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L'étiquetage écoscore

  • Session : 2020-2021
  • Année : 2021
  • N° : 304 (2020-2021) 1

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  • Question écrite du 12/03/2021
    • de FLORENT Jean-Philippe
    • à BORSUS Willy, Ministre de l'Economie, du Commerce extérieur, de la Recherche et de l'Innovation, du Numérique, de l'Aménagement du territoire, de l'Agriculture, de l'IFAPME et des Centres de compétences
    De manière générale, l'agriculture wallonne est en transition avec une amélioration très progressive de certaines pratiques : réduction de pesticides, meilleure prise en compte de la qualité des sols, du maillage écologique et l'augmentation des surfaces agricoles dévolues au bio.

    Cela reste néanmoins en deçà des objectifs de notre DPR et par ailleurs, il importe que ces efforts de la part des agriculteurs wallons soient connus et reconnus par les consommateurs, afin d'encourager la consommation de produits faibles en émissions de CO2, respectueux de l'environnement, et de bonne qualité nutritive.

    À cette fin, la France mettra en place cette année, une étiquette environnementale, l'« écoscore » sur les produits agricoles et alimentaires. Basé sur le programme Agribalyse, il utilise essentiellement le paramètre de l'analyse du cycle de vie (ACV). De l'aveu du Ministère français de l'Agriculture, cette méthode contient certaines faiblesses, car elle intègre très peu les aspects de biodiversité et favorise les productions intensives et industrielles.

    Dans le cadre de ses compétences, et sans préjudice de la réglementation fédérale sur l'étiquetage des denrées alimentaires, Monsieur le Ministre peut-il nous éclairer sur les possibilités et les éventuelles réflexions en cours en Wallonie ?

    Nos centres agronomiques sont-ils associés pour développer des modèles plus pertinents que le modèle français, et qui seraient idéalement validés par différentes parties prenantes (filières agricoles, producteurs locaux, environnementalistes…) ?

    Ses services suivent-ils l'initiative française et peut-il partager avec nous l'analyse qui en est faite ?

    Selon son analyse, quels paramètres seraient pertinents d'intégrer dans un tel « écoscore » ?

    Le label bio pourrait-il pâtir de la concurrence d'un nouvel étiquetage « écoscore » ou pourrait-il au contraire y être renforcé étant donné les garanties de qualité environnementale et de pratiques culturales qu'il offre ?
  • Réponse du 30/03/2021
    • de BORSUS Willy
    Les Nutriscores ont, comme l’honorable membre le sait, tracé avec succès la voie de l’information des consommateurs : pas à proprement parler une information incitative, mais une information vouée à la responsabilisation des consommateurs, en l’occurrence sur l’impact diététique de nos aliments. La notoriété de certaines applications démontre l’engouement de nombreux consommateurs à ce sujet. La mise en place d’écoscores va dans le même sens, sous l’angle évidemment environnemental. La liberté des consommateurs et la responsabilité qui y est assortie donnent potentiellement du sens à un tel étiquetage qui, comme il le souligne, relève du niveau fédéral.

    Dans un article du 8 février 2020 consacré à l’application Yuka qui permet d’évaluer l’aspect santé d’un produit alimentaire, Test-Achats relevait que 22 à 38 % des internautes déclarent avoir recours à de telles applications qui permettent de scanner les codes-barres des produits afin de connaître leurs caractéristiques. Il y a donc bien un intérêt des consommateurs pour ces formes d’information.

    En France, Yuka est une des applications qui a déployé, depuis le 7 janvier, le score environnemental « Éco-score ».

    Pour évaluer l’aspect santé des aliments, les algorithmes de ces applications privées utilisent et pondèrent différentes sources scientifiques telles que l’Autorité européenne de sécurité des aliments ou le Centre international de recherche sur le cancer, mais aussi des sources « diverses » non validées. L’application des algorithmes montre certains défauts et, dans son article, Test-Achats conclut que « si l’intention est bonne …, il est utopique de croire qu’on peut (facilement) « coter » un aliment. »

    Les applications françaises qui ont déployé l’Eco-score au début de cette année s’appuient également sur des sources scientifiques telles que la base de données Agribalyse de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, et sur des critères d’origine, de saisonnalité ou de modes de production. Dans la pratique, des imperfections ont été mises en évidence démontrant que, à nouveau, il n’est pas simple de « coter » un produit donné, tenant compte de son ACV (analyse de cycle de vie), mais aussi d’autres éléments de sa filière de production.

