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La problématique relative à la perte de recettes en matière de fiscalité automobile sur les voitures de société

  • Session : 2020-2021
  • Année : 2020
  • N° : 47 (2020-2021) 1

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  • Question écrite du 28/12/2020
    • de HAZEE Stéphane
    • à CRUCKE Jean-Luc, Ministre du Budget et des Finances, des Aéroports et des Infrastructures sportives
    La Wallonie perd chaque année plusieurs dizaines de millions d'euros de recettes fiscales en taxe de circulation (TC) et en taxe de mise en circulation (TMC), compte tenu de la situation en Flandre et à Bruxelles de la très grande majorité des sociétés de leasing actives en Wallonie. Monsieur le Ministre a, à plusieurs reprises, dénoncé cette iniquité et il a récemment annoncé une nouvelle étude à ce propos.

    Je souhaite lui poser plusieurs questions à ce sujet.

    Peut-il communiquer les estimations de moindres recettes relatives à cette problématique en matière de taxe de circulation ?
    Dans quelle mesure ces recettes sont-elles prélevées au bénéfice de la Flandre, d'une part, au bénéfice de la Région de Bruxelles-Capitale, d'autre part ?

    Peut-il communiquer les estimations de moindres recettes relatives à cette problématique en matière de taxe de mise en circulation ?
    Dans quelle mesure ces recettes sont-elles prélevées au bénéfice de la Flandre, d'une part, au bénéfice de la Région de Bruxelles-Capitale, d'autre part ?

    Peut-il nous informer de l'objet de l'étude qu'il a annoncée ?
    Quel en est le calendrier ?

    Quelle est son approche pour tenter de résoudre cette situation inéquitable ?

    La concertation ouverte par le Comité de concertation en matière de fiscalité automobile ne donne-t-elle pas l'opportunité à la Wallonie de mettre cette iniquité sur la table ?
  • Réponse du 25/01/2021
    • de CRUCKE Jean-Luc
    Tout d’abord, il importe de rappeler le régime applicable actuellement aux véhicules de leasing. Ces derniers subissent encore la TMC et la TC « historiquement » dues en raison de la puissance du moteur exprimée soit en chevaux fiscaux, soit en kilowatts. Il n’y a donc aucune différence de fiscalité entre un véhicule de leasing situé en Région wallonne, en Région de Bruxelles-Capitale ou en Région flamande.

    La raison de ce déséquilibre entre les trois Régions n’a dès lors absolument pas une explication fiscale, mais trouve plutôt son origine dans un critère de nature essentiellement pragmatique : un positionnement sur le territoire de la capitale ou très proche d’elle, sur le territoire flamand, ou près du port d’Anvers répond le plus adéquatement aux objectifs de politique interne des entreprises de leasing concernées.

    Ensuite, la difficulté d’établissement de la taxe, ou plutôt de sa modification, trouve sa source dans l’article 4, §3 de la loi spéciale de financement du 16 janvier 1989 relative au financement des Communautés et des Régions (ci-après LSF), qui fait état de l’obligation, pour les véhicules des sociétés de leasing, de procéder à la conclusion préalable d’un accord de coopération entre les trois régions pour modifier d’une quelconque manière le régime fiscal applicable.

    Par ailleurs, et en vertu du principe fixé par l’article 5 de la LSF, la taxe de mise en circulation et la taxe de circulation sont attribuées à la Région sur le territoire duquel le contribuable est établi. Il s’agit du critère de localisation auquel il n’est pas possible de déroger d’une quelconque manière, et cette localisation est majoritairement située hors du territoire wallon dans le cas du leasing. Toute possibilité d’adaptation de ce critère de localisation de la taxe doit impérativement passer par une adaptation de ladite LSF avec une majorité des deux tiers au niveau fédéral.

    C’est donc bien l’association de ces deux éléments, gestion pragmatique des sociétés de leasing d’une part, rigidité de la Loi spéciale de financement d’autre part, qui pose concrètement et depuis longtemps un réel problème d’équité entre Régions se traduisant en termes budgétaires par ce qu’il convient bien d’appeler « un sérieux transfert sud-nord ».

    Comme cela a déjà été exposé à de multiples reprises ces dernières années, le manque à gagner lié à l’implantation particulière des sociétés de leasing a été évalué à une somme moyenne de 55 millions d’euros par rapport à une taxation dans le chef du bénéficiaire final.

