/

Les études juridiques sur la taxe kilométrique bruxelloise

  • Session : 2020-2021
  • Année : 2020
  • N° : 173 (2020-2021) 1

2 élément(s) trouvé(s).

  • Question écrite du 18/12/2020
    • de MATAGNE Julien
    • à BORSUS Willy, Ministre de l'Economie, du Commerce extérieur, de la Recherche et de l'Innovation, du Numérique, de l'Aménagement du territoire, de l'Agriculture, de l'IFAPME et des Centres de compétences
    Monsieur le Ministre a indiqué en Commission de l'économie le 15 décembre 2020, à propos de la taxe kilométrique bruxelloise : « Je réponds ainsi très clairement à votre raisonnement, je tiens à votre disposition une partie des éléments juridiques […] ».

    Monsieur le Ministre dispose-t-il déjà d'une étude juridique en la matière ?

    Peut-il la joindre en réponse à cette question écrite ?
  • Réponse du 13/01/2021
    • de BORSUS Willy
    On peut notamment citer que sur le plan institutionnel, dans le cadre de la loi spéciale des réformes institutionnelles du 8 août 1980, la mise en œuvre de cette mesure pourrait être susceptible de causer un dommage aux résidents des deux autres Régions du pays et dès lors, rendre cette initiative contraire à l’article 143 de la Constitution. Cet article dispose que « dans l'exercice de leurs compétences respectives, l'état fédéral, les communautés, les régions et la Commission communautaire commune agissent dans le respect de la loyauté fédérale, en vue d'éviter des conflits d'intérêts ».

    Une Région doit donc s’abstenir de poser un acte susceptible de nuire aux intérêts d’une autre Région. Son respect par les différents parlements fait d’ailleurs l’objet d’un contrôle par la Cour constitutionnelle. Il s’agit d’un principe de loyauté fédérale qu’il est d’autant plus légitime de respecter à l’heure où notre pays doit faire face à une montée en puissance des séparatismes de tous bords.

    Pour cette raison, l’article 92bis, § 2, de la loi spéciale des réformes institutionnelles du 8 août 1980 prévoit l’obligation de conclure des accords de coopération entre les Régions. Cela a d’ailleurs été rappelé dans l’accord de Gouvernement du 21 janvier 2011 entre la Région flamande, la Région wallonne et la Région de Bruxelles-Capitale portant réforme de la fiscalité routière et l’accord de coopération du 31 janvier 2014 entre la Région flamande, la Région wallonne et la Région de Bruxelles-Capitale relatif à l’introduction du système de prélèvement kilométrique sur le territoire des trois Régions et à la constitution d’un Partenariat interrégional de droit public Viapass.

    De plus, il me semble intéressant ici d’effectuer notamment un lien avec un arrêt de la Cour de Justice européenne, datant du 18 juin 2019. Il est relatif à la vignette allemande pour l’utilisation des routes fédérales par les véhicules automobiles particuliers et son rapport au droit de l’UE.

    En 2015, l’Allemagne a voulu mettre en place un cadre juridique permettant de passer partiellement d’un système de financement des routes fédérales par l’impôt à un système de financement fondé sur les principes de l’« utilisateur-payeur » et du « pollueur-payeur ». Les recettes de cette redevance devaient entièrement être affectées au financement des infrastructures routières et son montant calculé en fonction de la « propension écologique » du véhicule.

    Le propriétaire d’un véhicule immatriculé en Allemagne devait s’acquitter d’une vignette annuelle. En ce qui concerne les véhicules étrangers, la redevance ne devait être payée qu’en cas d’utilisation des autoroutes. Cependant, l’Allemagne avait prévu que, à partir de la collecte de la redevance d’utilisation des infrastructures, les propriétaires des véhicules immatriculés en Allemagne pouvaient bénéficier d’une exonération de la taxe sur les véhicules automobiles d’un montant au moins équivalent à celui de la redevance qu’ils ont dû verser.

    L’Autriche a introduit un recours en manquement contre l’Allemagne. Au travers de son arrêt
    (C-591/17), la Cour constate que la redevance d’utilisation des infrastructures, combinée avec l’exonération de la taxe sur les véhicules automobiles dont profitent les propriétaires de véhicules immatriculés en Allemagne, constitue une discrimination indirecte en raison de la nationalité et une violation des principes de la libre circulation des marchandises et de la libre prestation des services. De plus, vu la compensation proposée, la charge économique de ladite redevance pèse, de fait, sur les seuls propriétaires et conducteurs de véhicules immatriculés dans d’autres États membres.

    L’analogie avec notre cas belge peut facilement être effectuée, le passage à un système de financement global de la Mobilité fondé sur les principes de l’« utilisateur-payeur » et du « pollueur-payeur » comme l’entend la Région bruxelloise, vise exclusivement les propriétaires et les conducteurs de véhicules qui se trouvent en dehors de Bruxelles, et par conséquent les navetteurs wallons notamment. Ce n’est pas acceptable.

    J’espère avoir pu fournir à titre purement illustratif et bien entendu de façon non exhaustive, quelques éléments de réponse relatifs au questionnement, tout à fait légitime, et avoir démontré l’extrême fragilité, notamment juridique, du dossier Smart Move.