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L'échec des réseaux de chaleur en Wallonie

  • Session : 2020-2021
  • Année : 2020
  • N° : 148 (2020-2021) 1

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  • Question écrite du 10/12/2020
    • de LUPERTO Jean-Charles
    • à HENRY Philippe, Ministre du Climat, de l'Energie et de la Mobilité
    Les enjeux climatiques sont partagés par un grand nombre de citoyens. Il convient aujourd'hui de réinventer nos modes de consommation et de production d'énergie. Ainsi, un nombre important de citoyens opte pour de nouvelles infrastructures individuelles comme l'énergie solaire, les pompes à chaleur, etc. Il existe aussi des infrastructures collectives, probablement moins connues du grand public et qui visiblement remportent moins de succès. C'est ainsi que le 26 novembre 2020, nous pouvions apprendre dans le journal La Libre, le « flop » des réseaux de chaleur en Wallonie.

    Ce système de récupération de la chaleur d'une usine, d'un incinérateur ou d'une chaudière à pellet semble dans certains pays de l'Union européenne rencontrer un certain succès. Ainsi, nous pouvions apprendre que dans 7 pays de l'Union européenne pas moins de 50 % des foyers sont raccordés à un tel réseau, avec une palme d'or pour le Danemark, où l'on atteint près de 63 % des foyers. En Wallonie, par contre, il semble que plusieurs freins interviennent dans le développement de cette pratique.

    Selon Éric Monami, Expert chez EDORA, le retour sur investissement constitue un premier frein, mais aussi l'absence d'un cadre législatif clair. Il est rejoint sur ce point par Laurent Minguet de chez IMG qui dénonce par ailleurs, le côté impartial des certifications PEB par rapport à une installation plus traditionnelle, mais fossile comme le gaz ou le mazout. Il apparait qu'une action en justice a d'ailleurs été intentée par un entrepreneur liégeois qui aurait obtenu gain de cause sur ce point. Il demeure donc de nombreuses inconnues pour les défenseurs de cette technologie, qui mettent en avant notamment que ça répondrait aux recommandations de l'Europe sur le climat, mais aussi sur la stabilité des prix que proposeraient des plaquettes de bois ou des pellets nonobstant la diminution de notre Région à la dépendance au pétrole.

    Quel regard Monsieur le Ministre porte-t-il sur ce type d'infrastructure ?

    Qu'en est-il des mesures de soutien pour le développement de celui-ci à grande échelle ?

    Quels sont les freins qui empêchent son développement ?

    Certaines sources évoquent un éventuel lobbying des filières gaz et mazout, est-ce que ce point est confirmé ou infirmé ?

    Qu'en est-il enfin de la certification PEB pour ce type d'infrastructure ?
  • Réponse du 18/01/2021
    • de HENRY Philippe
    Pour commencer, il est important de rappeler que les réseaux de chaleur constituent un des outils de distribution d’énergie entre des entreprises, des collectivités publiques ou résidentielles. Il s’agit donc bien d’un moyen parmi d’autres dans l’ensemble du mix de solutions à notre disposition pour permettre d’atteindre nos objectifs bas carbones à l’horizon 2030 puis 2050.

    Néanmoins, les réseaux de chaleur ont un rôle essentiel à jouer, car ils présentent de multiples avantages. Tout d’abord, ils peuvent apporter des solutions efficaces pour exploiter des sources de chaleur difficilement exploitables autrement, comme la chaleur fatale ou issue de la géothermie, par exemple. Cela peut notamment permettre la décarbonation de systèmes de chauffages de bâtiments dont l’amélioration de la performance énergétique est complexe. Par ailleurs, ils permettent également une centralisation de la gestion de l’énergie et ainsi d’améliorer la maintenance des installations. Enfin, cette centralisation permettra une meilleure maîtrise des émissions de particules fines et impactera positivement la qualité de l’air. Les réseaux de chaleur sont donc intéressants à plus d’un titre et ont certainement leur place dans le paysage wallon.

