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Les conséquences du Brexit sur l'importation des pièces détachées automobiles

  • Session : 2020-2021
  • Année : 2021
  • N° : 349 (2020-2021) 1

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  • Question écrite du 26/03/2021
    • de CASSART-MAILLEUX Caroline
    • à BORSUS Willy, Ministre de l'Economie, du Commerce extérieur, de la Recherche et de l'Innovation, du Numérique, de l'Aménagement du territoire, de l'Agriculture, de l'IFAPME et des Centres de compétences
    Monsieur le Ministre a été amené à s'exprimer à de nombreuses reprises sur l'impact du Brexit sur l'économie wallonne, plus récemment notamment lors d'une question de mon collègue Monsieur Disabato sur les problèmes d'exportation de nos entreprises vers le Royaume-Uni.

    Je m'interroge aujourd'hui sur les problèmes liés à l'importation de pièces venant du Royaume-Uni, notamment les pièces détachées automobiles. Plusieurs personnes me sont revenues, car elles subissent des retards de réparation automobile.

    Il semblerait que certaines pièces détachées venant tout droit du Royaume-Uni peinent à arriver jusqu'en Belgique.

    Comment l'AWEx peut-elle le cas échéant réagir face à cette situation post-Brexit qui touche éventuellement d'autres secteurs d'importation ? Le Gouvernement wallon a-t-il une marge de manœuvre en la matière ?

    En outre, quels enseignements peut-il tirer de l'étude de la KUL qu'il a commandée sur le sujet et qui était pratiquement finalisée le 9 février dernier ?

    Comment exploiter cette étude dans le cadre de ses attributions ?
  • Réponse du 01/04/2021
    • de BORSUS Willy
    Les compétences/missions de l’Agence wallonne à l’exportation et aux investissements étrangers (AWEx) ne prévoient pas qu’elle intervienne en faveur d’entreprises dont les fournisseurs britanniques ne sont pas en mesure de respecter les éventuelles clauses relatives aux délais de livraison figurant dans leurs accords commerciaux ou conditions de vente. L’AWEx n’a en effet aucune prise sur ces retards, dus principalement à des lourdeurs administratives ou à des problèmes logistiques générés (aux dires même des entreprises wallonnes) au Royaume-Uni. Si certains problèmes sont liés au Brexit, il apparaît également que la crise sanitaire joue elle aussi un rôle dans ces retards (exemple des puces électroniques ou circuits intégrés en provenance d’Asie installés dans les véhicules fabriqués en Europe).

    L’étude réalisée par la KUL en octobre dernier dans un contexte qui n’autorisait guère l’optimisme quant à un éventuel accord entre l’Union européenne et le Royaume-Uni est fondée sur un postulat « NO deal ».

    On sait depuis qu’un accord commercial a été conclu in extremis fin décembre 2020 alors que cette étude était en grande partie finalisée.

    Dans ce rapport, la KUL étudie donc l'impact du Brexit sur la Wallonie en prenant comme point de départ un scénario dans lequel l'Union européenne (UE) et le Royaume-Uni (RU) se séparent sans accord commercial, scénario grevant les produits exportés des tarifs imposés par l’OMC. C'est le scénario « du pire » qui, comme nous le savons désormais, a été évité.

    Ceci étant dit, l’étude est toutefois riche d’enseignements.

    En effet, si, en 2018, l’IWEPS réalisait son analyse en se basant sur les statistiques du commerce extérieur disponibles aux niveaux belge et régional ; et envisageait l’impact que pourrait avoir un Brexit dur sur l’économie et l’emploi en Wallonie en tenant compte pour ce faire de l’effet du Brexit sur les économies de la Flandre et de Bruxelles, l’étude de la KUL pousse son analyse nettement plus loin.

    En effet, la KUL considère que tous les secteurs de l’économie sont liés entre eux à l’échelle européenne. Elle utilise un schéma permettant de prendre en compte l’impact du Brexit sur l’ensemble des entreprises d’un secteur au niveau européen et mesure les répercussions que cet impact aura sur les entreprises belges et wallonnes.

