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Le processus de fusion par absorption de Brutélé par Enodia

  • Session : 2020-2021
  • Année : 2021
  • N° : 122 (2020-2021) 1

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  • Question écrite du 11/02/2021
    • de DISPA Benoît
    • à COLLIGNON Christophe, Ministre du Logement, des Pouvoirs locaux et de la Ville
    Les communes actionnaires de Brutélé ont reçu il y a quelques jours un courrier relatif à la procédure de fusion par absorption par Enodia. Il est exposé que les communes actionnaires doivent toutes approuver la vente de Brutélé.

    Sait-on déjà si certaines des communes concernées ont déjà pu voter une telle délibération ?

    Monsieur le Ministre a-t-il été contacté par Brutélé ou par des communes en ce qui concerne la procédure de vente de Brutélé ?

    A-t-il pris contact avec les communes bruxelloises qui sont, en l'espèce, soumises aux procédures du Code de la démocratie locale et de la décentralisation en ce qui concerne cette vente ?

    Ces communes ont-elles pleinement connaissance des procédures applicables, notamment celle prévue à l'article L1523-6, §2 du Code de la démocratie locale et de la décentralisation disant : « Pour tous apports d'universalité ou de branche d'activités, les conseils communaux et, s'il échet, provinciaux doivent être mis en mesure d'en délibérer » ?

    Ne faut-il pas envoyer une circulaire aux communes bruxelloises afin de s'assurer que la procédure sera respectée scrupuleusement ?

    Les conseillers communaux des communes actionnaires auront-ils accès à certaines pièces du dossier préalablement au vote de la délibération ?

    Quels sont concrètement les documents consultables par les conseillers et comment cette éventuelle publicité s'articule-t-elle avec le secret des affaires ?

    Il est suggéré par Brutélé que les communes actionnaires prennent une même délibération, mais qu'en serait-il si l'une ou l'autre commune devait prendre une délibération autorisant la vente des parts tout en étant différente du projet de délibération suggéré par Brutélé ?

    Il est aussi suggéré de donner un rôle exécutif aux directeurs généraux des communes qui devraient exécuter des dispositions de droit des sociétés. Certains directeurs sont réticents à accepter de telles missions qui s'écartent des missions classiques visées à l'article L1124-4.

    Comment un conseil communal pourrait-il ordonner au directeur général d'exécuter des missions qui ne sont pas prévues par le Code de la démocratie locale et de la décentralisation ?
  • Réponse du 04/03/2021
    • de COLLIGNON Christophe
    À titre liminaire, je rappellerai que Brutélé, ou « Société intercommunale pour la diffusion de la télévision », est une intercommunale constituée sous la forme d’une société coopérative. Ses actionnaires, au nombre de 30, sont exclusivement des communes. Parmi elles, 24 sont situées sur le territoire de la Région wallonne, tandis que les six autres relèvent de la Région de Bruxelles-Capitale. Les communes wallonnes disposant ensemble de la plus grande part d'actionnariat, Brutélé relève du champ d’application du droit de la Région wallonne, nonobstant son caractère interrégional, conformément à l’article 2, § 1er, alinéa 1er, de l’accord de coopération du 13 février 2014 entre la Région flamande, la Région wallonne et la Région de Bruxelles-Capitale relatif aux intercommunales interrégionales. Le droit wallon des intercommunales est porté essentiellement dans le Code de la démocratie locale et de la décentralisation (CDLD).

    En l’espèce, l’offre soumise par Enodia aux communes actionnaires de Brutélé porte sur l’acquisition de toutes leurs actions représentatives de l’intégralité du capital investi dans Brutélé. Les parties à cette opération d’achat-vente sont uniquement Enodia et lesdites communes, au titre de propriétaires des actions.

    Le CDLD ne règle pas la cession des actions représentatives du capital investi dans une intercommunale. Notamment, l’article L1523-6, § 2, de ce code est inapplicable en l’espèce, puisque les apports d’universalité ou de branche d’activités concernent des transferts, par une société, de ses actifs, soit des opérations distinctes du transfert, par un actionnaire, des actions dont il est propriétaire. Aussi, suivant l’article L1523-1, second alinéa, du CDLD, il y a lieu de se reporter in casu aux statuts de Brutélé et, à défaut, aux dispositions du Code des sociétés et des associations.

    En l’occurrence, l’article 8 des statuts de Brutélé prévoit que ses actionnaires peuvent céder librement leurs actions à toute personne morale de droit public ou à toute personne morale de droit privé.

    Dans ce cadre, dans le respect de l’autonomie des volontés en matière contractuelle, chaque commune est libre d’accepter, de négocier ou de refuser l’offre d’Enodia. Éventuellement, Enodia pourrait être amenée à devoir négocier avec chaque commune prise individuellement pour lui racheter les actions dont celle-ci est propriétaire. En cas de négociation infructueuse ou de refus de l’offre, Enodia pourrait décider d’acquérir une partie seulement des actions de Brutélé ou de renoncer à l’acquisition.

    Afin d’obtenir le consentement libre et éclairé des communes actionnaires de Brutélé et d’éviter toute action en responsabilité civile ou pénale, il est dans l’intérêt d’Enodia de les informer au mieux, en particulier si les chances de conclure l’opération sont élevées. Je suppose donc qu’Enodia veillera à transmettre, soit de sa propre initiative, soit sur demande, tous les renseignements utiles du dossier aux communes actionnaires préalablement au vote de son offre par celles-ci.

    En vue de la cession des actions à Enodia, les conseillers communaux des communes actionnaires de Brutélé ont en principe le droit de consulter tous les documents qu’ils estiment nécessaires à la formation de leur consentement. Toutefois, en tant qu’administrateurs de la commune, ils sont tenus au secret professionnel ainsi que, en l’espèce, au secret des affaires, lesquels leur imposent un devoir de discrétion. Ce dernier leur interdit, d’une part, d’utiliser les informations dont ils ont pris connaissance par l'exercice de leur mandat autrement que dans le strict cadre de l’accomplissement de leurs missions et, d’autre part, de dévoiler ces informations à des tiers, sauf accord exprès ou tacite de la société. À défaut de respecter ces interdictions, le conseiller communal en cause risque d’engager tant sa responsabilité civile que pénale.

    N’étant pas compétent à l’égard des communes affiliées à la Région de Bruxelles-Capitale, il ne m’appartient pas de leur adresser une circulaire relative à la cession de leurs actions dans Brutélé à Enodia.

    À ce jour, aucune commune actionnaire de Brutélé n’a encore informé l’autorité de tutelle avoir voté au sujet de l’offre d’Enodia.

    Du reste, la compétence de conclure le contrat de vente d’actions à Enodia échoit au conseil communal, en vertu de l’article L1122-30 du CDLD. Pour sa part, l’article L1123-23, 2°, du même code attribue exclusivement au collège communal la compétence générale d’exécuter les décisions du conseil communal, ce qui implique la compétence d’exécuter ledit contrat de vente. Plus généralement, l’article L1123-29 du CDLD confère au bourgmestre la compétence d’exécuter les lois telles que le Code des sociétés et des associations. Aucune habilitation légale n’est expressément prévue pour déléguer ces compétences du collège ou du bourgmestre à un directeur général. Par conséquent, toute décision d’un conseil communal qui enjoindrait au directeur général d’exécuter le contrat de vente prémentionné ou certaines dispositions du droit des sociétés violerait l’article L1123-23, 2°, ou L1123-29 du CDLD et, pour ce motif, serait susceptible d’annulation.