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Quel avenir pour les centrales nucléaires?

  • Session : 2005-2006
  • Année : 2006
  • N° : 162 (2005-2006) 1

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  • Question écrite du 11/04/2006
    • de STOFFELS Edmund
    • à ANTOINE André, Ministre du Logement, des Transports et du Développement territorial

    Monsieur le Ministre a récemment exprimé un plaidoyer en faveur d'un débat stratégique quant à l'approvisionnement et à l'indépendance énergétique de la Belgique par un réexamen concernant la décision se sortir du nucléaire.

    Vouloir revenir sur la sortie du nucléaire est à mes yeux une réflexion à court termes et par ailleurs contre productive.

    Revenir au nucléaire n'est rien d'autre que de remplacer une dépendance (à l'égard du pétrole et du gaz) par une autre (à l'égard de l'uranium).

    Ensuite, c'est répondre à une préoccupation en oubliant une autre pas moins importante : que faire à moyen terme des déchets nucléaires qui ne sont nullement maîtrisés ni au niveau de la sécurité ni au niveau des impacts sur la santé et sur l'environnement.

    Finalement, Monsieur le Ministre connait-il une commune qui est candidate pour recevoir sur son territoire un dépôt pour déchets radioactifs ? A ce que je sache, il n'y en a pas et je ne souhaite pas que nous exportions ces déchets vers les pays qui les prendront parce qu'ils ont besoin d'argent et que l'on transforme ainsi progressivement en poubelle nucléaire.

    J'espère donc que les propos de Monsieur le Ministre sont un lapsus. Je partage l'expression de Green Peace : « Le nucléaire n'est pas une solution, il fait partie du problème. »

    Le nucléaire ne réduit pas notre dépendance énergétique. C'est plutôt en développant les énergies alternatives de façon à ce qu'ils contribuent à nous approvisionner en énergie à un tarif démocratique que nous réduirons à terme notre dépendance. Actuellement, les énergies alternatives couvrent environ 2 % de nos besoins en énergies. C'est manifestement trop peu. Le nucléaire est quant à lui un scénario provisoire qui crée plus de problèmes qu'il n'en solutionne.

    J'espère donc que l'autorité fédérale reste sur sa position de sortir progressivement du nucléaire. Progressivement, parce que de toute façon, les dernières centrales vont seulement fermer dans quelques décennies.

    Monsieur le Ministre maintient-il sa position en matière du nucléaire ?




  • Réponse du 22/05/2006
    • de ANTOINE André

    Le débat sur le nucléaire en Belgique n'est pas simple ; il me paraît nécessaire cependant que ce débat repose sur des bases claires et objectives et ait lieu dans la plus grande transparence. Et il importe, dans ce cadre, de dire aux citoyens les avantages et les inconvénients liés aux différentes filières énergétiques.

    Qu'on le veuille ou non, le nucléaire fait partie de l'équation énergétique et sa suppression éventuelle aurait, à mon avis, plusieurs conséquences pour la Wallonie.

    1. En termes d'environnement

    Si l'arrêt à partir de 2015 n'aura aucune influence sur nos engagements dans le cadre du protocole de Kyoto actuel (objectifs 2008-2012), par contre, l'après-Kyoto, sera certainement problématique. En effet, supprimer le nucléaire en Belgique signifie qu'il faut produire par d'autres moyens ou importer. Si l'option est, dans un souci nécessaire d'indépendance énergétique, de produire par d'autres moyens en Belgique, il faudra le faire majoritairement avec les centrales au gaz, qui pollueront davantage. On peut donc, comme disait Loyola De Palacio, abandonner Kyoto.

    2. En termes de prix pour le consommateur et de compétitivité

    Outre le problème environnemental, l'abandon du nucléaire signifiera inévitablement une hausse des prix. Pour plusieurs raisons, liées à la nécessité de remplacer cette source d'énergie qui couvre près de 60 % de notre consommation d'électricité :

    - coût de construction de nouvelles centrales TGV qu'il faudra amortir + coût du combustible : le prix du gaz suit le prix du pétrole et est plus fluctuant que le prix de l'uranium ; aujourd'hui, déjà, le prix de revient de production d'1 MWh à partir du nucléaire amorti tourne autour de 30 euros alors que le prix de revient d'un MWh à partir d'une TGV est de près de 70 euros par MWh ;

    - part croissante des énergies renouvelables : la production d'électricité à partir de sources d'énergie renouvelables reste plus chère à l'investissement que les autres sources de production et, si ma volonté est de les encourager, il faut aussi avoir le courage de dire au citoyen ce qu'il en coûte ;

    - les achats de carbone pèseront plus lourd en quantité et en prix unitaire ;

    - importation accrue d'électricité : inévitablement plus chère qu'une production locale et qui sera probablement elle aussi une électricité en grande partie d'origine nucléaire.

    3. En termes d'indépendance énergétique

    La fin du nucléaire signifie qu'il faudra davantage importer de l'électricité étrangère, du gaz ou du charbon.

    Ce qui est vrai pour notre pays, l'est aussi au niveau de l'Union européenne dont le dernier Livre vert intitulé « Une stratégie européenne pour une énergie sûre, compétitive et durable » aborde l'ensemble des problèmes énergétiques et, bien entendu, la place du nucléaire en Europe. Sans entrer dans le détail, une des conclusions, partagée par tous les Etats Membres, est que tous les vecteurs énergétiques traditionnels et renouvelables devront participer à la satisfaction des besoins, en parallèle avec l'URE.

    A côté de ces considérations, et au moment où l'on commémore la catastrophe de Tchernobyl, i lest évident que les risques liés à l'énergie nucléaire ne sont pas à négliger. Le problème des déchets nucléaires et le coût qui y est lié reste entier, ils ont été générés depuis une trentaine d'années et leur radioactivité ne deviendra supportable que dans quelques milliers d'années. De même, la crainte de voir proliférer les armes nucléaires dans certains pays doit être prise en compte.

    La question n'est pas simple et je voudrais pouvoir répondre à l'honorable Membre que nous pouvons, sans conséquence dommageable pour notre pays et les citoyens, et en toute sérénité, abandonner le nucléaire.

    Il n'y a pas de solution miracle au problème énergétique, nous devons continuer à la fois une vigoureuse politique d'amélioration de l'efficience énergétique dans tous les secteurs de la consommation, un développement de ses ressources en énergie renouvelable pour atteindre les objectifs fixés par l'Union européenne et, enfin, promouvoir la recherche/développement de produits et procédés plus performants. Mais je crains fort que même une politique ambitieuse en la matière ne permette pas de clore définitivement le chapitre du nucléaire en Belgique.

    J'attends en tout cas avec grand intérêt les conclusions que devra fournir, en avril 2007, la Commission Energie 2030 chargée par le Ministre fédéral de l'Energie de fournir des conclusions quant aux projections énergétiques de la Belgique à l'horizon 2030.