilité de retirer un arrêté ministériel alors que le retrait serait pris postérieurement à l'échéance du délai de rigueur imparti à l'autorité pour statuer sur le recours.

    Je précise à l'honorable Membre qu'il convient, en matière de retrait par l'autorité de recours d'un arrêté administration irrégulier, de distinguer trois hypothèses :

    - premièrement, le Ministre retire sa décision dans le délai de rigueur qui lui est imparti pour statuer et prend une nouvelle décision dans ce même délai alors qu'aucun recours n'a été introduit devant le Conseil d'Etat. Dans ce cas, le retrait est régulier sous réserve du respect de la théorie du retrait des actes administratifs ;

    - deuxièmement, le Ministre retire sa décision et prend une nouvelle décision hors du délai de rigueur qui lui est imparti pour statuer alors que le délai de recours devant le Conseil d'Etat est expiré. Dans ce cas, le retrait est manifestement irrégulier et pourra être sanctionné devant le Conseil d'Etat ;

    - troisièmement, le retrait est effectué en dehors du délai de rigueur imparti pour statuer mais, alors qu'un recours devant le Conseil d'Etat a été introduit. Ce retrait est régulier pour autant qu'il intervienne avant la clôture des débats et soit effectué dans le respect de la théorie du retrait des actes administratifs.

    A cette troisième hypothèse, est assimilée celle où le Ministre retire sa décision en dehors du délai de rigueur imparti pour statuer, mais pendant le délai de soixante jour prévu pour introduire un recours auprès du Conseil d'Etat, s'il se rend compte que sa décision est irrégulière et donc annulable par le Conseil d'Etat.

    En effet, le Conseil d'Etat a considéré que :

    « Les actes créateurs de droit irréguliers ne peuvent être retirés que pendant le délai prévu pour l'introduction d'un recours en annulation devant le Conseil d'Etat ou lorsqu'un recours est introduit, jusqu'au moment de la clôture des débats ; qu'il ne peut être dérogé à cette règle qu'au cas où une disposition législative expresse autorise le retrait ou lorsque l'acte est entaché d'une irrégularité telle qu'il doit être tenu pour inexistant, ou encore, lorsque cet acte a été suscité par des manœuvres frauduleuses » (CE, n° 58.170 du 016 février 1996, Canvasse).

    Ainsi, en permettant le recours auprès du Conseil d'Etat contre les actes individuels dans un délai de soixante jours, le législateur a nécessairement, pendant ce même délai, permis à l'autorité administrative de réexaminer sa décision qui, irrégulière, serait annulable. Si le Conseil d'Etat ne peut annuler un acte administratif entaché d'excès de pouvoir lorsque cet acte est déféré à sa censure après l'expiration du délai fixé, il n'appartient pas, a fortiori, à l'autorité administrative de retirer, même pour cause d'excès de pouvoir, un acte générateur de droits une fois qu'est venu à expiration le délai fixé pour l'introduction d'un recours devant le Conseil d'Etat, sauf si l'acte est entaché d'une irrégularité telle qu'il y a lieu de le tenir pour inexistant, s'il a été pris à la suite de manœuvres frauduleuses ou si une disposition légale expresse autorise ce retrait (C.E. n° 13.164 du 6 juin 1969, de Lannoy).