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L'appréciation de l'opportunité de procéder à une démolition dans tous les projets d'urbanisme

  • Session : 2020-2021
  • Année : 2021
  • N° : 341 (2020-2021) 1

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  • Question écrite du 26/03/2021
    • de CREMASCO Veronica
    • à BORSUS Willy, Ministre de l'Economie, du Commerce extérieur, de la Recherche et de l'Innovation, du Numérique, de l'Aménagement du territoire, de l'Agriculture, de l'IFAPME et des Centres de compétences
    Dans un article du Trends.levif.be/economie, online le 17 mars 2021, intitulé « Le nouveau business de l'immobilier circulaire », on peut lire un changement de cap des administrations bruxelloises qui encouragent désormais chaque développeur à se pencher davantage sur la possibilité de procéder à une rénovation lourde avant de démolir.

    Chaque dossier a ses spécificités. Néanmoins, Bety Waknine qui dirige Urban.brussels, institution publique bruxelloise en charge notamment de la délivrance des permis d'urbanisme affirme clairement dans un autre article intitulé « Trop de bâtiments ont été démolis un peu vite » du Trends Tendance de ce 17 mars « que les promoteurs immobiliers vont devoir changer leurs habitudes en matière de démolition-reconstruction ».

    Elle suggère une étude multicritères qui démontre l'opportunité ou non de procéder à une démolition pour tous les projets où la question se pose. Cette étude aura lieu notamment dans le cadre des évaluations des incidences ou lors de discussions liées aux réunions de projets.

    « Il est en effet important d'étudier les différents aspects d'un bâtiment avant de le démolir. Et il n'y a pas que le volet patrimonial qui intervient. Il est désormais important de se poser davantage la question de la rénovation. »

    Quelle est l'analyse politique de Monsieur le Ministre quant à la mise en place d'une telle étude multicritères avant de faire le choix d'une démolition ou d'une rénovation lourde ?

    A-t-il déjà étudié son application en Wallonie ?

    Que pense-t-il de l'intégration systématique d'une étude démontrant la nécessité de démolir, dans chaque notice ou étude d'incidence relative à une demande de permis de démolition ?
  • Réponse du 07/04/2021
    • de BORSUS Willy
    Comme l’honorable membre le sait, le Gouvernement wallon a, à mon initiative, adopté la stratégie Circular Wallonia qui entend promouvoir et accélérer la transition vers une économie circulaire en Wallonie. Cette stratégie contient 6 feuilles de route sectorielles, dont une est entièrement consacrée au secteur de la construction.

    Ce secteur représente à lui seul plus de 35 % des déchets produits, alors que ces derniers pourraient dans de nombreux cas soit être évités, soit être réemployés ou recyclés. C’est pourquoi j’ai pris l’engagement dans Circular Wallonia de prévenir la production de déchets dans la construction et la rénovation, et de trouver des opportunités pour transformer un maximum de déchets en ressources.

    Une telle démarche est tout à fait en ligne aussi avec le Plan wallon des déchets ressources, adopté par le Gouvernement wallon le 22 mars 2018. Celui-ci est basé sur l’échelle de Lansink (hiérarchie des déchets) et vise à augmenter l’efficacité de l’utilisation des ressources, à diminuer l’impact sur l’environnement tout en permettant le bien-être des individus. La valeur des produits, des matières et des ressources est maintenue dans l’économie aussi longtemps que possible et la production de déchets est réduite au minimum. Elle est aussi pleinement en phase avec les orientations stratégiques prises en matière de rénovation au niveau européen et en Wallonie. La stratégie de la Commission européenne pour une vague de rénovation, publiée en octobre 2020, entend appliquer les principes de l’économie circulaire et de l’analyse du cycle de vie aux rénovations des bâtiments pour réduire les émissions de gaz à effet de serre du secteur de la construction/rénovation et réduire la quantité de déchets produits par ce secteur. Quant à la stratégie wallonne de rénovation à long terme, elle prévoit au travers d’axes de mesures et d’actions de conduire le parc de bâtiments résidentiels et tertiaires situés sur le territoire wallon à une réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre de 95 à 100 % en 2050 par rapport à 1990.