    Autrement dit, ce rapport prend en compte le commerce indirect total de la Wallonie vers le Royaume-Uni via tous les autres pays européens (dont l'Allemagne, la France ou les Pays-Bas qui sont les principaux partenaires commerciaux de la Wallonie).

    Le modèle de la KUL (2017) permet donc une mesure d’impact plus précise que ce que permettaient les chiffres dont nous disposions jusque-là. Les résultats de cette analyse indiquent qu’un Brexit sans accord aurait eu un impact plus important sur l’économie et l’emploi que dans la projection réalisée en 2018.

    Mais un accord a heureusement été signé. Néanmoins, une analyse telle que celle de la KUL est une référence informative pour au moins trois raisons.

    Premièrement, la KUL estime que dans l’accord actuel, des mesures de défense commerciale risquent d’être mises en œuvre par l’une ou l’autre partie. En effet, les deux parties peuvent prendre des mesures antidumping et antisubventions (tarifs) comme le prévoient respectivement l'article 6 et l’article 19 de l'OMC. En pratique, cela signifie qu'une partie peut fixer unilatéralement des droits de douane chaque fois qu'il est démontré que l'autre partie pratique le dumping sur son marché ou subventionne ses exportations, ou bien encore lorsque l’une des parties dispose d’éléments démontrant qu’un dommage grave est infligé par l’autre partie à une branche de son économie.

    La KUL estime que l’incertitude liée à ces mesures potentielles constitue un frein aux échanges commerciaux.

    Deuxièmement, l’accord de commerce conclu entre le Royaume-Uni et l’UE n’évite pas la problématique liée aux règles d’origine. Le commerce libre de droits entre le Royaume-Uni et l'UE27 n'est autorisé que si les produits commercialisés satisfont à un minimum de production « propre ». C'est pourquoi les tarifs continuent de s'appliquer à de nombreux produits à teneur « étrangère », au-dessus d'un certain pourcentage de la valeur du produit. Dans le monde actuel où prévalent une économie et des chaînes de valeur mondiales, avec de nombreux produits partiellement « fabriqués » en Chine, en Turquie, au Japon (ou ailleurs en dehors de l'Europe), des tarifs s'appliqueront à certains échanges entre le Royaume-Uni et l'UE.

    Troisièmement, chaque partie peut fixer ses propres standards en termes de normes de produits, de normes environnementales, de normes sanitaires. Ceci est particulièrement dangereux pour le libre-échange des produits agroalimentaires où des tarifs pourraient être appliqués si les conditions ne sont pas remplies.

    Selon les règles de l’OMC qui sont aussi en vigueur dans l’accord UE-UK, chaque partie a le droit de prendre des mesures « (...) pour protéger la santé humaine, animale, végétale ou environnementale ».

    Pour l’instant, les normes entre le Royaume-Uni et l’Union européenne sont identiques, mais, à l’avenir, l’un ou l’autre partenaire pourrait unilatéralement décider d’en changer s’il le juge nécessaire ou souhaitable.

    Et si un produit ne répond pas aux normes, des tarifs sont imposés, même dans le cadre de l'accord.

    La KUL estime que l'accord UE-UK actuel risque d’évoluer dans les années à venir, que la porte est grande ouverte aux différends commerciaux et que la gestion des relations avec le Royaume-Uni nécessitera temps et énergie. Il conviendra donc d’être attentifs.

    En Wallonie, des secteurs tels que la pharmacie, l’aéronautique et le secteur agroalimentaire connaissent déjà des perturbations ; les services juridiques et comptables, le commerce de détail et le secteur Alimentation, Boissons & Tabac également.

    De manière générale, cette étude démontre que tous les secteurs sont ou seront touchés à des degrés divers. Pour atténuer cet impact, l’AWEx a mis en œuvre un éventail d’aide auxquelles les entreprises peuvent déjà faire appel et prévoit un second train de mesures spécifiques qui seront mises en œuvre dans les prochaines semaines.

    Mais, comme je l’indiquais il y a quelques semaines, il nous faudra attendre de disposer des statistiques du commerce extérieur de la Wallonie avec le UK pour avoir une idée plus précise de l’impact réel. Encore faudra-t-il pouvoir faire la distinction entre l’impact dû au Brexit et celui dû à la crise sanitaire.