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Anciens lotissements existant avant l'entrée en vigueur des plans de secteur

  • Session : 2005-2006
  • Année : 2006
  • N° : 161 (2005-2006) 1

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  • Question écrite du 11/04/2006
    • de STOFFELS Edmund
    • à ANTOINE André, Ministre du Logement, des Transports et du Développement territorial

    Question de principe : Si l'ancien lotissement entre en conflit avec le plan de secteur, est-il caduque ? Je m'explique.

    L'ancien lotissement avait été autorisé selon les dispositions de l'époque avant l'entrée en vigueur du plan de secteur, c'est-à-dire en 1976. Le plan de secteur entre en vigueur en 1978.

    Dans le schéma de lotissement, il y a des lots contenant une zone capable autorisé à l'époque mais se situant au bord de la zone d'habitat à caractère rural, c'est-à-dire pour partie dedans et pour partie en zone agricole.

    Le permis de lotissement étant actuellement toujours en vigueur, quel est le document qui pourra servir de référence pour planifier l'implantation de la maison : le schéma de lotissement (zones capables) ou le plan de secteur ?

    Dans l'hypothèse que ce soit le plan de secteur et non le schéma de lotissement, il y aura des lots qui ne pourront plus être bâtis. Qui va dédommager les propriétaires ?



  • Réponse du 22/05/0006
    • de ANTOINE André

    En réponse à la question posée par l'honorable Membre, j'ai l'honneur de lui apporter les précisions suivantes.

    a) Le permis de lotir est créateur de droits

    Le permis de lotir est à la fois un acte réglementaire et un acte individuel.

    1. Acte réglementaire

    Le permis de lotir est un acte réglementaire. Il détermine les conditions auxquelles la bâtisse est subordonnée (Haumont, répertoire notarial, n° 589).

    Cela a pour conséquence que tous les permis d'urbanisme devront, sauf dérogation, être conformes aux prescriptions du permis de lotir.

    2. Le permis de lotir est créateur de droits

    Le permis de lotir est également acte individuel : il autorise le propriétaire d'un terrain à le lotir (Haumont, répertoire notarial, n°s 589 et 590).

    Le permis de lotir confère des droits non seulement au lotisseur (le droit de lotir), mais aussi aux acquéreurs de lots (le droit d'obtenir un permis de construire une habitation sur chaque lot), droits qui ne peuvent disparaître, du moins sous réserve de l'éventuelle illégalité du permis de lotir, qu'en respectant les procédures strictes de dérogation au permis de lotir, de modification ou de révision du permis de lotir (D. Lagasse et P. Nihoul, « Le permis de lotir, chronique de jurisprudence 1988-1996 », A.P.T., 1996, p. 259).

    Cette seconde caractéristique du permis de lotir est extrêmement importante. Lorsque le permis de lotir est définitif, c'est-à-dire lorsqu'il n'est plus susceptible de faire l'objet d'un recours administratif, d'une requête en suspension ou en annulation devant le Conseil d'Etat, et qu'il ne peut plus être retiré par l'autorité qui l'a délivré, il confère à son titulaire des droits acquis auxquels l'autorité ne peut porter atteinte que dans certains cas.

    L'autorité administrative ne peut ultérieurement revenir par exemple sur le droit du lotisseur de procéder à la division de son terrain en vue de vendre des lots, en interdisant au lotisseur d'encore vendre des lots ou en subordonnant la vente à des restrictions, quand bien même elle découvrirait des illégalités dans le permis de lotir (arrêt Tossens, n° 33080, du 27 septembre 1989).

    Divers mécanismes qui pourraient remettre en cause les droits acquis par le lotisseur et par les acquéreurs des parcelles ont été institués. Pour chacun de ces mécanismes, il convient toutefois d'envisager si tel est effectivement le cas.

    b) Les atteintes au permis de lotir définitif

    1. Adoption d'un plan de secteur postérieur

    Le plan de secteur adopté postérieurement ne révise pas et n'annule pas les permis de lotir non périmés (Haumont, répertoire notarial n° 116, arrê Steeno n° 23832 du 20 décembre 1983 ; arrêt Vandendrische n° 31059, du 13 octobre 1988).

    Les permis de lotir restent d'application intégrale tant qu'ils n'ont pas été révisés ou modifiés conformément aux procédures légales (arrêt Schoepp et Claeys, n° 34782 du 20 avril 1990).

    2. Adoption d'un PCA postérieur

    Le permis de lotir peut être révisé ou annulé par un PCA :

    « Soit d'initiative, soit à la demande du conseil communal (…), le Gouvernement peut, par arrêté motivé, décider :

    1° l'élaboration d'un PCA en vue de réviser ou d'annuler tout ou partie d'un permis de lotir » (article 54, 1°, du CWATUP).

    Par le biais de l'article 54, 1° du Code, le plan de secteur peut donc tout de même avoir un effet indirect sur les permis de lotir.

    Il va de soi que la révision ou l'abrogation d'un permis de lotir par le biais d'un PCA peut ouvrir le droit à une indemnisation (article 70 du Code ; Haumont, répertoire notarial n° 614).