    Cette évaluation se fonde sur une estimation jugée raisonnable jusqu’à présent de 85 000 à 90 000 utilisateurs domiciliés en Wallonie qui utiliseraient une voiture de leasing immatriculée en Flandre ou à Bruxelles avec une moyenne de taxes de circulation annuelle par voiture de 450 euros, soit une fourchette de 38 à 40 millions d'euros ; somme à laquelle il faut ajouter un montant moyen de 15 millions d’euros de taxe de mise en circulation provenant du renouvellement de la flotte de véhicules concernés tous les 4 ans.

    La répartition des véhicules de leasing entre Régions, au mois de mai 2020, était de 89 161 véhicules de leasing immatriculés à Bruxelles, 324 493 véhicules en Flandre et seulement 7 195 en Wallonie.

    La question de l’évolution dans les prochaines années du leasing professionnel et particulier apparaît donc importante à analyser, vu la volonté de plus en plus marquée par les marques de voir une partie croissante de la clientèle basculer vers le leasing, le renting professionnel et particulier et l’émergence des cas de leasing et renting de véhicules d’occasion.

    Pour rappel, le leasing dissocie la propriété juridique, dans le chef de la société propriétaire du véhicule, et la propriété économique, dans le chef de l’employeur, alors que le renting préserve tant la propriété juridique qu’économique dans le chef de la société propriétaire du véhicule.

    La Cellule fiscale d’expertise et de support stratégique de la Région wallonne a été chargée d’analyser l’entièreté de la problématique. Et vu la complexité et la difficulté à récolter les données nécessaires, un marché public spécifique a été attribué fin 2020 et a pour objet la mise en œuvre d’une consultance chargée d’analyser la fiscalité relative au leasing automobile, ainsi qu’à ses variantes, et les perspectives d’évolutions futures, aux fins notamment de déterminer la capacité d’action au niveau régional pour améliorer la situation budgétaire y afférente. La Cellule fiscale s’est ainsi assuré le partenariat de l’ULB et l’ULg qui, pour rappel, avaient déjà réalisé la précédente analyse sur la réforme de la fiscalité automobile.

    Elle est également en contact étroit avec des associations professionnelles du secteur automobile, à savoir FEBIAC et TRAXIO, lesquelles associations sont les seules à disposer des données nécessaires à des évaluations chiffrées précises ainsi que le SPW Fiscalité pour les données relatives aux recettes fiscales.

    Le Dirigeant de la Cellule fiscale m’a indiqué qu’une première réunion de travail avait eu lieu avec les différents intervenants le 28 octobre dernier. Cette réunion avait pour objet de définir le contenu de l’étude et baliser les objectifs attendus de chacun, avec trois axes de travail tant au point de vue législatif qu’économique et budgétaire :

    L’axe 1 portera sur un état des lieux constitué de :
    - l’identification des différents systèmes de location utilisés (par exemple : leasing financier ou leasing opérationnel) et la législation qui leur est applicable ;
    - la description des pertes engendrées par les différents systèmes de location utilisés et flux vers les autres Régions ;
    - l’analyse de l’évolution budgétaire sur 3 ou 5 ans en cas de maintien du système actuel.

    Cet axe portera aussi, sur une critique du système fiscal actuel, sur la position du secteur de l’automobile, des autres Régions, des autres pays européens ainsi que sur la position de l’Union européenne

    L’axe 2 développera les évolutions et perspectives envisageables en exposant :
    - les possibilités de modification de la législation en regard de la Loi spéciale du 16 janvier 1989 ;
    - les mesures incitatives visant à assurer l’équité fiscale et à renforcer la « voluntary compliance » ;
    - la détermination de l’impact budgétaire des modèles proposés.

    L’axe 3 portera les conclusions et recommandations en fonction :
    - des résultats des modèles proposés ;
    - des avantages et inconvénients des différents modèles ;
    - des objectifs et critères pour une réforme de la fiscalité sur les véhicules de location visant un retour à l’équité fiscale.

    Le calendrier des rapports est établi selon ces trois axes, respectivement pour fin janvier, fin février et fin mars. Sur base de l’ensemble de ces analyses, il est à espérer qu’une approche potentielle pour résoudre la situation wallonne se dégage à ce moment.

    Dans tous les cas, cette étude devrait permettre pour la première fois une évaluation relativement précise des recettes fiscales créant l’iniquité budgétaire entre Régions. Ceci sera notamment important lorsque l’on discutera de la réforme envisagée actuellement par la Région bruxelloise qui, d’une certaine manière, accentue cette inégalité au détriment des Wallons.