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La discrimination dite "intersectionnelle" en matière de logement

  • Session : 2020-2021
  • Année : 2021
  • N° : 96 (2020-2021) 1

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  • Question écrite du 15/01/2021
    • de KAPOMPOLE Joëlle
    • à COLLIGNON Christophe, Ministre du Logement, des Pouvoirs locaux et de la Ville
    La discrimination au logement peut porter sur différentes composantes de l'individualité du candidat locataire comme son origine, ses revenus, son genre, sa situation familiale, sa santé, ses choix de vie, et cetera.

    Certains candidats locataires sont touchés par une discrimination dite "intersectionnelle", du fait de l'intersection entre différentes formes de dominations vécues, qu'elles soient liées à son origine, ses revenus, son genre, et cetera.

    Monsieur le Ministre a-t-il connaissance de ce phénomène ? Quels dispositifs wallons permettent de le mesurer et de l'endiguer ?
  • Réponse du 05/02/2021
    • de COLLIGNON Christophe
    « L’intersectionnalité » est un fait bien connu et étudié aux États-Unis, où le concept est apparu. Il désigne les situations où une personne fait simultanément partie de plusieurs minorités (liées à l’âge, au genre, à l’origine géographique ou ethnique, à la religion, etc.) et est discriminée en raison de l’image négative qui est attachée de manière arbitraire à ce groupe.

    Différentes études, notamment américaines, montrent que les personnes concernées par l’intersectionnalité connaissent des difficultés particulières à se faire reconnaître comme victimes d’une discrimination. En effet, il est plus facile pour ceux qui les discriminent de nier l’injustice qu’ils commettent en raison de la multiplicité des critères qui caractérisent leurs victimes. Par exemple, si, en raison de ses préjugés, un employeur refuse d’employer des femmes noires. Devant un tribunal, il pourra nier la discrimination en arguant qu’il n’est ni sexiste (puisqu’il emploie des femmes) ni raciste (puisqu’il emploie des hommes de couleur). La victime peinera ainsi à faire valoir ses droits.

    En Belgique aussi, plusieurs études ont été menées en Wallonie et à Bruxelles, par la VUB et l’université de Gand, pour tenter d’évaluer l’ampleur des discriminations au logement et de cerner les publics discriminés. La méthode utilisée, appelée « mystery calls », consiste à envoyer en réponse aux annonces de location deux faux profils de candidats locataires ne variant que sur le critère que l’on veut tester. Par exemple, un patronyme associé à une origine. L’écart entre les taux de réponse que reçoivent l’un et l’autres profil permet de déterminer s’il y a discrimination. Les études réalisées jusqu’à présent ne testent la discrimination que sur un critère à la fois (différence entre jeunes et personnes plus âgées, autochtones et immigrés, bénéficiaires du CPAS et salariés, etc.). Nous ne disposons donc pas de données concernant le phénomène de l’intersectionnalité dans le secteur du logement, en Wallonie.

    Pour tester la discrimination en raison d’une appartenance combinée à plusieurs « minorités », il faudrait pouvoir comparer le profil « intersectionnel » avec des profils n’en variant que sur un critère, ce qui n’est pas chose aisée.

    Cette difficulté à mesurer l’intersectionnalité ne signifie cependant pas qu’il est impossible d’aider les personnes victimes de plusieurs discriminations en raison de leurs multiples appartenances à des minorités. Ainsi, le plan de lutte contre la discrimination en matière de logement vise la suppression de toute forme de discrimination, quelle qu’elle soit, en ce compris les situations dans lesquelles la discrimination est multiple.

    J’ai présenté dans ma note d’orientation, approuvée par le Gouvernement wallon en décembre dernier, plusieurs mesures visant à lutter activement contre la discrimination dans le secteur du logement et ce, dès qu’une personne est discriminée sur base d’au moins un des critères protégés tels que définis à l’article 4, 5° du décret du 6 novembre 2008 relatif à la lutte contre certaines formes de discrimination. L’une d’entre elles se matérialise dans la réalisation de contrôles mystères qui, selon la manière dont ils seront réalisés, pourront permettre la détection de la discrimination intersectionnelle et donc de mieux mesurer le phénomène, afin d’y répondre le plus efficacement possible.