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La filière du kérosène vert en Wallonie et la décarbonation du secteur aérien

  • Session : 2020-2021
  • Année : 2021
  • N° : 103 (2020-2021) 1

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  • Question écrite du 15/03/2021
    • de MAROY Olivier
    • à CRUCKE Jean-Luc, Ministre du Budget et des Finances, des Aéroports et des Infrastructures sportives
    Le secteur aérien est en croissance et représente 3 % du CO2 mondial. Cela justifie les nombreuses discussions autour de l'idée de taxer le kérosène.

    Cependant, les différentes innovations scientifiques qui se multiplient pourraient amener des solutions vers un secteur aérien décarboné ! La compagnie aérienne néerlandaise KLM a utilisé, pour la première fois, début février dernier, une partie de kérosène synthétique pour un vol passagers. C'est une première mondiale et une nouvelle étape vers du carburant durable. Par ailleurs, le mois passé, une équipe de chercheurs de l'Université d'Oxford est parvenue à transformer le dioxyde de carbone en carburant, avec pour résultat un carburant neutre en carbone.

    Chez nous, le Plan « Get up Wallonia ! » envisage de développer une filière de production de kérosène vert en Wallonie. Au cœur du projet, il y la construction à Chertal d'une unité de production d'un kérosène neutre en CO2 qui serait en capacité de fournir l'équivalent de 10 % de la consommation en carburant de l'aéroport de Bierset.

    Selon mes informations, c'est une équipe de l'Université de Liège qui est derrière le projet de recherche sur le kérosène vert. Le procédé consiste à recombiner de l'hydrogène vert avec du CO2 capturé dans l'air ou dans une usine pour produire du kérosène vert.

    Tous ces résultats sont très prometteurs et je rejoins Monsieur le Ministre sur le constat qu'il faisait en novembre 2019 : c'est par la réponse scientifique, par les technologies nouvelles, que nous pourrons apporter un certain nombre de solutions à la lutte contre le réchauffement climatique.

    Comment Monsieur le Ministre accueille-t-il ces nouvelles innovations en matière de kérosène propre ? Quel est son état d'esprit ?

    Le développement de la filière du kérosène vert en Wallonie avance-t-il comme il le souhaite ?

    Outre l'usine de Chertal, envisage-t-il la construction d'autres unités de production de kérosène propre en Wallonie ?
  • Réponse du 08/04/2021
    • de CRUCKE Jean-Luc
    La décarbonation est un objectif qui est maintenant au centre des préoccupations du secteur aérien européen. Le kérosène vert ou SAF (Sustainable Aviation Fuel, carburant d’aviation durable) est l’une des solutions qui pourrait aider l’aviation à se décarboner.

    Le secteur européen de l'aviation, dans son initiative Destination 2050, estime que l'utilisation de carburants aviation durables (SAF) permettrait de réduire les émissions de l’aviation de 34 % d’ici 2050.

    La Wallonie est très attentive au processus de décarbonation de l’aviation et des conséquences éventuelles pour ses aéroports. Je suis aussi favorable à une taxation européenne du kérosène et nous suivons bien avec la SOWAER les négociations en cours concernant l’initiative « Refuel EU » qui est dans les cartons de la Commission depuis un an. Ce projet de loi sera proposé prochainement à la Commission européenne. L’initiative vise à encourager le secteur de l'aviation à mélanger un pourcentage de carburants d'aviation durables avec du carburant à base de kérosène.

    Ce projet tel qu'il sera présenté ne prévoit une obligation que pour les vols intraeuropéens. Cette position génère déjà des réactions et des débats au sein du secteur.

    Début 2020, la SOWAER a souhaité se documenter sur les évolutions futures entourant les motorisations de l’aviation, mais également sur les impacts que cela pourrait avoir sur ses activités ainsi que les infrastructures à mettre en place.