    Pour l’implantation d’un réseau de chaleur, des prérequis doivent être respectés, tels qu’une densité de consommation suffisante ou la disponibilité d’une ressource de chaleur abondante à bas prix. Les pays cités en exemple dans l’article de la « Libre », disposent d’une « culture » du réseau de chaleur, depuis plus d’un demi-siècle, assortie d’obligations légales fortes en zone urbaine (obligation de connexion au réseau de chaleur …), sans compter la disponibilité d’une source de chaleur géothermique bien plus élevée qu’en Belgique, et une période de chauffe bien plus longue liée à un climat plus froid. Il n’est donc pas aisé de réaliser une comparaison objective entre différents pays qui ont chacun leur propre contexte démographique, économique et technique.

    L’Administration vient de finaliser une étude portant sur la thématique de la « Promotion de l’Efficacité en matière de chaleur et de froid », tel que demandé en vertu de l’Article 14, issu de la directive Efficacité énergétique 2012/27/EU. Cette étude met en évidence l’intérêt de réseaux de chaleur dans certaines situations technico-économiques, mais démontre aussi divers points bloquants, tel que le prix actuel des énergies fossiles (mazout et gaz), qui est bien trop bas pour permettre une dynamique de projet rentable à moins de 12/15 ans. Afin de favoriser le déploiement des énergies renouvelables et leur distribution par des réseaux d’énergie thermique, plusieurs propositions d’actions à court et moyen terme sont à l’étude.

    Le soutien aux réseaux de chaleur est une thématique complexe, car, par nécessité technico-économique, un réseau de chaleur doit regrouper différents types de consommateurs (résidentiel, tertiaire (public/privé), industriel). Or, ces différents consommateurs de chaleur sont aujourd’hui soutenus dans leur investissement par différentes réglementations et différents programmes, qu’il conviendrait d’harmoniser sur ce point.

    Par ailleurs, certains bénéficiaires sont historiquement exclus du bénéfice des aides, tel que par exemple les activités de promotion immobilière ou les fournisseurs d’énergie dans le cadre des aides UDE (exclusion via les codes NACE). À ce jour, seules les entités publiques, via le programme UREBA et le fond Feder, disposent d’un soutien formel à l’installation d’un réseau de chaleur. Pour le secteur des entreprises, un appel au fonds Kyoto, via la SRIW sera bientôt disponible, mais ne concernera que les projets de taille conséquente. Concernant le raccordement de consommateur de type résidentiel à un réseau de chaleur, il n’existe actuellement plus de soutien (une prime avait été instaurée par Jean-Marc Nollet, il y a quelques années).

    Il est aussi à noter que la Wallonie dispose actuellement d’un nombre restreint d’acteurs formés à l’étude et à la mise en place d’un réseau de chaleur. Au vu de la durée de vie d’un tel système, l’étape de conception est critique. Un soutien à grande échelle nécessitera donc la formation des acteurs économiques de notre territoire.

    Depuis l’arrêté ministériel du 22/05/2019 (entré en vigueur le 28/11/2019), la fourniture de chaleur externe (termes réglementaires regroupant, entre autres, les réseaux de chaleur) est clairement encadrée dans la réglementation PEB. Une méthode de calcul spécifique et objective permet d’évaluer la performance d’un réseau de chaleur, en tenant compte, entre autres, du type de combustible, de l’efficacité du générateur de chaleur et de la qualité du réseau de distribution. Cette performance se traduit concrètement dans 2 paramètres techniques qui peuvent être calculés via un outil de calcul mis à disposition des concepteurs de projets et des responsables PEB. L’arrêté ministériel en question définit également la procédure administrative que tout projet de réseau de chaleur doit respecter pour bénéficier de cette valorisation. En cas de non-respect de cette procédure, ou si le projet ne souhaite pas valoriser une performance particulière, des valeurs par défaut existent et permettent ainsi de traiter les projets de réseaux de chaleur dans le cadre général de la Réglementation PEB. Nous précisons enfin que cette approche « PEB » des fournitures de chaleur externe est identique dans les 3 Régions du pays. Enfin, il est important de se rappeler que cette imposition PEB ne concerne que les bâtiments neufs résidentiels, pas les bâtiments existants ni les bâtiments neufs industriels.

    Enfin, pour conclure, nous n’avons pas connaissance d’un lobbying des filières gaz et mazout au sujet des réseaux de chaleur.