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L'impact sur le loyer de la performance énergétique des biens mis en location

  • Session : 2020-2021
  • Année : 2021
  • N° : 94 (2020-2021) 1

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  • Question écrite du 15/01/2021
    • de DEVIN Laurent
    • à COLLIGNON Christophe, Ministre du Logement, des Pouvoirs locaux et de la Ville
    La performance énergétique des biens mis en location en Région wallonne a de plus en plus d'impact sur le loyer demandé. C'est ce qu'il ressort de l'observatoire des loyers publié fin 2020 par le Centre d'études en habitat durable (CEHD).

    Ainsi, entre 2018 et 2019, on a observé une hausse des loyers moyens pour les logements de classe énergétique A, B, C et D, oscillant entre 18 % et 2,7 %; hausse que l'on n'observe pas dans les catégories de biens les moins performants, suite à une décote sur le marché locatif.

    Dans le calcul global du loyer, cette hausse doit être pondérée avec la facture énergétique qu'il intègre depuis le 1er janvier dans le cadre de l'évaluation du loyer indicatif d'un logement. Les factures basses permettent de relativiser un loyer haut, et vice-versa.

    De plus, récemment, le Gouvernement wallon a établi une stratégie de rénovation des bâtiments afin que le parc immobilier wallon soit à haute efficacité énergétique et décarbonée en 2050. Cela ne risque-t-il pas d'accentuer le phénomène ? Quelle est l'analyse globale de Monsieur le Ministre ?

    Le sondage réalisé par le CEHD indique que seulement la moitié des ménages participant au titre de locataire ont obtenu de leur propriétaire, à la signature du bail, le certificat PEB, une obligation pourtant depuis 2011.

    Quels instruments sont mis à la disposition des locataires pour pouvoir en disposer ?

    Ne serait-il pas opportun d'activer des leviers afin d'assurer une meilleure publicité s'agissant des droits et des obligations des parties au bail ?
  • Réponse du 08/02/2021
    • de COLLIGNON Christophe
    L’honorable membre évoque l’effet que pourrait avoir, à moyen terme, la stratégie de rénovation énergétique des bâtiments du Gouvernement wallon sur le niveau des loyers. Comme le montrent les chiffres de l’Observatoire des loyers 2020, les logements avec un label A se louent, effectivement plus chers que ceux présentant un label G.

    La stratégie de rénovation énergétique des bâtiments pilotée par le Ministre Henry, prévoit de faire tendre vers le label PEB A décarboné, en moyenne, l’ensemble du parc de logements wallons (public et privé), pour 2050. Cet objectif implique un volume d’investissement très important. Selon l’Observatoire des loyers, moins de 2 % des logements mis en location en Wallonie disposent d’un label A.

    La valeur vénale des biens, et par conséquent leur prix de vente ou de location, pourrait s’en trouver augmentée, mais certaines théories économiques considèrent que la performance énergétique ne serait plus - à long terme - un critère discriminant sur le marché locatif. Dès lors que 90 % des logements auront un label PEB A, l’offre - qui sera uniforme sur le plan de la performance énergétique - devrait adapter le loyer en fonction de la demande, elle-même liée à l’évolution des revenus des ménages. Nous ne disposons évidemment pas de prévisions fiables à un tel horizon.

    Il convient également de noter que la différence entre les loyers moyens des logements de classe A ou B et ceux de classe G ne s’explique pas seulement par la différence de performance énergétique. Les biens loués avec un label PEB A sont aussi très supérieurs aux autres en termes qualitatifs, s’agissant du segment le plus récent, le plus équipé et le plus moderne du parc.

    Dès lors, la stratégie de rénovation énergétique des bâtiments pourrait potentiellement faire augmenter les loyers, mais elle diminuera aussi les coûts énergétiques. L’enjeu est de parvenir à offrir des logements à des loyers supportables tout en mettant fin à une situation inacceptable où des ménages locataires ne se chauffent pas selon les besoins standards minimum en 2021.

    S’agissant de l’obligation pour le propriétaire de produire un certificat PEB, elle se trouve à l’article 34 du décret du 28 novembre 2013 relatif à la performance énergétique des bâtiments. Les articles 59 et suivants de ce même décret prévoient la possibilité de sanctions administratives allant de 500 à 1 000 euros. L’application de ce décret relève du Ministre de l’Énergie.

    En ce qui concerne l’obtention du certificat PEB par les locataires, les chiffres montrent qu’effectivement, 48 % d’entre eux ne l’ont pas obtenu. Parmi eux, 12,5 % sont entrés dans leur logement avant l’année 2011 (soit avant l’obligation). Pour 10,3 %, le propriétaire dispose d’un certificat PEB, mais ne l’a pas communiqué. Enfin, près d’un tiers des logements (31,7 %) mis en location depuis 2011 sont sans certificat PEB.

    Par ailleurs, pour renforcer l’effectivité du certificat PEB, l’article 3, § 1er du décret wallon du 15 mars 2018 relatif au bail d’habitation impose parmi les mentions essentielles qui doivent figurer dans tout bail d’habitation conclu ou renouvelé à partir du 1er septembre 2018, d’une part, la date de l’établissement du dernier certificat PEB et, d’autre part, l’indice énergétique qui a été attribué au logement. Le fait de devoir compléter cette information dans le contrat de bail doit nécessairement attirer l’attention des parties sur l’existence de l’obligation liée au certificat PEB. De manière générale, le certificat PEB remplit donc essentiellement une fonction informative sur le degré de performance énergétique du bien loué.

    Quant au volet civil du non-respect par le bailleur de ses obligations et les conséquences à en tirer au niveau de l’exécution du bail, le locataire a la possibilité de saisir le juge de paix pour en demander l’exécution forcée ainsi que d’éventuels dommages et intérêts.

    Je pointerai pour illustrer mon propos une décision rendue le 19 novembre 2013 par le juge de paix de Sprimont. Dans cette affaire, une locataire a obtenu une réduction substantielle de loyer au motif que le certificat PEB ne lui avait pas été présenté lors de la conclusion du bail. Elle a argumenté sur le fait qu’elle ne s’attendait pas à devoir assumer des charges d’énergie importantes et que si elle avait pu prendre connaissance de la performance énergétique du bien loué, elle aurait pu se rendre compte du caractère énergivore du logement et en particulier de l’installation de chauffage. Elle a donc obtenu une réduction de loyer avec effet rétroactif visant à compenser le surplus de consommation de chauffage.

    Certaines décisions judiciaires ont d’ailleurs confirmé qu’en l’absence de certificat PEB, le locataire peut demander soit la résolution du contrat de bail aux torts du bailleur, soit la mise en conformité du bien, soit le paiement de dommages et intérêts sous forme d’une réduction de loyer.

    Dans d’autres cas d’espèce, conformément aux articles 1109 et 1110 du Code civil, l’absence de certificat PEB ou un dol pourraient également être invoqués par le locataire comme cause de nullité du bail si elle avait causé un vice de consentement sur une qualité substantielle de la chose louée.