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Les marchés publics passés par les bureaux permanents des CPAS

  • Session : 2020-2021
  • Année : 2021
  • N° : 86 (2020-2021) 1

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  • Question écrite du 11/01/2021
    • de de COSTER-BAUCHAU Sybille
    • à COLLIGNON Christophe, Ministre du Logement, des Pouvoirs locaux et de la Ville
    Il arrive que des bureaux permanents de CPAS décident d'initier un marché public de conseils juridiques dans le cadre de l'introduction d'un recours motivé à la suite du refus d'un permis d'urbanisme par le fonctionnaire-délégué de la Région wallonne (lequel doit être introduit dans les 30 jours de la réception du refus). Cependant, certains bureaux permanents en viennent non seulement à lancer un marché public de conseils juridiques, mais également à attribuer ledit marché public (au vu de la loi du 17 juin 2016 relative aux marchés publics, notamment l'article 28 § 1er, 4° a) ii-(services juridiques dans le cadre d'une procédure devant les juridictions ou autorités publiques d'un État membre ou d'un pays tiers ou devant les juridictions ou institutions internationales)) au cours de la même séance. Il est soulevé le caractère « urgent » que revêt la mission du conseil juridique, au vu du délai pour introduire le recours.

    Il convient aussi de souligner que certains conseils de l'action sociale délèguent au bureau permanent certaines compétences, notamment l'engagement de la procédure, le choix du mode de passation et l'attribution des marchés publics en matière de dépenses ordinaires, et en matière de dépenses extraordinaires dont la valeur est inférieure à 15 000 euros, pour autant que cette formalité n'ait pu être accomplie par le conseil de l'action sociale.

    Initier et attribuer un marché public de conseils juridiques au cours d'une même séance d'un bureau permanent d'un CPAS est-il réglementaire ?

    Dans la négative, des voies de recours sont-elles prévues ?
  • Réponse du 05/02/2021
    • de COLLIGNON Christophe
    L’exercice des compétences du conseil de l’action sociale en matière de marchés publics par le bureau permanent se révèle possible, aux termes de l’article 84 de la loi organique du 8 juillet 1976 des centres publics d’action sociale, soit en cas d’urgence impérieuse résultant d’événements imprévisibles, soit en vertu d’une délibération de délégation conforme.

    La passation d’un marché public de services relatif à la désignation d’un avocat dans le cadre d’une procédure contentieuse ou potentiellement contentieuse ne saurait rencontrer que de manière marginale l’hypothèse de l’urgence impérieuse résultant d’événements imprévisibles dès lors que si l’urgence impérieuse est avérée eu égard au délai endéans lequel le recours motivé doit être formé, le refus du permis d’urbanisme sollicité constitue une éventualité inhérente à toute demande qui ne saurait être considérée comme tout à fait imprévisible.

    Il apparaît ainsi de meilleurs alois, non pas de passer préalablement à toute sollicitation d’un permis d’urbanisme un marché public en vue de l’introduction d’un recours en cas de refus, mais bien de manière générale pour les pouvoirs locaux, de procéder à la passation d’un accord-cadre en matière de contentieux et de conseils juridiques grâce auquel ils pourront rapidement désigner, selon les modalités y prévues, un avocat en vue de les assister.

    Par ailleurs, en l’absence d’un tel accord-cadre, la passation ponctuelle d’un marché public de services relatifs à la désignation d’un avocat dans le cadre d’une procédure contentieuse ou potentiellement contentieuse sera dans la grande majorité des cas réalisables par le bureau permanent sur base d’une délégation de compétence en matière de marchés publics adoptée conformément à l’article 84 de la loi précitée du 8 juillet 1976 dès lors que cette délégation est valable, sauf disposition plus restrictive, sans limitation pour les dépenses relevant du budget ordinaire ; budget dont relèvent généralement les dépenses ici envisagées.