    Ainsi, la société de consultance To70 spécialisée dans le domaine de l’aérien a été mandatée, sous le contrôle de la SOWAER, pour réaliser une étude sur l’avenir des motorisations des aéronefs et l’impact probable sur les infrastructures des aéroports et aérodromes situés sur le sol wallon. Cette étude examine la question des techniques de décarbonation dans le secteur aérien ainsi que d’autres solutions viables comme :
    - les carburants d’aviation durable (SAF – Sustainable Aviation Fuel) ;
    - les avions électriques ;
    - les avions à hydrogène ;
    - les solutions hybrides combinant électricité et carburant conventionnel ou SAF ou combinant électricité et hydrogène.

    La SOWAER est donc consciente de cette transition et se veut proactive dans la réflexion sur le futur de la motorisation de l’aviation en examinant toutes les pistes de solutions possibles.

    Cette réflexion ne porte pas uniquement sur le type d’aéronefs et de motorisations. En effet, la réflexion doit aussi prendre en compte la réglementation, la politique en vigueur (nationale, européenne ou internationale), les comportements et préférences des clients (pilotes et passagers) ainsi que les modifications d’infrastructures liées à l’avitaillement et les aspects de modification des équipements de support et de sécurité (e.g. camion de pompier, véhicules, équipements incendie).

    À l'heure actuelle, les spécifications de certification des aérodromes (CS-ADR) adoptées par l’AESA (Agence européenne de la sécurité aérienne) ne mentionnent pas d’informations ou de directives relatives au développement d’équipements et infrastructures liés à l’avitaillement ou à l’approvisionnement en énergie durable sur les aéroports. De plus, les perspectives en termes de demande pour les 5 à 10 ans à venir ne sont pas encore clairement définies pour identifier précisément l’aménagement qui sera nécessaire. La plupart des technologies liées à la future motorisation de l’aviation ne sont pas encore testées et certifiées.

    La crise de la Covid ayant fragilisé le secteur aérien, sans intervention de la part des instances politiques, il ne faut pas s’attendre à de changements notables dans les comportements et flottes en activité avant un retour à une situation économiquement plus stable pour ces acteurs.

    La sécurité restant la priorité de l’aviation, le cadre réglementaire devra être bien défini et détaillé pour coordonner cette transition.

    En gardant ce contexte en tête et suite à la réception de cette étude fin de l’année 2020, la SOWAER a entrepris de prendre des contacts notamment avec des écoles d’aviation présentes à Charleroi et Liège et l’aviation d’affaire afin d’avoir leur point de vue sur la question. La SOWAER est également en discussion avec les sociétés de gestion sur cette matière. La réflexion concernant cette transition est donc sur les rails.

    Le Professeur Damien Ernst de l’Université de Liège estime quant à lui que « l’aviation est le seul segment difficile à électrifier ».

    L’Université de Liège mène ainsi effectivement un projet de recherche sur le kérosène de synthèse « vert », basé sur un procédé qui consiste à recombiner de l’hydrogène vert avec du CO2 capturé dans l’air ou dans une usine pour produire du kérosène « vert ».

    La transition énergétique étant l’un des axes du redéploiement wallon, le groupe de travail « Économie » mis en place dans le cadre du Plan « Get up Wallonia ! » a, comme l’honorable membre le mentionne, définit dans les grandes lignes une potentielle filière wallonne « autour de la capture de CO2 dans l’atmosphère, de la synthèse d’hydrogène et de la synthèse d’e-fuels, devant décarboner le secteur aérien ».

    Au cœur du projet, il y a la construction d’une unité de production de ce kérosène neutre en CO2 qui serait en capacité de fournir l’équivalent de 10 % de la consommation en carburant de l’aéroport de Bierset (soit 30 000 tonnes de kérosène par an).

    Le groupe de travail a suggéré qu’on localise cette unité à Chertal, friche industrielle de 200 hectares stratégique dans le cadre du redéploiement wallon.

    Je ne peux évidemment que me réjouir de cette initiative, mais il comprendra que la mise en œuvre de ce projet dépasse largement mes compétences en matière d’aéroports et sera suivi par l’ensemble du Gouvernement.

    Je reste cependant très attentif à cette problématique.