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L'application de la notion de conflits d'intérêts dans les commissions consultatives communales d'aménagement du territoire et de mobilité (CCATM)

  • Session : 2020-2021
  • Année : 2021
  • N° : 323 (2020-2021) 1

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  • Question écrite du 18/03/2021
    • de SCHYNS Marie-Martine
    • à BORSUS Willy, Ministre de l'Economie, du Commerce extérieur, de la Recherche et de l'Innovation, du Numérique, de l'Aménagement du territoire, de l'Agriculture, de l'IFAPME et des Centres de compétences
    Les CCATM sont appelées à émettre des avis sur de nombreux dossiers d'urbanisme et d'aménagement.
    Il arrive que les débats soient perturbés par la question du conflit d'intérêts d'un ou de plusieurs membres. Le Code de la démocratie locale et de la décentralisation ainsi que la législation sur les marchés publics abordent cet aspect en précisant qu'il y a conflit d'intérêts si le projet a un impact sur le « patrimoine » du membre de l'assemblée.  
     
    Mais le CoDT ne définit pas la notion de « conflit d'intérêts » au sein d'une CCATM. Il en va de même pour son règlement d'ordre intérieur type proposé par l'Administration.  
     
    Il est bien évident qu'il y a conflit d'intérêts lorsque le membre de la CCATM est le propriétaire, l'architecte ou le promoteur (ou un allié) d'un bien pour lequel le projet est soumis à l'avis de la CCATM. La jurisprudence du Conseil d'État le confirme d'ailleurs. En effet, dans son arrêt n° 221 722 du 12 décembre 2012, le Conseil d'État a annulé un permis d'urbanisme parce qu'un membre de la CCATM, par ailleurs auteur du projet soumis à l'avis de la CCATM, avait présenté le projet et ne s'était pas retiré pour la délibération, mais uniquement au moment du vote.  
     
    Toutefois, la notion de conflit d'intérêts devient nettement plus discutable dans d'autres cas. Ainsi, y a-t-il conflit d'intérêts lorsqu'un projet concerne le quartier d'un des membres ou lorsque un membre de la CCATM ou un membre la famille de celui-ci a écrit une lettre et fait part de son avis, lors d'une enquête publique relative à un projet qui est soumis ensuite à la commission communale ?  
     
    Faut-il exiger d'un membre qu'il se retire dans ces autres cas ?  
     
    Un membre agriculteur, par exemple, devrait-il se retirer sur un projet d'un autre agriculteur ?
     
    Un membre impliqué dans un comité de quartier devrait-il se retirer sur un projet à propos duquel son comité aurait pris position ?
     
    Un membre ayant participé à une enquête publique devrait-il se retirer lorsque le projet est débattu en CCATM ?
     
    Avec l'effet pervers qu'un membre particulièrement actif serait systématiquement exclu du débat et du vote parce qu'il se serait penché sur un dossier et qu'il aurait participé à l'enquête publique. De la sorte, on écarterait systématiquement un membre ayant exprimé une opinion sur un dossier avant qu'il ne soit soumis à la CCATM. Ne risque-t-on pas de museler une CCATM avec des critères de mise en retrait à ce point sévères ?
     
    Existe-t-il une définition particulière de la notion de « conflit d'intérêts » pour un membre d'une CCATM ? Laquelle ?
     
    À défaut, Monsieur le Ministre peut-il donc me préciser ce qu'il entend par conflit d'intérêts au sein d'une CCATM ?  
     
    Une communication à l'attention des communes ne serait-elle pas utile ?
  • Réponse du 07/04/2021
    • de BORSUS Willy
    L’article R.I.10-5, § 2, alinéa 2 du Code du Développement territorial (CoDT) dispose qu’en cas de conflit d’intérêts le président ou le membre quitte la séance de la Commission pour le point à débattre et pour le vote.

    Selon C. Thiebaut qui commente cette disposition, cette notion de « conflits d’intérêts » bien que n’étant plus amplement précisée dans le Code, rappelle les dispositions qui régissent le conflit d'intérêts dans le chef du membre du collège.

    Pour celui-ci, le Code wallon de la démocratie locale (CDLD) lui interdit « d'être présent à la délibération sur des objets auxquels il a un intérêt direct, soit personnellement, soit comme chargé d'affaires, avant ou après son élection, ou auxquels ses parents ou alliés jusqu'au quatrième degré inclusivement ont un intérêt personnel ou direct ».

    Tout comme pour les membres du collège communal, il paraît évident que dans le chef du président et des membres de la CCATM, l'intérêt doit être personnel, c'est-à-dire qui affecte non pas simultanément le patrimoine de toute une catégorie d'habitants, mais exclusivement le patrimoine « du président ou du membre ».

    Sans aucun doute se trouve dans une telle situation le membre de la CCATM qui serait, par ailleurs, le bénéficiaire d'un permis sur lequel la commission est appelée à se prononcer.

    Sans aucun doute encore serait dans la même situation le membre de la CCATM qui serait, par ailleurs, l'auteur de projet d'une demande de permis qui lui serait soumise.

    Le conflit d'intérêts qui se rattache au principe d'impartialité s'oppose ainsi à ce que l'architecte qui a préparé une demande de permis d'urbanisme de régularisation participe, en sa qualité de membre suppléant, à la réunion au cours de laquelle le dossier est examiné et émette des observations sur celui-ci. La circonstance qu'il n'a pas conçu le projet - qui n'était " qu'une régularisation - ou encore qu'il quitte la séance lors du vote, ne suffit pas à ôter le doute sur le point de savoir si la demande de permis a été traitée avec l'impartialité nécessaire " (Conseil d'État, 12 décembre 2012, n° 221.722).

    Par opposition à l'intérêt personnel, l'intérêt collectif "qui résulte de la qualité d'habitant de la commune " (F. Debaets, "Les organes - Fonctionnement - Le Conseil communal") ne s'oppose pas à une participation à une séance de la CCATM. Ainsi, devrait-il en aller, sous réserve de circonstance particulière, pour l'instrument à portée générale. À défaut, la CCATM ne pourrait, dès qu'elle à connaître d'un tel instrument, plus fonctionner, chacun, président et membre, étant susceptible d'être affecté.

    En conclusion, il appartiendra de déterminer, au cas par cas, si le membre de la CCATM, a ou non, un intérêt personnel dans le dossier à examiner par la CCATM.

    À titre d’exemples, les membres des CCATM, ne peuvent participer ni aux discussions ni aux votes lors des séances des CCATM sur des projets qu'ils ont réalisés ou s’ils sont propriétaires de tout ou partie du terrain concerné. Ils peuvent toutefois, à l'instar des non-membres de la CCATM, présenter leur dossier à la Commission avant l'ouverture des débats.

    Si le projet concerne le quartier d’un des membres ou si un membre de la CCATM ou de sa famille écrit une lettre et fait part de son avis dans le cadre de l’enquête publique, il n’y a pas de conflit d’intérêt direct. Le membre peut donc participer aux débats et au vote de la CCATM.

    Dans le même cas de figure, un agriculteur, membre d’une CCATM, ne devra pas s’abstenir de remettre un avis sur un dossier concerné par un autre agriculteur, un architecte, membre d’une CCATM, peut participer aux débats et au vote pour le projet d’un de ses confrères ou encore un membre, impliqué dans un comité de quartier, peut participer aux débats et au vote pour le projet d’un de ses confrères, il ne s’agit pas d’un conflit d’intérêt direct.