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La décarbonation des systèmes de chauffage des bâtiments publics wallons

  • Session : 2020-2021
  • Année : 2021
  • N° : 335 (2020-2021) 1

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  • Question écrite du 12/03/2021
    • de de COSTER-BAUCHAU Sybille
    • à HENRY Philippe, Ministre du Climat, de l'Energie et de la Mobilité
    Notre pays a encore une importante marge de progression à accomplir concernant la décarbonation des systèmes de chauffage. Selon Edora, la Belgique fait partie des pires élèves européens en la matière avec seulement 8,3 % de chaleur issue d'énergies renouvelables.

    Au Gouvernement, vous planchez sur une « stratégie chaleur durable ». C'est pourquoi Edora espère que des signaux clairs seront envoyés au marché le plus rapidement possible si nous voulons une transition vers la neutralité carbone en 2050.

    Par ailleurs, Edora n'est pas certain que les mesures wallonnes soient suffisantes. Elle pointe la déclaration de politique générale qui ne compte qu'une seule ligne sur les réseaux de chaleur, mais évoque encore le développement du réseau gaz. Or, elle estime que dans une logique de décarbonation de la chaleur, il faudrait au contraire mettre un terme au développement du réseau gaz pour se concentrer sur une réelle transition vers la chaleur renouvelable (réseaux de chaleur alimentés par du bois-énergie…) y compris pour le bâti existant.

    Dans ce cadre, Edora plaide pour une articulation cohérente entre la stratégie chaleur durable et le plan de rénovation/isolation de l'habitat et des bâtiments publics wallons. En effet, s'ils sont souvent associés aux nouvelles constructions et aux écoquartiers, les réseaux de chaleur ont aussi toute leur place pour les vieux bâtiments.

    La « stratégie chaleur durable » tiendra-t-elle compte des critiques d'Edora ?

    Monsieur le Ministre pourrait-il nous fournir des précisions en ce sens ?

    Un travail de coordination a-t-il été entamé avec son collègue en charge des Pouvoirs locaux pour combiner la « stratégie chaleur durable » et le plan de rénovation/isolation des bâtiments publics wallons ?

    Si oui, serait-il déjà en mesure de nous relayer les points principaux ?
  • Réponse du 07/04/2021
    • de HENRY Philippe
    En 2019, la production de chaleur nette en Région wallonne s’élevait à 8581 GWh, soit une hausse de 0,3 % par rapport à 2018. L’essentiel de cette chaleur est produit par de la biomasse, majoritairement solide. Il faut noter que la production de chaleur a été multipliée par 3,7 depuis 1990 et progressée de 13% depuis 2010.

    La stratégie chaleur à laquelle l’honorable membre fait référence a été établie pour la première fois en 2015, pour répondre à l’une de nos obligations européennes reprises dans la Directive efficacité énergétique (article 14). Cette directive prévoit qu’une évaluation complète du potentiel pour l’application de la cogénération à haut rendement et des réseaux efficaces de chaleur et de froid soit réalisée tous les cinq ans. Sur mon initiative, le Gouvernement wallon a pris acte de cette mise à jour le 12 mars dernier.

    Loin de constituer une simple mise à jour, cette stratégie « chaleur » représente un cadre indispensable à la mise en place d’une véritable politique pour rendre durable la chaleur consommée en Région wallonne. Jusqu’à il y a peu, la Région wallonne ne disposait d’aucun cadre pour favoriser l’énergie thermique durable. Avec l’adoption du décret énergie thermique en octobre 2020 et la stratégie chaleur, les premiers jalons d’une réelle prise en main de la chaleur renouvelable ont été posés.

    Je rejoins Edora quant à l’importance de travailler à rendre durable notre consommation de chaleur.

    Je pense également que les réseaux de chaleur ont un rôle important à jouer dans la transition énergétique, et ce à plusieurs titres.

    Tout d’abord, les réseaux de chaleur apportent une solution optimale pour distribuer de la chaleur qui ne pourrait pas être valorisée autrement, comme c’est le cas par exemple de la chaleur fatale et de la géothermie.

    Ensuite, ce moyen de distribution est également avantageux à plusieurs égards : il permet une meilleure maintenance, et une augmentation de la performance énergétique et environnementale, notamment via un meilleur dimensionnement et la possibilité de mettre en place des filtres adéquats permettant d’avoir un faible impact sur la qualité de l’air. La complémentarité des profils de consommation connectés à un même réseau permet une réduction de la puissance nominale totale à installer et donc une réduction de l’investissement global de la production de chaleur.

    De plus, le raccordement à un réseau de chaleur peut présenter des avantages pour les consommateurs aux revenus modestes, en leur permettant de bénéficier d’une réduction de l’investissement total et de mutualiser les coûts de maintenance. Les coûts de remplacement de certaines pièces sont également lissés dans le temps. Dans le cadre particulier des logements publics, le recours à une installation unique, décentralisée, facilite la gestion des installations de chauffage par les pouvoirs publics.

    Les réseaux de chaleur comportent donc de nombreux avantages. Toutefois, leur mise en œuvre doit faire l’objet d’une analyse approfondie, au cas par cas. Ceux-ci doivent, en effet, être déployés lorsqu’on retrouve une combinaison idéale de production ou disponibilité de chaleur et d’une densité suffisante de consommation à proximité de cette chaleur. Cette combinaison idéale peut se rencontrer dans diverses situations, tant dans le cas de nouveaux lotissements que dans le cas de bâtiments existants, en particulier des bâtiments patrimoniaux dont la rénovation profonde est parfois impossible.

    Lors de l’élaboration de cette stratégie, j’ai bien entendu mené des concertations avec mes collègues en charge des différents plans de rénovation. Malheureusement, le plan de rénovation des bâtiments publics est déjà en cours de mise en œuvre et ne pourra pas prendre en compte les conclusions de cette étude, vu son avancement. Toutefois, des adaptations seront apportées partout où c’est encore possible.

    La stratégie chaleur dresse tout d’abord un bilan de la consommation d’énergie thermique en Wallonie et identifie le potentiel de chaleur renouvelable et fatale (chaleur de récupération) présent sur le territoire. Le potentiel de déploiement est identifié, commune par commune, et constitue, par conséquent, un outil très utile au déploiement de projets. Elle identifie également 28 mesures qui ont un fort potentiel pour rendre notre consommation de chaleur plus durable. Il s’agit notamment de planifier la sortie des énergies fossiles, de mettre en place un cadre réglementaire stable et efficace et de faciliter l’accès à l’information, ainsi que les démarches préalables à la concrétisation des projets. La qualité des projets n’est pas oubliée puisqu’il s’agit aussi de s’assurer que la Wallonie dispose de suffisamment de personnel qualifié pour l’étude, l’installation et la maintenance de ces projets en énergie thermique durable.

    Il ressort de ce rapport qu’une étude de (pré-)faisabilité devrait être réalisée préalablement à tout remplacement de systèmes de production de chaleur financé par de l’argent public, sauf certaines exceptions. Il conviendrait également de conditionner les aides wallonnes au maintien de la performance de l’installation tout au long de la durée de vie du projet. Afin de mettre les différentes technologies de production de chaleur sur un pied d’égalité, il est essentiel de pouvoir tenir compte de la durée de vie importante des réseaux de chaleur dans le calcul de la rentabilité de cette technique de distribution et de mettre en place des mécanismes de financement permettant d’étaler les investissements dans le temps. Il s’agit là de quelques-unes des mesures-phares de cette stratégie, qui je le pense, avec le cadre décrétale chaleur mis en place sera amenée à jouer un rôle considérable dans les années à venir.