    3. La modification du permis de lotir

    Selon l'article 201 du Code wallon, « à la demande de tout propriétaire d'un lot visé par un permis de lotir, une modification de celui-ci peut être autorisée pour autant qu'elle ne porte pas atteinte aux droits résultant de conventions expresses entre les parties ».

    Tout propriétaire d'un lot peut demander une modification du permis de lotir :

    - moyennant certaines formalités visant essentiellement à recueillir l'assentiment des autres propriétaires (article 103 du Cide) ;
    - pour autant qu'elle ne porte pas atteinte aux droits résultant des conventions entre parties (article 102 du Code).

    Selon le Conseil d'Etat, cette procédure est d'ordre public et établit en faveur des propriétaires des lots une protection minimale qui s'applique impérativement à toute modification demandée (arrêt Verspecht, n° 39364, du 12 mai 1992). Cela s'explique par les droits renforcés que le permis de lotir confère au lotisseur et aux acquéreurs de lots (Lagasse et Nihoul, p. 285).

    4. La renonciation du permis de lotir

    La Cour de Cassation, dans un arrêt du 13 avril 1984 (ATDF, n° 16, décembre 1984, pp. 16 et s) entérina la pratique de la renonciation au permis de lotir en déclarant cependant qu'elle ne pouvait porter préjudice ni aux droits des tiers, ni à la tâche de l'administration.

    Compte tenu des effets juridiques du permis de lotir à l'égard des personnes autres que le lotisseur, principalement à l'égard des acquéreurs des lots, la renonciation à un permis de lotir ne peut plus être envisagée dès le moment où il a été mis en œuvre, soit par la vente d'un ou de plusieurs lots, soit par la réalisation des travaux auxquels la délivrance du permis de lotir a été subordonnée (Lagasse et Nihoul, p. 288).

    Le Conseil d'Etat l'a confirmé dans son arrêt Mercier (N° 34128, du 23 février 1999), dans lequel il a déclaré : « qu'une éventuelle renonciation à un permis de lotir doit nécessaire être antérieure à la réalisation du lotissement ».

    La renonciation au permis de lotir ne peut donc être envisagée que si elle est demandée par le lotisseur avant d'avoir vendu un seul lot (Lagasse et Nihoul, p. 289). Cette condition fait en sorte que la renonciation au permis de lotir ne lèsera pas les droits acquis des tiers.

    5. L'article 159 de la Constitution

    La non-application du permis de lotir est illégale.

    Dans son arrêt Vincent (n° 49, 235, du 23 septembre 1994), le Conseil d'Etat a jugé que le permis de lotir peut en tout temps voir son application écartée conformément à l'article 159 de la Constitution, même s'il est définitif faute d'avoir été attaqué devant le Conseil d'Etat, dans le délai de recours de 60 jours ou retiré par son auteur dans ce même délai.

    Cet arrêt permet donc au juge de l'ordre judiciaire de refuser de tenir compte des droits acquis par le lotisseur ou les acquéreurs des différentes parcelles en raison de l'illégalité du permis de lotir. Cette atteinte aux droits acquis se justifie par le fait que le permis de lotir est également un acte réglementaire et que pareil acte doit se voir appliquer les règles habituelles de contrôle de légalité des actes administratifs réglementaires.

    Toutefois, les autorités responsables de l'illégalité du permis de lotir verront leur responsabilité civile engagée vis-à-vis du lotisseur et des acquéreurs des parcelles.

    6. Les charges

    Les charges relatives à un permis de lotir doivent être imposées lors de la délivrance de celui-ci. Leur omission, fut-elle partielle, ne pourrait dès lors être comblée que par des nouvelles charges, lesquelles « peuvent seulement être imposées par une révision du permis de lotir suivant les règles fixées » par le CWATUP (arrêt Franckx et De Cock, n° 41161, du 26 novembre 1992).

    Les droits acquis ne seront par conséquent pas atteints.

    7. Les règlements

    Les règlements régionaux et communaux d'urbanisme sont sans effet sur les permis de lotir délivrés antérieurement (Haumont, répertoire notarial n° 1135 ; arrêt Plomb, n° 9207 du 27 février1962).

    Le contraire aurait eu pour conséquence de remettre en cause les droits acquis sans respecter les procédures strictes de modification ou de révision du permis de lotir.

    Conclusion

    Le permis de lotir définitif est créateur de droits acquis dans le chef du lotisseur et des acquéreurs des différentes parcelles.

    Le Conseil d'Etat considérait que les drois acquis ne pouvaient, une fois le permis de lotir devenu définitif, s'éteindre que :

    - par renonciation de son titulaire au permis ;
    - par une modification du permis ;
    - par sa révision dans les conditions prévues par la loi (arrêt De Ruppel, n° 15649, du 9 janvier 1973 et Veuve Renson, n° 15884, du 22 mai 1973).

    L'arrêt Vincent est venu ajouter la possibilité pour le juge judiciaire de ne pas appliquer un permis de lotir illégal et ainsi de remettre en cause les droits acquis au lotisseur et aux acquéreurs.