    Au demeurant, la souplesse permise par l’article 125 de l’arrêté royal du 18 avril 2017 relatif à la passation des marchés publics dans les secteurs classiques dans le cadre de la passation des marchés de services relatifs à la désignation d’un avocat afférent à une procédure contentieuse ou potentiellement contentieuse permet, en l’absence même de tout accord-cadre, de désigner rapidement un conseil juridique. Il suffit, en effet, de consulter si possible les conditions de plusieurs avocats sans obligation de demander l’introduction d’offres.

    Quant à la passation et à l’attribution d’un marché public au sein d’une seule et même délibération, et bien qu’aucune disposition légale n’impose expressément de double délibération, il ressort tant, d’une part, de la chronologie interne aux procédures de passation des marchés publics, en ce compris les procédures sui generis mises en place pour les marchés publics exclus, et des principes généraux en la matière que ces procédures garantissent, que d’autre part, du fonctionnement des autorités administratives, qu’une telle délibération unique ne saurait convenir. En effet, toute sollicitation d’une offre auprès de plusieurs avocats, voire la simple consultation des conditions de plusieurs avocats, ne saurait valablement avoir lieu avant que l’organe compétent n’ait décidé de la passation d’un tel marché, de la procédure à poursuivre et des conditions à fixer ; tandis que l’attribution ne saurait quant à elle s’effectuer préalablement à la réception des offres des soumissionnaires ou à la consultation de leurs conditions sous peine d’enfreindre les principes généraux en matière de marchés publics, de même que l’intérêt général.

    Il en résulte que dans une situation telle qu’en l’espèce, et de manière générale pour tout marché public, afin d’assurer la légalité et la régularité de la passation du marché public, l’organe compétent du pouvoir adjudicateur est appelé à adopter, dans un premier temps, une délibération arrêtant la procédure de passation ainsi que les conditions dudit marché public ; d’ensuite procéder à la publication d’un avis de marché ou de solliciter une offre auprès des opérateurs économiques pertinents, voire de simplement consulter les conditions de ces opérateurs ; d’enfin attribuer par son organe compétent, à l’issue d’une analyse des offres reçues ou des conditions consultées, le marché public au soumissionnaire sélectionné présentant l’offre régulière économiquement la plus avantageuse eu égard aux critères d’attribution arrêtés au sein des documents de marché.

    Le récent arrêt du Conseil d’État, rendu néanmoins en référé, n° 149 291 du 18 décembre 2020 peut à cet égard être cité utilement lorsqu’il dispose que « la décision de recourir à la procédure négociée sans publication préalable doit être prise par l’autorité compétente avant le lancement de la procédure. Selon une jurisprudence constante du Conseil d’État, un vice de compétence ne peut être couvert a posteriori par une ratification. C’est d’autant plus le cas en l’espèce que la décision de recourir à ce type de procédure exclut des opérateurs économiques de la possibilité d’y participer et produit de la sorte des effets juridiques avant l’adoption de la décision d’attribution du marché censée procéder à ladite ratification par les autorités compétentes ».

    Une telle délibération unique de passation et d’attribution pourrait ainsi faire l’objet, pour autant qu’elle n’ait pas déjà été transmise de manière obligatoire en vertu de l’article 111 de la loi précitée du 8 juillet 1976, d’une réclamation formulée devant l’autorité de tutelle qui en connaîtra alors au titre de la tutelle générale d’annulation.

    Elle pourrait encore faire l’objet d’un recours en annulation formulé devant le Conseil d’État sur base de l’article 14 de ses lois coordonnées. Il est à noter qu’en raison de l’intérêt à agir dont doit se prévaloir tout requérant, la poursuite de l’annulation d’une telle délibération au seul motif de la légalité ne saurait être accueillie.

    Enfin, sans obtenir par-là l’annulation de la délibération litigieuse, un soumissionnaire évincé rapportant la preuve d’un dommage en lien causal avec l’irrégularité affectant la délibération, pourrait obtenir une réparation de son préjudice devant les cours et tribunaux civils sur base de l’article 1382 du Code civil.