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L'utilisation des biocarburants en Belgique

  • Session : 2020-2021
  • Année : 2021
  • N° : 384 (2020-2021) 1

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  • Question écrite du 26/03/2021
    • de DESQUESNES François
    • à HENRY Philippe, Ministre du Climat, de l'Energie et de la Mobilité
    Si la politique des biocarburants relève du niveau fédéral, il n'en reste pas moins vrai que l'ensemble des entités de notre pays doit remplir l'objectif de développement des énergies renouvelables.

    Actuellement, l'UE autorise toujours l'utilisation des biocarburants de première génération.

    Pourtant, cela pose des questions sur le plan éthique, environnemental ou social.

    Dans une carte blanche parue récemment et cosignée par des représentants notamment du CNCD 11.11.11, d'Oxfam, de Greenpeace, d'IEX, et cetera, il était expliqué qu'en Belgique, les biocarburants ont été utilisés au maximum et que les régions « jouent un rôle important pour mettre fin à cette politique destructrice et coûteuse ».

    Quelle évaluation Monsieur le Ministre fait-il de l'utilisation de biocarburants dans notre pays ?

    Dans cette même carte blanche, les auteurs reviennent sur une évaluation récente de la politique des biocarburants commandée par nos Gouvernements. Peut-il nous en dire davantage sur cette évaluation ?

    De quelle manière la Wallonie a-t-elle été impliquée dans cette évaluation ?

    Quel est l'état des discussions à ce sujet entre les différentes entités de notre pays ?

    Existe-t-il un contrôle strict quant à l'utilisation de ces biocarburants ?

    Y a-t-il une nécessité selon Monsieur le Ministre de créer un label pour l'utilisation de biocarburants qui respecteraient des critères stricts en ce qui concerne les enjeux éthiques, environnementaux, énergétiques, et cetera ?

    Quelle est sa position sur ce sujet ?

    Quels devraient être ces critères selon lui ?

    Quelle est son analyse de la situation et sa position quant à la place de ces biocarburants dans les objectifs renouvelables à relever en Belgique ?
  • Réponse du 19/04/2021
    • de HENRY Philippe
    Je vais tenter de répondre à cette question même si, comme l’indique l'honorable membre lui-même, la politique des biocarburants relève du niveau fédéral.
     
    C’est d’ailleurs l’administration fédérale qui a piloté l’étude Biocarburants dans le cadre du Plan Nationale Energie Climat. L’étude se concentrait sur la part d’énergie renouvelable de la consommation finale énergétique dans le secteur du transport, en particulier sur les taux d’incorporation de biocarburants durables dans les carburants destinés au transport routier.
     
    La Wallonie, comme les autres régions, a été associée par la participation de son administration aux comités d’accompagnement de l’étude. Actuellement, il n’y a pas de discussion spécifique entre les entités sur cet aspect en ce moment.
     
    Cette étude a été finalisée et publiée dans le courant du mois de février dernier. Elle est disponible sur le site du SPF Economie Biocarburants dans le cadre du Plan national énergie-climat - étude n° USD67370 | SPF Economie (fgov.be) et ses messages clés principaux sont les suivants :
     
    Les régions s’attendent à une diminution de l’énergie totale consommée et notamment à une transition de l’utilisation, dans les véhicules légers, du diesel vers l’essence, entrainant :
    - une augmentation de 6 % de l’utilisation, en énergie, de l’essence entre 2020 et 2030
    - une diminution de 39 % de l’utilisation, en énergie, du diesel entre 2020 et 2030 ;
    - une augmentation de 51 % de l’utilisation, en énergie, du bioéthanol consommé entre 2020 et 2030.
    - une diminution de 32 % de l’utilisation, en énergie, du biodiesel entre 2020 et 2030 dont :
    * une diminution de 34 % de biodiesel de type FAME
    * une diminution de 25 % de biodiesel de type HVO
     
    Ces évolutions sont intéressantes : en effet, l’huile de palme et de soja sont les matières premières les plus nocives pour l’environnement, mais la sortie de l’huile de palme et, dans un second temps, de l’huile de soja pourra être compensée par la diminution attendue de l’utilisation de diesel et par une légère augmentation de l’utilisation d’huile de colza en 2030.
     
    L’augmentation concomitante de la consommation d’éthanol doit favoriser le blé belge et la betterave européenne lesquels ont des impacts raisonnables sur l’environnement et émettent moins de CO2 lors de leurs transports. Ces matières premières ont également pour atout la diversification des filières belges et européennes.
     
    Enfin, on constate également que l’impact des biocarburants sur le prix du carburant à la pompe est limité.
     
    Comme on peut le constater, cette étude apporte des éléments intéressants et permet de répondre à certaines des questions.
     
    Depuis le début de leur utilisation, les biocarburants doivent répondre à un cahier des charges précis afin d’en garantir la durabilité. Ces critères de durabilités sont prévus par la Directive renouvelable et se renforcent dans le temps. Ils sont transposés en droit belge par le gouvernement fédéral. Les biocarburants qui ne respectent pas ces dispositions ne peuvent pas être pris en compte pour l’objectif renouvelable. Il ne me semble donc pas nécessaire de créer un label supplémentaire. De plus, la directive ne se contente pas d’énumérer des critères, mais elle prévoit également des conditions strictes pour la vérification du respect de ces critères de durabilité.
     
    De plus, la directive impose de tenir compte de l’impact ILUC (Indirect Land Use Change), soit le changement indirect d’affectation des terres causées par les biocarburants, et ce, afin d’assurer l’élimination progressive au niveau européen des biocarburants à haut risque tels que l’huile de palme.
     
    Dans ce contexte, la directive permet même aux états membres d’opérer une distinction entre les biocarburants produits à partir de cultures alimentaires sur la base des chiffres ILUC, par exemple en fixant une limite inférieure pour les biocarburants produits à partir de plantes oléagineuses.
     
    Sur la base de cette étude et dans la cadre de la législation européenne, il est donc possible de réduire le recours à l’huile de palme et à l’huile de soja compte tenu de leurs impacts nocifs sur les émissions de gaz à effet de serre, l’ILUC et la déforestation. L’huile de tournesol et de colza ont également des impacts sur l’environnement et on devra privilégier l’utilisation de matières premières venant de Belgique et d’Europe afin de diminuer les émissions liées à leur transport.
     
    En ce qui concerne le conflit d’usage avec la nourriture, la directive prévoit un plafond dans l’utilisation des biocarburants de première génération. De plus, le bioéthanol peut être produit au moyen de ressources locales qui contribuent à diversifier les filières de ressources de nos agriculteurs. Dans cette filière, il faudra donc plutôt travailler sur l’origine des matières premières.
     
    Pour conclure, comme pour toutes les problématiques énergétiques, il faut éviter les caricatures. À l’heure actuelle, les biocarburants font partie des solutions pour décarboner notre consommation énergétique. Certains, plus néfastes doivent être éliminés à terme ; mais d’autres peuvent être utilisés à condition de respecter les plafonds et les critères de durabilité européens. Dans ce contexte, je tiens également à attirer l'attention sur les bioCNG qui constituent une alternative à soutenir.
     
    Enfin, soulignons que dans le secteur du transport, comme dans tous les autres, les premières mesures doivent viser la réduction de la consommation, par exemple en réduisant le poids des véhicules, en soutenant le transfert modal ou encore en poursuivant le télétravail.