    En Belgique, le lancement récent d'un écoscore par Colruyt illustre les difficultés et limites de la démarche. En effet, les produits auxquels cela est applicable sont actuellement réduits et l’on voit déjà apparaître des sources de confusion notamment par rapport à la labellisation Bio.

    Il y a donc encore pas mal de chemin à parcourir pour définir un écoscore robuste et fiable, et disposer de méthodes pour les mesurer pour les différents produits.

    Je rappelle que la certification de l’agriculture biologique et l’étiquetage des produits qui y est associé constituent déjà une forme officielle d’étiquetage environnemental, basé sur un contrôle encadré. En France, le ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation a mis en place, depuis 2011, une certification officielle qui permet de reconnaître des exploitations de Haute Valeur Environnementale et qui prévoit également un étiquetage des produits. En Wallonie, la production de fruits à pépins en production intégrée peut bénéficier d’une certification officielle telle que prévue par l’AGW du 29 avril 2004.

    Mon administration mène actuellement une analyse sur les possibilités réglementaires d’une certification environnementale en tenant compte des demandes sociétales, des expériences étrangères et des résultats de la recherche régionale. Toutefois, en ce qui concerne le maillon de la production primaire, il faut éviter d’augmenter les contraintes, car cette activité est déjà conditionnée au respect des diverses législations environnementales qui doivent être contrôlées et qui ne manquent pas d’évoluer.

    Il m’apparaît que ce n’est pas le rôle des services officiels de développer des applications informatiques, mais qu’ils devraient se concentrer :
    - sur le contrôle officiel des législations ;
    - sur les certifications officielles telles que la production BIO ou une éventuelle certification environnementale;
    - sur les activités de recherche et de collectes de données scientifiques.

    Les données validées issues de ces activités pourraient être exploitées par des applications informatiques privées.

    En ce qui concerne justement les activités de recherche, le CRA-W travaille sur les analyses du cycle de vie et dispose d’outils permettant de mesurer les performances des exploitations en matière de consommation d’intrants et d’émissions diverses. Cela peut se faire notamment au niveau de l’exploitation ou des productions de produits de base (céréales, lait, viande, et cetera).

    La possibilité d’utiliser ces analyses pour évaluer et classer la performance environnementale des produits alimentaires transformés individuels issus de producteurs et de filières différentes doit évidemment faire l’objet d’un examen plus approfondi et le CRA-W, sur base des travaux qu’il mène, me communiquera son avis à ce sujet, notamment sous l’angle de la praticabilité de cet étiquetage et des paramètres à y intégrer.

    Pour revenir au label Bio, il ne recouvre clairement pas le champ des éco-scores. Il s’agit en effet d’un label et non d’un score, destiné à valoriser la différenciation d’un produit au même titre que la qualité différenciée ou les signes de reconnaissances européens. Dans ce cadre, c’est véritablement l’avantage concurrentiel fondé sur la différenciation qui est valorisé, en réponse aux préférences fondamentales des consommateurs qui choisissent ces produits. Et, bien évidemment, ces labels constituent aussi le contenu d’une communication spécifique. C’est à ce stade la différence que je fais entre ce que je qualifierais de « ranking » environnemental proposé aux consommateurs – ce qui mérite certes d’être envisagé – et d’une mise en avant d’une « Unique Selling Proposition » telle qu’elle peut être portée par un label.

    Enfin, je voudrais dire que les particularités de l’agriculture wallonne sont globalement constitutives d’un gage de qualité et de confiance. L’agriculture de type familial et liée au sol qui est la nôtre se distingue des productions indiscutablement plus intensives qui se pratiquent dans d’autres pays du monde. Cette réalité est implicitement porteuse d’un score environnemental qui mérite d’être valorisé. C’est notamment l’objectif de la charte #jecuisinelocal, durable et de saison de l’APAQ-W, laquelle encourage le consommateur à se tourner vers une production de proximité, dont l’impact écologique est évidemment plus vertueux que celui d’une consommation de produits issus de l’importation. Le compteur d’adhésion de la charte continue de tourner et je ne peux qu’encourager l’honorable membre, si ce n’est déjà fait, à s’y rallier sur le site www.jecuisinelocal.be.