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La faillite de l'entreprise de travail adapté "Atelier 3000" à Heppignies

  • Session : 2020-2021
  • Année : 2021
  • N° : 165 (2020-2021) 1

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  • Question écrite du 10/02/2021
    • de CLERSY Christophe
    • à MORREALE Christie, Ministre de l'Emploi, de la Formation, de la Santé, de l'Action sociale, de l'Egalité des chances et des Droits des femmes
    Le secteur des entreprises de travail adapté (ETA) est durement touché par la crise sanitaire dans la région carolorégienne. À Heppignies, "Atelier 3000" a déposé le bilan et 97 travailleurs vont probablement perdre leur boulot. Perdre un emploi constitue une situation dramatique pour n'importe qui, mais c'est encore un peu plus le cas pour les personnes moins valides.

    L'histoire récente de l'"Atelier 3000" est tout sauf un long fleuve tranquille puisqu'en 2017, l'ETA avait déjà été mise en liquidation volontaire. L'entreprise avait alors été reprise et le bâtiment avait été vendu pour éponger des dettes.

    Plus récemment, la situation financière était à ce point devenue catastrophique que le réviseur d'entreprise avait tiré la sonnette d'alarme, et ce, dès la fin octobre d'après les syndicats, tandis qu'en décembre, les banques signifiaient qu'elles fermaient les robinets. Tout cela a conduit à la faillite.

    Madame la Ministre nous a indiqué que les services de l'AViQ avaient mené plusieurs missions d'audit et de conseil pour soutenir l'"Atelier 3000". Sur quoi portaient ces missions ?

    Quelles sont les recommandations formulées et en quoi n'ont-elles pas été suives par la direction ?
    Le cas échéant, quelles mesures ont été prises ?

    Quelle est son analyse politique du rôle de l'AViQ dans ce dossier ?

    D'autre part, elle indiquait avoir adressé une note à l'AViQ pour qu'un contact soit pris avec tous les travailleurs pour envisager le recrutement dans d'autres ETA de la Région. Qu'en est-il ?

    Dans le même cadre, une réunion était prévue le 29 janvier pour mettre en place les mesures nécessaires pour assurer une reconversion des travailleurs de cette structure.
    Quelles sont les conclusions de cette rencontre ?

    Quelles mesures ont été prises par rapport aux travailleurs ?

    Enfin, qu'en est-il au niveau du paiement de ces travailleurs fragilisés ?

    Des assurances ont-elles pu être prises sur ce volet ?
  • Réponse du 24/11/2021
    • de MORREALE Christie
    Pour rappel, l’Atelier 3000 est né de la mise en liquidation de l’Atelier 2000 qui faisait déjà à l’époque l’objet d’un suivi attentif de la part de l’Agence. Cette dernière avait d’ailleurs sollicité l’intervention de la justice sur des pratiques financières qui, à l’estime de l’Agence, ont conduit à la faillite de l’Atelier 2000.

    La création de l’Atelier 3000 s’est immédiatement accompagnée d’un premier audit qui a eu lieu en septembre 2017 afin de s’assurer du respect de l’ensemble des conditions d’agrément.

    Cette ETA a conservé l’objet social, le personnel et les infrastructures qui étaient ceux de l’Atelier 2000. L’équipe dirigeante de la nouvelle ETA restait la même, tout en étant secondée par une consultante externe ainsi que par l’engagement d’un chef de production.

    Ce premier audit a permis de constater que certaines normes n’étaient pas rencontrées et que certains documents officiels devaient encore être établis au nom de l’Atelier 3000. Il s’agissait essentiellement de points en lien avec la formation, l’évaluation des travailleurs et leur évolution dans l’ETA. Par ailleurs, l’audit a mis en avant des dysfonctionnements au niveau de la structure de management et d’un plan financier qui s’avérait beaucoup trop optimiste. Bien qu’il ne s’agisse pas d’infractions à notre législation, ces éléments ont été repris en point d’attention.

    En conséquence, l’agrément a été limité à 1 an, afin d’inciter les gestionnaires à remédier aux manquements identifiés.

    Le premier exercice comptable de l’ETA portant sur une période de 18 mois, les audits de suivi ont été réalisés à partir d’octobre 2019 afin de disposer de données financières complètes, certifiées par le réviseur et approuvées par l’assemblée générale.

    Au cours de ces visites, il a été observé que la situation n’avait pratiquement pas évolué. De surcroit, les entrevues menées auprès des travailleurs par l’inspection de l’Agence ont révélé d’autres difficultés majeures au niveau du climat social, rejoignant par là les conclusions d’une enquête psychosociale menée en 2018.
    À la suite de ces visites, un rapport a été rédigé et transmis à la direction et au président du conseil d’administration en mars 2020, les enjoignant à mettre en œuvre un plan d’action pour la mise en conformité des normes non rencontrées et intégrant les améliorations envisagées afin de redresser la situation de l’entreprise.