    Dans cette stratégie, une des mesures de gestion et de programmation consiste à élaborer un référentiel pour choisir entre la rénovation ou la démolition/reconstruction d’un bien immobilier bâti. L’Action 13.3 prévoit de baliser les situations où la démolition/reconstruction est une meilleure solution que la rénovation profonde et dans ces cas, de la favoriser (Action 13.4) et la soutenir par un taux de TVA réduit (Action 14.2). De même l’Action 15.b prévoit de développer des outils spécifiques pour l’évaluation de l’opportunité de démolition/reconstruction.

    La question qui se pose est de savoir sur quel outil se baser pour effectuer cette analyse multicritères qui permet de prendre la décision la plus adéquate. Dans le cadre de Circular Wallonia, le Gouvernement wallon s’est engagé à « Développer des outils permettant de concevoir en amont, de manière circulaire, le bâtiment et les infrastructures et favoriser la déconstruction sélective et le réemploi des matériaux ». Pour ce faire, il a pris l’engagement de promouvoir l’utilisation de l’outil TOTEM.

    L’outil TOTEM (Tool to Optimise the Total Environmental impact of Materials) est développé par les trois régions depuis plusieurs années. Il est basé sur une méthodologie scientifique conforme au cadre européen en vigueur et permet des analyses environnementales basées sur des Analyses de Cycle de Vie (ACV) des bâtiments. Il a pour objectif de promouvoir les connaissances et la compréhension en matière de performances environnementales des bâtiments. Il permet de calculer et de communiquer de manière univoque les performances environnementales des bâtiments.

    En modélisant un bâtiment dans TOTEM, l’outil permet au concepteur de comparer des scénarios et de pouvoir optimiser ses choix en vue de réduire les impacts environnementaux de son projet.

    Si cet outil TOTEM permet aujourd’hui d’aborder les aspects liés à la rénovation, il y a lieu d’y intégrer les aspects liés à la circularité et à la réversibilité, de manière à concevoir, le plus en amont possible, des constructions/rénovations réversibles et circulaires.

    En ce qui concerne les demandes de permis d’urbanisme, en Wallonie, une notice d’évaluation d’incidences environnementales accompagne la demande de permis. Dans cette notice (cf modèle en annexe VI du Code de l’Environnement), un cadre permet de présenter le projet sous certains angles comme l’utilisation des ressources et la production de déchets. Il pourrait effectivement être intéressant de compléter ce cadre par une analyse multicritères mesurant l’opportunité « démolition-reconstruction » vs « rénovation profonde ». Comme évoqué plus haut, cette analyse multicritères sera prise en compte par la stratégie de rénovation à long terme au travers de différentes actions.

    Celle-ci passera nécessairement par la réalisation d’un inventaire complet et précis du bâtiment, afin de répertorier l’ensemble des matériaux présents dans le bâtiment, et de pouvoir identifier ceux qui peuvent être réemployés directement dans la rénovation, ou orientés vers des filières de réemploi. Outre les bénéfices environnementaux liés à la récupération de matériaux, cela peut contribuer à réduire les coûts de rénovation/construction. Par ailleurs, les opérations de démontage et revalorisation des matériaux peuvent générer de véritables filières, porteuses d’emploi pour notre région. C’est donc un vrai « win-win-win » que nous devons encourager.

    Il est clair que cette étude d’opportunité « démolition-reconstruction » vs « rénovation profonde » que l’honorable membre évoque permettrait de réaliser une avancée dans le processus de l’économie circulaire.

    L’intégration des différents outils tels que TOTEM, le référentiel/analyse multicritère à développer dans le cadre de la stratégie de rénovation à long terme, l’inventaire matériaux … nécessite une réflexion intégrée pour pouvoir les insérer à bon escient dans les permis d’urbanisme. Aussi, je propose de confier cette réflexion à la « task force » Construction de Circular Wallonia, en y associant les services de l’aménagement du territoire du SPW.