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L'intervention du conseil communal dans le processus des charges d'urbanisme

  • Session : 2020-2021
  • Année : 2021
  • N° : 324 (2020-2021) 1

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  • Question écrite du 18/03/2021
    • de SCHYNS Marie-Martine
    • à BORSUS Willy, Ministre de l'Economie, du Commerce extérieur, de la Recherche et de l'Innovation, du Numérique, de l'Aménagement du territoire, de l'Agriculture, de l'IFAPME et des Centres de compétences
    Dans le cadre de l'instruction d'une demande de permis d'urbanisme portant sur l'aménagement et la construction de logements,  le nombre élevé de nouveaux logements conduit logiquement l'autorité compétente sur la base de l'article D.IV.54 du CoDT,  à assortir le futur permis de charges d'urbanisme relatives au réaménagement de l'espace public proche sans toutefois que cela n'entraîne une modification de la voirie communale au sens de l'article 2, 1°, du décret du 6 février 2014 relatif à la voirie communale autre que son équipement.
     
    Il arrive que des communes, avant l'octroi du permis, soumettent à leur conseil communal le projet de convention liant la commune et le promoteur du projet quant au financement et à la mise en œuvre de ces charges d'urbanisme. Cette décision est notamment motivée par la volonté d'éviter que le contenu des charges d'urbanisme fasse l'objet d'adaptation ou de non-reprise, en cas de décision par une autre autorité que le collège communal.
     
    Une telle convention visant à fixer des charges d'urbanisme qui se rapportent à une demande de permis toujours en cours d'instruction, peut-elle être soumise au conseil communal ?
     
    Cette convention est conditionnée – bien sûr – à l'octroi du permis : mais ne place-t-elle pas dès lors les autorités communales dans une situation délicate entre la nécessaire bonne instruction de la demande de permis et la volonté logique de bénéficier des avantages que procurent les charges d'urbanisme négociées ou imposées ?
     
    Quelles sont les bonnes pratiques que l'administration de Monsieur le Ministre préconise aux autorités communales afin d'opérer une mise en œuvre de ce mécanisme des charges d'urbanisme afin d'éviter de mettre en porte-à-faux les différents organes communaux que sont le collège et le conseil ?
     
    Existe-t-il une circulaire ou une note informative sur le sujet ?
  • Réponse du 08/04/2021
    • de BORSUS Willy
    Les charges qui assortissent un permis d’urbanisme ou un permis d’urbanisation peuvent couvrir la réalisation ou la rénovation de voiries, et la cession à la commune ou à la Région, à titre gratuit, de la propriété de voiries ou d’espaces publics, l’article D.IV.54 du CoDT le permet.

    L’aménagement d’une voirie peut aussi relever de la notion de « condition » : les conditions sont nécessaires soit à l’intégration du projet à l’environnement bâti et non bâti, soit à la faisabilité du projet, c’est-à-dire à sa mise en œuvre et à son exploitation. Ainsi par exemple, la nouvelle voirie qui dessert un nouveau lotissement est nécessaire à la mise en œuvre du projet et à son exploitation si sans elle les nouveaux lots créés ne sont pas accessibles. L’aménagement de cette voirie n’est donc pas une charge.

    Les règles à suivre sont différentes selon qu’il s’agit d’une charge ou d’une condition, il faut donc être prudent avant « d’incriminer » une pratique.

    La matière des charges d’urbanisme a été revue lors de l’adoption du CoDT, en 2016.

    L’objectif principal de cette réforme était d’assurer un caractère de prévisibilité aux charges, mais il visait également à rendre plus transparentes les pratiques existantes.

    La prévisibilité est nécessaire aux autopromoteurs et promoteurs qui doivent gérer leurs investissements et s’assurer de la rentabilité financière ou de la faisabilité de leurs projets.

