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La spéculation sur les terres agricoles en Wallonie

  • Session : 2020-2021
  • Année : 2021
  • N° : 332 (2020-2021) 1

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  • Question écrite du 25/03/2021
    • de COURARD Philippe
    • à BORSUS Willy, Ministre de l'Economie, du Commerce extérieur, de la Recherche et de l'Innovation, du Numérique, de l'Aménagement du territoire, de l'Agriculture, de l'IFAPME et des Centres de compétences
    La détresse est grande au sein du monde agricole wallon et la Province de Luxembourg n'y échappe pas.
     
    En outre, un nouvel ennemi touche les agriculteurs actifs, celui de la spéculation foncière. Certes, ce n'est pas un phénomène nouveau, mais force est de constater qu'il s'est amplifié au cours des dernières années et plus particulièrement après la crise financière de 2008 à la faveur de laquelle le foncier en général et le foncier agricole est devenu une valeur refuge.
     
    Une des conséquences de cette spéculation est la difficulté d'accès à la terre pour les agriculteurs et plus particulièrement pour les plus jeunes, et ce, même pour le faire valoir indirect.
     
    En outre, un nouveau phénomène apparaît. Il semblerait qu'à côté des sociétés de gestion agricole, dont le modèle même est contestable, on voit apparaître des spéculateurs privés qui suivent eux-mêmes les formations agricoles.
     
    Le mécanisme qui semble se mettre en place n'est ni plus ni moins qu'un placement financier.
     
    L'accès à la profession est une formalité : inscription payante auprès de la FJA suivie d'un module de formation articulé autour de plusieurs cursus distincts. Une fois que les spéculateurs sont administrativement en ordre, ils peuvent se mettre à produire…
     
    Pour ce faire, rien de plus simple : proposer à de jeunes agriculteurs, incapables d'acheter leurs terres, de travailler pour eux et/ou faire appel à des ouvriers agricoles. Comble du "greenbashing", ce type de production est labellisée bio.
     
    Les primes octroyées dans ce cadre seraient, en quelque sorte, un rendement stable pour ces spéculateurs de la terre, plus intéressant qu'un placement financier en banque. En contrepartie, les jeunes agriculteurs qui veulent démarrer une activité sont dans l'obligation de s'endetter lourdement.
     
    L'évolution et la spéculation sont si fortes que des contrats de gestion et/ou de location d'un terrain agricole sont devenus extrêmement rares. En investiguant sobrement sur le sujet, on trouve assez rapidement des cabinets d'avocats qui proposent un accompagnement administratif. L'histoire possède tous les atouts d'un scandale 2.0.
     
    Un plan de régulation est-il actuellement à l'étude pour, notamment, permettre aux jeunes agriculteurs d'acquérir et/ou de pouvoir travailler des terres sur des périodes raisonnables ?
     
    Monsieur le Ministre juge-t-il, à cet égard, la réforme du bail à ferme suffisante ?
     
    Aussi, et c'est le point qui me parait le plus important, est-il normal que nos terres agricoles deviennent, à ce point, un outil de spéculation au détriment d'une gestion saine et durable de la production locale ?
  • Réponse du 22/04/2021
    • de BORSUS Willy
    Le constat de l'honorable membre sur l’évolution des prix des terres agricoles en Région wallonne est exact. Les derniers chiffres du rapport de l’Observatoire du foncier agricole wallon - en préparation pour la mi-juillet 2021 – vont dans ce sens. Ainsi le prix moyen des biens immobiliers agricoles non bâtis entièrement situés en zone agricole au plan de secteur est passé de 27 202 euros/ha en 2017 à 30 521 euros/ha en 2020. S’il n’est pas possible sur la base des données issues de quatre années consécutives d’établir de véritables tendances, il n’en demeure pas moins que ces biens ont connu une augmentation de 12 % au cours de la période 2017-2020.
     
    Je suis bien conscient des conséquences de cette spéculation foncière. Les agriculteurs, notamment les jeunes, font face à des difficultés pour acquérir des terres vu les prix élevés.
     
    Sans attendre les résultats des auditions de la Commission de l’Économie, de l’Aménagement du territoire et de l’Agriculture du Parlement de Wallonie relatives à « l’accès au foncier agricole », j’ai sollicité auprès de mon administration une analyse des outils de gestion foncière utilisés par nos voisins afin de déterminer quelles pratiques pourraient être transposées dans notre modèle agricole wallon.
     
    Complémentairement à cette action et à la lumière également des informations fournies par l’Observatoire du foncier agricole, je continue à évaluer l’impact de la réforme de la législation bail à ferme. Celle-ci est, je le rappelle, en vigueur depuis le 1er janvier 2020. Il est donc encore difficile d’avoir le recul nécessaire pour une évaluation complète, mais les retours reçus du terrain nous donnent déjà un bon aperçu des points qui sembleraient insuffisants pour répondre à cette problématique.
     
    Il me parait essentiel de tout mettre en œuvre afin d’optimiser les outils fonciers au bénéfice de nos agriculteurs wallons et de leurs productions locales. C’est notre modèle agricole de type familial et durable qu’il faut préserver en Wallonie.