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Les recommandations de la Fédération générale du travail de Belgique (FGTB) à propos de la gestion des intérêts de la dette wallonne

  • Session : 2020-2021
  • Année : 2021
  • N° : 75 (2020-2021) 1

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  • Question écrite du 11/02/2021
    • de MAUEL Christine
    • à CRUCKE Jean-Luc, Ministre du Budget et des Finances, des Aéroports et des Infrastructures sportives
    Monsieur le Ministre fait part d'une transparence sincère en ce qui concerne la gestion de la dette en particulier sur les emprunts réalisés à taux négatifs et sur les initiatives qu'il met en place pour la gestion future de la dette.

    Le 14 janvier dernier, nous apprenions par voie de presse que le Secrétaire fédéral de la FGTB considère que la Wallonie est en mesure de ne pas payer les intérêts de sa dette pendant deux ans. Cette recommandation étant à l'encontre de son postulat qu'une dette doit être payée.

    Selon le syndicat socialiste, une neutralisation des intérêts de la dette pour les années 2021 et 2022 pourrait éviter une dépense de 600 millions d'euros. Les taux d'intérêt étant très bas, la Wallonie pourrait renégocier cette dette afin de ne payer plus que 150 millions par an à partir de 2024. Le secrétaire fédéral cite l'exemple de l'Espagne qui est parvenue à diminuer ses taux d'intérêt en 2016 de 5,65 % à 1,31 % ainsi que l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 23 mai 2019 permettant à la Grèce de geler le remboursement en cas de changement fondamental de circonstances.

    Toutefois, je considère cette sortie de la FGTB comme étant mal préparée puisque, d'une part, que les notations de l'Espagne et de la Grèce sont bien en deçà par rapport au rating de la Wallonie, et d'autre part, que nous avons la chance d'emprunter à des taux négatifs. En outre, un gel du paiement des intérêts ne nous apporterait pas des effets positifs à long terme.

    Monsieur le Ministre peut-il commenter ces propos qui le visent ? Selon lui, la Wallonie doit-elle toujours payer ses intérêts pour les années 2021 et 2022 ? Dans la positive, pour quelles raisons ? Quelles sont ses alternatives pour diminuer à l'avenir les taux d'intérêts wallons ?
  • Réponse du 30/03/2021
    • de CRUCKE Jean-Luc
    La proposition de la FGTB se targue d’être une copie de ce qui s’est passé en Espagne en 2012. À cette époque, le gouvernement espagnol avait renégocié les intérêts de la dette espagnole. Par cette opération, le taux implicite de la dette espagnole est passé d’un peu plus de 4 % à 1,6 %.

    Le contexte espagnol est particulier, car l’Espagne compte un grand nombre de banques régionales (les Caixa) ainsi que quelques grandes banques internationales. La quasi-totalité de la dette espagnole était détenue par des banques nationales. Le taux négocié de la dette était similaire aux taux d’usage au moment de la renégociation.

    Ce que la FGTB demande, c’est la fin des intérêts sur la dette wallonne. La Wallonie déciderait unilatéralement de ne plus payer les intérêts contractés auprès d’établissements financiers qui nous ont fait confiance.

    Cela peut paraître intéressant au départ, l’honorable membre cite 600 millions sur 2 ans. C’est évidemment un montant important. Cela pourrait ressembler à une autre affaire.

    Seulement en apparence évidemment. Cette année, la Wallonie doit lever un montant proche de 5 milliards sur les marchés pour financer son déficit et ses investissements. Nous avons déjà bien commencé le financement. L’année prochaine, le montant sera sans doute encore supérieur à 3 milliards. Nous travaillons depuis plusieurs années à un renforcement d’émetteur et de contrepartie fiable. Ce qui nous est proposé, c’est la fin de la crédibilité de la Wallonie sur les marchés. Et ça, cela aurait des conséquences désastreuses pour les Wallonnes et les Wallons en 2021 et dans les années suivantes. Sans accès au marché, comment financer les effets de la crise ? Sans accès au marché, comment financer la future relance ? Une rupture de contrat auprès de contreparties, c’est toujours une faute en gestion publique.

    Dans la question, elle pointe également la question des intérêts à la hausse. C’est tout à fait exact. Si les investisseurs nous font encore confiance pour financer notre déficit et les amortissements, ils feront payer une prime supplémentaire importante. Il faudra des années pour récupérer la confiance des investisseurs et le surcoût total de l’opération sera plus élevé que le bénéfice initial. Est-ce bien le moment de tenter des paris sur la gestion des deniers publics ?

    De plus, les conditions de financement sont aujourd’hui excellentes sur les marchés. Les deux plus grandes opérations de ce début d’année se sont déroulées en taille benchmark :700 millions à un taux de 0,5 % à une maturité de 16 ans et 500 millions à un taux de 1,25 % avec une maturité de 50 ans.

    En bref, la proposition de la FGTB n’est pas une solution. Elle engendrerait des conséquences bien plus néfastes que les bénéfices qu’elle prétend générer. Nous sommes aujourd’hui dans une crise sérieuse et les deniers publics doivent être gérés avec une grande précaution.