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L'étude sur la situation sociale dans l'Union européenne

  • Session : 2020-2021
  • Année : 2021
  • N° : 58 (2020-2021) 1

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  • Question écrite du 05/02/2021
    • de LUPERTO Jean-Charles
    • à DI RUPO Elio, Ministre-Président du Gouvernement wallon
    Olivier de Schutter, rapporteur des Nations Unies pour l'extrême pauvreté et les droits humains et auteur d'une étude sur la situation sociale en Europe, déclare que la Commission européenne pourrait faire plus sur le plan social. Il part du constat de la crise de 2010 et du pari que l'Europe s'était fixé de réduire de 20 millions le nombre de personnes dans la précarité. Un pari raté, la moitié du chemin seulement ayant été parcourue avant l'irruption d'une nouvelle crise, celle due à la Covid-19. Un Européen sur cinq est pauvre, ou en risque de pauvreté, soit 92,4 millions d'individus, dont 19,4 millions d'enfants.

    Pour permettre à l'Europe de prendre le virage du social, Olivier de Schutter propose, dans un premier temps, aux décideurs d'exonérer des règles de la discipline budgétaire, une partie des dépenses d'État comme l'éducation, la santé ou encore le capital humain.

    Ensuite vient immanquablement la question de l'emploi. À ce propos, le Professeur de Schutter souligne un problème majeur, à savoir que les vastes projets de l'Union (Green Deal, Next Generation EU, débats sur les ressources propres, etc.) négligent selon lui, même s'ils affichent des ambitions sociales, la lutte contre la pauvreté.

    Monsieur le Ministre-Président a-t-il pris connaissance du rapport de M. de Schutter ?
    Quelle en est sa perception ?

    Christine Mahy, secrétaire générale du Réseau wallon de lutte contre la pauvreté, soulignait que la pauvreté coûte beaucoup plus cher à la collectivité que de l'éliminer, mais que cette lutte doit se faire de manière transversale et pas uniquement à travers le prisme économie-emploi.

    Quels seraient alors les moyens d'action que peut utiliser la Wallonie pour faire entendre sa voix afin de favoriser une Europe plus sociale ?
  • Réponse du 08/03/2021
    • de DI RUPO Elio
    J’ai pris connaissance de la « Déclaration de fin de mission » dans laquelle M. Olivier de Schutter, Rapporteur spécial de l’ONU sur les droits de l’homme et l’extrême pauvreté, présente ses conclusions préliminaires concernant la situation sociale et l’état de la lutte contre la pauvreté dans l’Union européenne.

    Pour ce qui est de son rapport et de ses recommandations, il nous faudra cependant attendre le mois de juin, puisque M. de Schutter présentera son rapport complet lors de la 47e session du Conseil des droits de l’homme.

    Néanmoins, cela ne nous empêche pas d’apprécier déjà la pertinence et la qualité de son travail ainsi que la justesse de plusieurs de ses analyses.

    Il est ainsi tout à fait exact que l’Union européenne n’a malheureusement pas réussi à atteindre les objectifs qu’elle s’était fixés en 2010 dans le cadre de la Stratégie 2020, à savoir réduire de 25 % le nombre d’Européens vivant au-dessous du seuil national de pauvreté et sortir plus de 20 millions de personnes de la pauvreté.

    L’Union européenne n’est pourtant pas restée inactive. Sous l’impulsion de la Commission Juncker, appuyée par plusieurs États membres, dont la Belgique, l’Union européenne a mis en œuvre un certain nombre d’initiatives dans le domaine social ces dernières années.

    Il faut le souligner, car cette dynamique était une nouveauté, dans un champ d’action traditionnellement laissé au niveau national.

    Cette volonté de faire progresser l’Europe sociale s’est notamment matérialisée par l’adoption le 17 novembre 2017 du Socle européen des droits sociaux. Ce Socle se compose d’une série de 20 principes clés et de droits structurés autour de trois chapitres (égalité des chances et accès au marché du travail ; conditions de travail décentes ; protection sociale et inclusion).

    Dans la foulée, la Commission Juncker a lancé plusieurs initiatives législatives et non législatives visant à concrétiser certains des principes énoncés dans le Socle.

