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La condition du délai d'un an inscrite à l'article 54, 2° du Code des droits d'enregistrement, d'hypothèque et de greffe

  • Session : 2020-2021
  • Année : 2021
  • N° : 94 (2020-2021) 1

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  • Question écrite du 03/03/2021
    • de MATHIEUX Françoise
    • à CRUCKE Jean-Luc, Ministre du Budget et des Finances, des Aéroports et des Infrastructures sportives
    Les articles 53 et suivants du Code des droits d'enregistrement, d'hypothèque et de greffe permettent, lors de l'achat d'une maison familiale dite « habitation modeste » de bénéficier d'un taux réduit moyennant le respect de diverses conditions.

    Une de ces conditions est stipulée à l'article 54 alinéa 4, 2°, et impose à la personne, lorsqu'elle est déjà propriétaire d'un bien, de vendre ce bien dans un délai d'un an à partir de l'acte authentique de son second bien afin de bénéficier d'un taux réduit sur ce second bien.

    Une autre condition est inscrite à l'article 60 et impose que la personne se domicilie pendant minimum 5 ans dans le bien.

    Contrairement à l'article 60 du même Code qui permet, en cas de force majeure ou d'une raison impérieuse de nature médicale, familiale ou professionnelle, de ne pas devoir rester domicilié pendant 3 ans dans le bien, l'article 54 ne stipule aucune possibilité de dépasser le délai d'un an pour la revente même si une force majeure ou un problème extérieur devait apparaître.

    Or, il arrive bien souvent que le délai d'un an soit trop court pour mettre le bien en vente, trouver des acquéreurs, passer le compromis de vente puis l'acte authentique (et obtenir tous les renseignements).

    De nombreux évènements inattendus peuvent survenir pendant cette courte période d'un an et certaines personnes n'arrivent donc pas à vendre leur premier bien et perdent le bénéfice de la réduction du droit d'enregistrement.

    Comment se fait-il que les conditions prévues à l'article 60 ne soient pas reprises à l'article 54 du Code des droits d'enregistrement, d'hypothèque et de greffe ?

    Monsieur le ministre est-il d'avis que le délai d'un an prévu à l'article 54, alinéa 4, 2°, est trop court ?

    Que peuvent faire les vendeurs d'un bien si les acquéreurs, alors que la vente est valable, refusent de signer l'acte authentique dans un délai d'un an et se retrouvent à devoir payer au receveur un droit complémentaire de 6,5 % ? Souvent augmenté d'une amende ?
  • Réponse du 01/04/2021
    • de CRUCKE Jean-Luc
    Tout d’abord, il est important d’apporter des explications sur la question de la force majeure applicable aux délais en matière fiscale.

    Pour les délais fiscaux, comme par exemple l’article 54 du Code des droits d'enregistrement, d'hypothèque et de greffe, il existe la possibilité d’invocation de la force majeure qui permet aux contribuables de bénéficier d’une suspension des délais de rigueur pour autant qu’ils fassent preuve de toute la diligence requise une fois l’obstacle levé pour remplir leurs obligations fiscales, et ce, même si l’article visé ne la réserve pas.

    En effet, et pour rappel d’un arrêt de la Cour d’appel de Liège du 25 janvier 2019 à l’occasion d’un litige concernant justement l’article 54, « dans le silence du texte légal, ni l’interprétation stricte du droit fiscal ni son caractère d’ordre public ne font obstacle en principe à son admission », la Cour parlant du principe de l’admissibilité de la force majeure en matière fiscale.

    Ce principe d’admission du principe de force majeure en l’absence de précision textuelle est d’ailleurs de jurisprudence relativement constante. Et toutes les décisions prises et imposées au niveau du Gouvernement fédéral (et leurs conséquences) à la suite de la crise sanitaire du coronavirus, constituent sans aucun doute un cas de force majeure.

    Quant à la raison même pour laquelle certains articles des codes fiscaux ne prévoient pas la force majeure alors qu’elle pourrait leur être applicable, il conviendrait d’analyser chacun des articles en question, dont l’article 54.

    Ensuite, le point de départ de ce délai d’un an est la date de la signature de l’acte authentique. Or à ce moment, le nouvel acquéreur a déjà bien été informé des conditions liées à l’obtention du taux réduit, dont l’obligation sine qua non de vendre le bien dont il est déjà propriétaire dans un délai d’un an.

    Hors cas de force majeure, ce délai apparaît plus que raisonnable, sachant que le délai maximal d’une vente est généralement de quatre mois à la signature du compromis de vente sous peine de voir celui-ci soit annulé, soit obligatoirement enregistré.

    Enfin, l’appréciation au cas par cas de ce qui relève ou non de la force majeure est une prérogative de l’administration qui assure le service des droits d’enregistrement, à savoir du SPF Finances.

    Ainsi, si les circonstances concrètes du cas en question, soit par exemple un blocage de la part des acquéreurs du bien revendu, répondent à la notion de force majeure telle que rappelée ci-avant, l’administration ne devrait pas sanctionner ce redevable.

    Si tel ne devait pas être le cas pour des raisons valablement évoquées par l’administration fiscale, une action judiciaire pourrait être envisagée par les vendeurs contre les acquéreurs pour autant que les conditions de la responsabilité civile soient remplies. Le comportement fautif des acquéreurs devra, en particulier, être soigneusement démontré. Mais il s’agit là d’une relation vendeurs - acquéreurs dans laquelle l’administration fiscale n’intervient pas.