    La transparence est une bonne façon de veiller au respect du principe d’égalité et de non-discrimination, qui doit guider l’action de toutes les administrations. Ce principe implique que tous ceux qui se trouvent dans la même situation soient traités de la même manière et donc, en corollaire, que deux projets similaires fassent l’objet de décisions similaires et deux projets dissemblables de deux décisions différentes lorsque les décisions émanent d’une même autorité compétente.

    Dans l’optique d’assurer la transparence des décisions, il a été prévu expressément que les charges soient imposées par le biais du permis, de façon à voir disparaître les engagements unilatéraux ou autres techniques détachées du permis et non contrôlables. L’article R.IV.54-3 du CoDT dispose que « Le permis détermine distinctement les conditions et les charges imposées moyennant une motivation qui justifie le choix des charges et de leur localisation et le respect du principe de proportionnalité». Une motivation spécifique est donc de surcroît imposée, de façon à justifier du respect du Code.

    L’imposition de charges dans le permis permet également au titulaire du permis d’introduire un recours auprès du Gouvernement s’il estime que les charges imposées en première instance sont disproportionnées ou inadéquates.

    Utiliser le mécanisme d’une convention entre le conseil communal et le demandeur pour éviter que le contenu des charges d'urbanisme fasse l'objet d'adaptation ou de non-reprise en cas de décision par une autre autorité que le collège communal, ou pour éviter tout contrôle ou tout recours va donc à l’encontre de l’objectif poursuivi.

    Il faut cependant souligner qu’en soi, les charges ne procurent pas un avantage à une commune, puisqu’elles sont prévues « en vue de compenser l’impact que le projet fait peser sur la collectivité au niveau communal », comme le précise l’article D.IV.54 du CoDT. Un permis n’est pas octroyé pour bénéficier d’une charge. Cette dernière peut donc être établie avant l’octroi du permis, sans que cela ne constitue ni une incitation à bâcler l’instruction de la demande, ni à orienter la décision finale. L’article R.IV.54-3 précise d’ailleurs que : « L’autorité compétente peut, lors de la réunion de projet ou en cours de procédure, aviser le demandeur du permis des charges qu’elle envisage d’imposer afin d’évaluer leur faisabilité et d’y substituer, le cas échéant, d’autres charges plus adéquates. Les charges peuvent faire partie intégrante de la demande de permis ».

    La matière des charges n’est pas très facile à appréhender. Le Gouvernement précédent a lancé une recherche de la CPDT sur ce thème, de façon à opérationnaliser le Code. En 2018, la recherche devait aboutir à élaborer un guide pratique à destination des autorités compétentes. Cette recherche de 2018 s’est soldée par un arrêt en cours d’étude pour non-conformité au CoDT.

    Aujourd’hui, la DPR préconise, dans son chapitre 10 Logement :« L’utilisation des charges d’urbanisme proportionnées en vue de créer du logement public ou du logement conventionné, tenant compte de l’ampleur du projet, sur base d’une norme régionale (euros au m2 au regard du prix de vente moyen d’un logement dans la zone concernée et du pouvoir d’achat des acquéreurs potentiels dans cette zone ; nombre de logements au m2) établie en associant le SPW, la Confédération de la construction, l’Union professionnelle du secteur immobilier et l’Union des villes et communes de Wallonie et, dans ce cadre, la possibilité d’allongement de 9 à 15 ans de la prise en gestion imposée par les charges d’urbanisme ».

    Cela nécessite de revoir le CoDT, dans une mesure peut-être importante par rapport aux mécanismes élaborés en 2016.

    Dans le cadre de la "task force" que j’ai mise en place, les charges ont fait l’objet d’une analyse spécifique. Une attention particulière a aussi été portée à la manière dont la Région bruxelloise a légiféré en cette matière, car cette région a déjà mis l’accent sur le développement du logement, et imposé des charges tarifées. Elle a par ailleurs admis les charges en numéraire, ce que le CoDT ne permet actuellement pas.

    Les travaux d’analyse se poursuivent concernant ce dossier.