    Parallèlement à ce rapport et compte tenu de la gravité de la situation, un courrier de l’Administratrice générale de l’Agence a été adressé en avril 2020 à la direction de l‘ETA afin d’insister sur l’urgence pour les gestionnaires de prendre ces problèmes à bras le corps et de communiquer dans les meilleurs délais, un plan d’action destiné à redresser cette situation alarmante, sous menace de sanction au niveau de l’agrément.

    En réaction et en pleine crise sanitaire, le conseil d’administration nommait le 23 avril 2020 une nouvelle directrice. Par courrier, elle notifiait à l’Agence qu’elle assurait le suivi des recommandations issues du dernier audit et y précisait les mesures qui étaient en cours de réalisation en 2020 (nouvel organigramme, nouvelle enquête psychosociale, nouvelle orientation commerciale,…).

    Afin de faire un nouvel état de la situation financière de l’ETA, la Direction Audit et Contrôle demande en septembre 2020 à obtenir les comptes annuels 2019 ainsi que le rapport du réviseur et une situation financière intermédiaire pour 2020. Le constat est plus qu’alarmant, l’exercice 2019 se clôture avec une perte de 519 000 euros ce qui compromet significativement la continuité de l’ETA. Ceci est confirmé par l’opinion négative émise par le réviseur.

    Un échange avec les permanents syndicaux a eu lieu en novembre 2020 sur la réorganisation envisagée par l’entreprise qui pointe notamment le licenciement de 5 travailleurs. Suite à cet échange, la Direction Audit et Inspection décida de mener une analyse financière approfondie.

    Compte tenu de la situation sanitaire, celle-ci a pu avoir lieu en janvier 2021. Cette analyse est en cours lorsque l’Agence apprend la décision adoptée en Assemblée générale de cesser l’activité de l’ETA. Cette analyse financière est menée à son terme et conclut à des soupçons d’abus de biens sociaux et identifie des éléments troublants quant aux circonstances qui ont mené à la faillite de cette entreprise de travail adapté. L’Agence ne disposant pas des pouvoirs d’investigation nécessaires pour faire toute la lumière sur ce dossier, ce dernier est par la suite transmis au Parquet.

    Quant à l’analyse politique de cette situation, il faut garder à l’esprit que les ETA, bien que subventionnées par la Wallonie, sont des entités à part entière, dont les administrateurs assurent la responsabilité juridique de la gestion. Malgré le suivi, les conseils et les exigences signifiés par l’Agence, certains Pouvoirs Organisateurs ne parviennent pas à atteindre les objectifs qui leur sont assignés.

    En termes de reclassement des travailleurs suite à la fermeture de l’ETA, des séances d’informations aux travailleurs ont été organisées les 10 et 11 février 2021 afin de leur expliquer la suite de procédure. Lors de ces séances, un listing des offres d’emplois disponibles dans le secteur des ETA leur a également été remis.

    Ces séances ont eu lieu en amont de la mise en place d’une cellule de reconversion en partenariat avec le FOREm et les organisations syndicales qui a débuté le 1er mars 2021 et se poursuivra jusqu’au 28 février 2022.

    Au niveau sectoriel, 32 travailleurs en situation de handicap ont retrouvé un emploi au sein d’une autre ETA. En outre, 5 travailleurs de l’encadrement ont également été engagé dans le secteur.

    L’AViQ suit également l’évolution de la cellule de reconversion. Leur dernier Comité d’accompagnement s’est tenu le 7 septembre dernier.

    Parmi les 97 travailleurs ayant été impactés par la fermeture de l’Atelier 3000, à ce stade, on dénombre que :
    - 42 travaillent en entreprise ;
    - 32 sont demandeurs d’emploi ;
    - 19 sont en incapacité de travail ;
    - 2 sont dispensés ;
    - 2 sans information.

    Ainsi, parmi les travailleurs souhaitant conserver un emploi, 57 % en ont retrouvé un et 43 % sont demandeurs d’emploi.

    Parmi les travailleurs actifs, la plupart sont sous contrat à durée déterminée (78 %). Seuls 17 % sont en CDI et 5 % sont intérimaires.

    Il convient de noter que les contrats à durée déterminée ne sont parfois pas reconduits. Ceci amène une fluctuation en termes de statistiques au fil des mois.

    Au niveau des demandeurs d’emploi, il s’agit essentiellement de personnes âgées entre 40 et 55 ans et plus.

    Enfin, le Comité d’accompagnement fait mention que des travailleurs suivent des formations notamment de cariste, bureautique, conseiller en prévention ou une pré-évaluation d’un projet indépendant…

    Les prochaines activités collectives pour le second semestre de la cellule sont d’ores et déjà fixées et viseront notamment l’accompagnement des demandeurs d’emploi (lire-écrire, lettre de motivation, utilisation de l’espace personnel du site Forem.be…).