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La prolifération de castors en Wallonie

  • Session : 2020-2021
  • Année : 2021
  • N° : 210 (2020-2021) 1

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  • Question écrite du 11/02/2021
    • de COURARD Philippe
    • à TELLIER Céline, Ministre de l'Environnement, de la Nature, de la Forêt, de la Ruralité et du Bien-être animal
    Ces derniers temps, une prolifération du castor s'observe au sein des cours d'eau wallons.

    J'en conviens, le castor est une espèce protégée, néanmoins, celle-ci gagne du terrain en s'implantant partout, mais surtout en occasionnant des dégâts gênants, même pour le particulier.

    Plusieurs voix s'élèvent en ce sens, car cette situation serait préjudiciable pour la faune et la flore de nos cours d'eau.

    Dès lors, Madame la Ministre a-t-elle une vue sur les chiffres qui mettent en avant la prolifération de l'espèce ?

    Ne serait-il pas judicieux d'envisager la protection des arbres en bordure des cours d'eau ?
  • Réponse du 11/03/2021
    • de TELLIER Céline
    En Wallonie, tout comme en Belgique, le castor a disparu durant le 19e siècle du fait de son exploitation non durable. Son retour dans les années 90 lui a permis de réoccuper des niches écologiques répondant à ses besoins.

    Espèce semi-aquatique, il a recolonisé bon nombre de cours d’eau dans les différents bassins, s’étendant dans une seconde phase vers les plus petits cours d’eau où sa présence s’accompagne de travaux pour aménager l’habitat en fonction de ses besoins. Le castor a en effet la capacité de transformer son habitat et de le façonner, amenant ainsi de l’hétérogénéité avec un impact parfois notable sur le paysage.

    Globalement, les spécialistes s’accordent pour attribuer au castor un rôle bénéfique pour la biodiversité, même si certaines espèces plus vulnérables n’y trouvent pas leur compte. Ses travaux ont également été étudiés au niveau de leurs impacts sur les régimes de décharge, sur le transport de sédiments et sur les recharges de nappes. Les études menées ont mis en évidence des conséquences sur l’hydrologie des cours d’eau, y compris la chimie de l’eau et sa température ou encore sur leur hydromorphologie intrinsèque.

    Étant donné son impact sur la renaturation des milieux profitant aux espèces associées et appuyant souvent une amélioration de certains services écosystémiques, le castor est considéré comme une espèce-ingénieur « clé de voûte ».

    La récupération d’une espèce autrefois disparue peut certainement être considérée comme un succès. L’espèce est visée par la directive 92/43 sur la protection des habitats et des espèces et doit à ce titre faire l’objet d’un suivi régulier.

    Le dernier rapport établi pour la période 2013-2018 indiquait une population estimée entre 3 200 et 3 500 individus. Au vu de la taille du réseau hydrographique wallon, cela représente en moyenne un site occupé par des castors tous les 30 kilomètres de cours d’eau. Ce chiffre est évidemment à modérer en fonction des régions et de la topographie des vallées. 

    À ce niveau de population, le comportement très territorial du castor et les traits de vie liés à sa structure sociale (comme un taux de reproduction plutôt bas, l’éducation de longue durée de la progéniture) régulent le niveau maximum des populations et empêchent une surpopulation.

    Il est évident que cette réoccupation de l’espace cause des difficultés de cohabitation. Les plaintes les plus fréquentes concernent des abattages d’arbres, des obstructions de pertuis ainsi que des barrages occasionnant des inondations sur les parcelles riveraines ou encore des destructions de berges d’étangs. Cette pression est d’autant plus marquée que la population occupe à présent de petits cours ou des étangs qui en sont proches.

    Pour apporter une première réponse à ces difficultés, le SPW ARNE a édité une brochure technique présentant différentes pistes de solutions pour permettre une meilleure cohabitation avec le castor. Ainsi, pour les professionnels subissant une perte de revenus, une indemnisation du dommage est possible, de même qu’une aide pour l’implantation de mesures de prévention.

    Enfin, dans certains cas de dommages importants ou de risques pour la sécurité publique qui ne peuvent pas être solutionnés par des mesures préventives, moyennant le respect de plusieurs conditions, des dérogations peuvent être accordées pour la destruction de barrages, voire en dernier ressort, pour le tir d’individus.

    Aucune réponse générale ne peut être apportée et il importe d’analyser la situation au cas par cas, en commençant par vérifier la nature du problème et la possibilité d’y apporter une solution par des mesures de prévention.

    Concernant l’opportunité de protéger certains arbres, je rappelle que la possibilité de prévenir des dommages doit constituer la première étape de l’analyse et que l’absence de solution alternative constitue une condition sine qua non pour pouvoir octroyer une dérogation.

    Moyennant le respect de certaines prescriptions techniques, la protection des arbres constitue une solution efficace et appropriée. J’en veux comme exemple l’opération menée dernièrement par le Comité local Mehaigne du Contrat de rivière Meuse aval et affluents : en réponse à la découverte d’une nouvelle occupation du castor à Huccorgne, différents partenaires se sont accordés pour protéger les arbres les plus exposés ou les plus sensibles, qu’ils aient une valeur marchande ou patrimoniale ou qu’ils représentent un risque pour la sécurité.