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La création d'un observatoire des logiciels libres

  • Session : 2020-2021
  • Année : 2020
  • N° : 147 (2020-2021) 1

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  • Question écrite du 02/12/2020
    • de BIERIN Olivier
    • à BORSUS Willy, Ministre de l'Economie, du Commerce extérieur, de la Recherche et de l'Innovation, du Numérique, de l'Aménagement du territoire, de l'Agriculture, de l'IFAPME et des Centres de compétences
    La crise sanitaire actuelle et le semi-confinement qui en résulte ont rendu le numérique essentiel dans la vie d'une majorité de citoyens belges. Que ce soit pour télétravailler, pour suivre des cours à distance, pour rester en contact avec ses proches ou pour se divertir, le numérique est présent.

    Or nous savons que la volonté de la Wallonie est de promouvoir ces derniers logiciels. En effet, la DPR stipule ceci : 
    « Le Gouvernement entend promouvoir l'utilisation des standards ouverts et les logiciels libres, qui sont des outils indispensables pour assurer l'accessibilité de tous aux technologies de l'information tout en garantissant la liberté de chaque utilisateur. Ils ont aussi une influence sur la position et la compétitivité des entreprises wallonnes - en particulier les PME - et sur l'innovation technologique. (…) Le Gouvernement entend : (…)
    - développer une plateforme d'échange, de coopération et d'information en matière de logiciels libres et de standards ouverts entre tous les acteurs publics actifs dans le domaine des technologies de l'information ;
    - promouvoir l'utilisation des logiciels libres auprès des citoyens et des entreprises, notamment par des actions de sensibilisation et de formation ; »

    Le contexte compliqué que nous vivons ne représenterait-il pas l'opportunité d'accélérer cette transition d'autant plus nécessaire aujourd'hui ?

    De nombreuses initiatives existent déjà en faveur d'une transition vers les logiciels libres. Celles-ci passent malheureusement souvent inaperçues. Selon les acteurs de terrain, le paysage wallon et bruxellois du logiciel libre et open source souffrirait de son manque de structure, de sa fragmentation et de l'absence de porte-parole. Dès lors, le premier pas d'un passage vers les logiciels libres consisterait en la création d'un observatoire wallon du logiciel libre, qui recenserait toutes les initiatives et les experts présents sur le territoire.

    Monsieur le Ministre a-t-il étudié la possibilité d'établir un tel observatoire, dans le cadre de l'agence du numérique par exemple ?
  • Réponse du 21/12/2020
    • de BORSUS Willy
    Je remercie l’honorable membre de sa question dont je partage de nombreux constats, notamment à l’égard de l’importance du numérique. Il est, en effet, de notre responsabilité de garantir aux citoyens wallons l’accès à des outils numériques de qualité, et ce, quel que soit leur milieu social, leurs revenus ou leur localisation. Dans cette perspective, si le logiciel libre peut s’avérer utile, il doit être retenu comme une solution valable et analysée au même titre que l’ensemble des solutions du marché.

    Sur ce point, il me semble que le logiciel libre n’a pas eu besoin du soutien public pour pouvoir s’imposer. Pensons aux nombreux systèmes d’exploitation qui ont envahi notre quotidien tel qu’Android (présent sur la majorité de nos smartphones), Mac OS d’Apple ou Ubuntu de Canonical qui sont basés sur le célèbre noyau Linux de Mr. Torvald, Linux étant un système d’exploitation qui est 100 % open source. Ce système est même aujourd’hui rendu disponible comme interface de commande sur le très « propriétaire » système d’exploitation Windows 10 de Microsoft.

    Par ailleurs, il existe pléthore de suites bureautiques, de logiciels de retouche graphique, d’ERP (comme le fleuron wallon OpenERP), de logiciels de gestion de contenus, et cetera, qui sont utilisés au quotidien par nos citoyens et nos entreprises sans que leur promotion n’ait été nécessaire. D’ailleurs, une telle promotion pourrait s’apparenter à une distorsion de concurrence, car ce n’est pas au simple motif qu’un logiciel a adopté un mode de distribution « libre » qu’il est pour autant absent d’un positionnement marketing au sein d’un écosystème qui reste concurrentiel.

    Libre ne veut pas dire pour autant gratuit. Toute solution informatique doit pouvoir bénéficier d’un suivi, de mise à jour, d’évolutions. Sans bien connaître la capacité de résilience des organismes qui œuvrent à la mise à disposition de logiciels libres, on ne peut nier la prise de risque. Concrètement, il n’est pas rare d’observer des mutations plus rapides dans le monde du libre que dans le monde propriétaire rendant moins pérenne les investissements dans ce type de solutions.

    Il s’agit donc d’une approche stratégique pour une entreprise (et par extension pour un citoyen), désireuse d’avoir recours à ce type de logiciel. Elle se doit de poser un choix dans ce qu’elle utilise pour conduire ses affaires : doit-il être fourni avec du support ? De l’assistance ? Des garanties en termes de maintenance ? Des possibilités d’évolutions ? Il s’agit de choix importants, car toute exploitation d’un logiciel a un coût ; qu’il soit réclamé à l’acquisition (via l’achat d’une licence, par exemple) ou qu’il soit imputé à l’exploitation (il s’agira alors d’investissement en temps et en compétences pour maintenir la solution).

    On oublie souvent de le mentionner, mais le logiciel libre a également acquis ses lettres de noblesse au sein des datacenters, dans l’exploitation de nombreux services. La majorité des gestionnaires de contenus, des serveurs web, des moteurs de base de données, des dispositifs de routage et de pare-feu et autres solutions VPN utilisent toujours le logiciel libre. Il est certes discret, mais présent et son efficacité est garantie, car dans ces endroits particuliers, il bénéficie de l’attention dont il a besoin : celle d’un personnel qualifié et attentif pour en assurer l’entretien et gérer les cycles de vie inhérents à ce type de logiciel.

    Cela étant, que l’honorable membre ne s’y trompe pas, je ne suis bien entendu pas opposé à l’informatique libre (quand on en cerne tous les enjeux) et je soutiendrai sans réserve les démarches d’ouvertures comme c’est les cas pour la donnée publique, bien que ce ne soit pas l’objet de sa question. Un élément important de son intervention concerne les standards ouverts : cela me paraît être le point essentiel ! En effet, la Wallonie s’inscrit dans cette mouvance et doit poursuivre la collaboration avec les partenaires européens pour renforcer l’usage de standards ouverts.

    Le programme ISA2 (Interoperability solutions for public administrations, businesses and citizens) est l’illustration parfaite de cette logique de plateforme qu’il évoque.

    Poursuivons donc l’effort et collaborons sur le plan européen, pour doter notre société de solutions informatiques adaptées, ouvertes, pérennes, sécurisées et résilientes. Cet enjeu nous devons l’adresser ensemble, la Wallonie contribuera dans la mesure de ses moyens, à l’effort porté par le niveau européen.

    Enfin, la frontière entre le monde du logiciel libre et propriétaire n’a plus le même sens dans l’économie telle qu’elle est aujourd’hui. Des sociétés wallonnes renommées (Orthanc, Claroline ou Odoo) exploitant le logiciel libre comme produit d’appel sont bien référencées sur la plateforme Digital Wallonia et présentes dans son annuaire. Cet observatoire du logiciel libre wallon existe donc déjà en quelque sorte au travers du tag « Ecosysteme Open Source » de la plateforme, que je propose de renommer « Ecosysteme du Logiciel Libre » pour plus de clarté.