    Au cours des trois dernières années, on peut penser, par exemple, à la directive pour un meilleur équilibre vie professionnelle/vie privée ; à la directive sur les conditions de travail transparentes et prévisibles ; à la recommandation sur l’accès à la protection sociale des travailleurs salariés et des indépendants ; à la prolongation et à l’extension du champ d’application du FEM (Fonds européen d’ajustement à la mondialisation) ; à la révision du Fonds social européen (qui intègre désormais le Fonds européen d’aide aux plus démunis (FEAD)) ; à la création de l’Autorité européenne du travail ; et cetera.

    Parallèlement, le Semestre européen a progressivement été revu, en y intégrant les principes du Socle européen des droits sociaux, et une évaluation basée sur un « tableau de bord social », ce qui est censé renforcer la dimension sociale des recommandations spécifiques par pays.

    Ce n’était, de toute évidence, pas assez.

    Parallèlement, il faut aussi noter que si l’Union européenne a avancé sur des problématiques liées à l’emploi, aux conditions de travail, à la protection sociale et à la lutte contre les discriminations, elle n’a pas autant investi dans la lutte contre la pauvreté en tant que telle, qui nécessite pourtant des actions spécifiques.

    En effet, comme le dit Mme Christine Mahy, cette lutte doit se faire de manière transversale et pas uniquement à travers le prisme économie-emploi.

    Au vu des résultats pour l’heure encore insuffisants, il nous semble donc essentiel de travailler toujours davantage à renforcer l’Europe sociale et en particulier d’intensifier la lutte contre la pauvreté.

    Cette urgence est encore plus forte suite à la crise causée par la pandémie de Covid-19, qui a terriblement aggravé les situations de pauvreté et les inégalités en Europe.

    Dans le cadre de la lutte contre la pauvreté, la Commission doit proposer dans les tout prochains mois une « Garantie européenne pour l’enfance », afin de doter l’Union d’un cadre d’action pour remédier au problème persistant de la pauvreté des enfants.

    Enfin, la Commission européenne a présenté le 4 mars, un plan d’action pour la mise en œuvre du Socle européen des droits sociaux. Avec ce plan d’action, la Commission espère éviter que la crise sanitaire et économique ne se transforme en crise sociale. Le Socle européen des droits sociaux doit « servir de boussole pour la relance de l’Europe ».

    La présentation de ce plan d’action sera suivie par un exceptionnel « Sommet social » à Porto les 7 et 8 mai 2021. Il s’agit d’une initiative de la Présidence portugaise du Conseil de l’UE lors de laquelle les chefs d’État et de gouvernement des 27 se réuniront pour « donner une impulsion politique à la concrétisation du Socle dans la vie des citoyens ».

    Dans le cadre de l’élaboration du plan d’action et des mesures qui le composeront, la Commission a mené une série de consultations auxquelles les partes prenantes belges (et wallonnes) ont pu participer.

    Les critiques concernant notamment la lutte contre la pauvreté ont été relayées à plusieurs reprises auprès de la Commission.

    De même, de nombreux acteurs ont pu rappeler à la Commission l’importance d’avoir des mesures précises, assorties d’objectifs ambitieux et d’échéances à respecter sur base de mécanismes contraignants, à l’instar de ce qui existe déjà dans le domaine économique et financier.

    Il va de soi que la Wallonie entend bien analyser en détail ce plan d’action. Nous ferons alors entendre notre voix lors des concertations intrabelges qui détermineront la position et les demandes de la Belgique. La Wallonie cherchera ainsi à s’assurer que celles-ci favorisent bel et bien le développement d’une Europe plus sociale, qui agit concrètement en faveur de nos concitoyens les plus défavorisés.

    Pour conclure, je note ainsi que les trois recommandations préliminaires de M. de Schutter se retrouvent parmi les priorités européennes que j’ai soulignées : un plan d’action concret et ciblé pour la mise en œuvre du Socle ; la Garantie Enfance ; la proposition de directive sur les salaires minimums.

    À nous maintenant - avec nos partenaires belges et européens - de nous assurer que le contenu de chacune de ces initiatives soit bien à la hauteur de nos exigences.