/

L'attractivité de la Belgique sur le plan digital et le manque de data center

  • Session : 2020-2021
  • Année : 2021
  • N° : 361 (2020-2021) 1

2 élément(s) trouvé(s).

  • Question écrite du 29/03/2021
    • de SOBRY Rachel
    • à BORSUS Willy, Ministre de l'Economie, du Commerce extérieur, de la Recherche et de l'Innovation, du Numérique, de l'Aménagement du territoire, de l'Agriculture, de l'IFAPME et des Centres de compétences
    Au début du mois de mars, la société Arcadis, spécialisée dans le conseil en infrastructures, environnement et construction, a placé la Belgique en 32e position sur 50 dans le classement des pays les plus attractifs pour les entreprises en ce qui concerne l'installation de centres de données.

    Suite notamment aux nouvelles habitudes de travail et de divertissement engendrées par la crise sanitaire, la demande numérique ne cesse d'augmenter dans notre région : e-commerce, démarches administratives en ligne, consultations médicales à distance, visioconférences, télétravail, streaming, gaming, etc. Derrière cette numérisation se cachent les centres de gestion de données, mieux connus sous le nom de data center, sans quoi aucune information ne pourrait être échangée ou stockée en ligne.

    Bien que certains acteurs importants développent de nouveaux centres de données dans notre région, comme Google à Saint-Ghislain, l'offre en data center reste jugée trop faible. Leur développement est freiné par divers facteurs, dont le manque de connectivité directe en fibre optique avec les États-Unis.

    Certains pays européens, comme la Suède, la Norvège et la France (respectivement 4e, 5e et 9e) sont nettement mieux classées que la Belgique. D'après Peter Toulet, Data center expert chez Arcadis Belgique, notre pays a besoin d'un programme d'investissement massif dans le secteur. La solution pourrait également passer pas les edge data center, soit de plus petits centres qui relaient les informations et les données et permettent de pallier les problèmes de congestion du réseau qui engendrent une latence.

    Sachant que Monsieur le Ministre est particulièrement attentif à ce sujet, notamment via la stratégie numérique Digital Wallonia mise en place pour 2021 à 2024, j'ai plusieurs questions à lui poser.

    Quel est son regard quant à ce classement publié par Arcadis ?

    Y a-t-il un plan d'action concret en ce qui concerne les data center ?

    Combien y en a-t-il en Wallonie ?

    La solution passera-t-elle par le développement d'edge data center ?

    Le manque de connectivité directe par fibre optique avec les États-Unis est-il le talon d'Achille du développement digital de la Wallonie et de la Belgique dans son ensemble ?
  • Réponse du 19/04/2021
    • de BORSUS Willy
    Cette question qui me donne l’opportunité de m’exprimer sur les points forts des infrastructures numériques de la Wallonie.
     
    Tout d’abord, il me paraît important de rappeler que l’étude proposée par Arcadis (https://datacenters.arcadis.com/locationindex/p/1) n’est pas liée à un classement de la qualité des infrastructures ou de l’intérêt d’en développer, mais concerne une analyse sur la facilité d’en créer de nouvelles sur les territoires identifiés, en l’occurrence la Belgique.
     
    Le classement effectué par Arcadis est basé sur le croisement de 8 dimensions :
    - la santé économique du pays,
    - la facilité d’obtention d’un permis de bâtir,
    - le coût de l’énergie,
    - la qualité de l’approvisionnement énergétique,
    - une mesure du niveau de Cybersécurité,
    - la taille du marché domestique (en biens/services consommés),
    - le nombre d’abonnements internet mobile, et enfin
    - la médiane du débit disponible en téléchargement.
     
    À l’analyse, notre pays obtient des scores inférieurs à 50 % sur les éléments suivants :
    - le coût de l’énergie,
    - le nombre d’abonnements internet mobile haut-débit,
    - la taille du marché domestique.
     
    À l’inverse, nous obtenons d’excellents résultats sur les métriques tels que :
    - la qualité de l’approvisionnement énergétique,
    - le niveau de Cybersécurité,
    - le débit disponible au téléchargement.
     
    En résumé, la Belgique manque d’attrait pour les investissements en matière de Datacenter, car notre électricité coûte trop cher, nos usages mobiles sont encore trop peu développés et notre marché intérieur est trop petit pour atteindre de bons rendements économiques (comparés à d’autres parties du monde). L’étude montre également que nous pourrions faire plus simple quant à la simplicité d’obtention de nos permis de bâtir.
     
    Donc, que retenir de tout ceci ? Que ce classement pose un regard principalement sur la rentabilité en matière d’investissement pur et non pas sur l’opportunité réelle de créer des data centers pour répondre aux besoins de la population « locale ».
     
    En ce qui concerne le choix ou non des « Big Tech » d’installer ou non des data centers sur notre territoire, il s’agit d’une question qui s’inscrit dans leur stratégie globale à l’échelle du monde. La Wallonie peut en l’occurrence favoriser de telles implantations, comme cela a été le cas avec Google à Mons. En l’occurrence, la branche « investissements étrangers » de l’AWEX a produit un document présentant les avantages de la Wallonie pour ce type d’infrastructures. On peut le trouver sur site web à l’adresse : http://fr.investinwallonia.be/votre-projet/implanter-un-data-center.
     
    Le cas échéant, une telle décision doit évidemment faire l’objet d’une décision politique.
     
    Avec mon collègue du Gouvernement fédéral Mathieu Michel, j’assure le suivi d’initiatives européennes telles que le projet GAIA-X qui vise la création de synergies public/privé avec nos industriels.
     
    Ceux-ci auront également besoin de notre soutien pour mettre en œuvre un cloud européen robuste, au service de notre économie. Ce cloud nécessitera de constituer une infrastructure de qualité, et à cet égard, je pense que la Wallonie a un rôle à jouer !
     
    Le plan d’action que l'honorable membre appelle de ses vœux doit se construire en bonne coordination avec les autres niveaux de pouvoirs. Nous nous inscrivons, bien évidemment, dans une politique volontariste en la matière. À ce stade nous disposons déjà de 7 data centers, dont certains accessibles à la colocation :
    * 4 en Province de Liège : Interoute Liege et Network Research Belgium (parc industriel des Hauts-Sarts), le WDC (Villers-le-Bouillet) et le Belgium Data Center (Villers-le-Bouillet, partenariat NRB/Etix Anywhere) ;
    * 1 au sein du parc scientifique Crealys (Gembloux), réalisé par COFELY INEO (Groupe GDF Suez) ;
    * 1 à Saint-Ghislain (Mons), réalisé et opéré par Google ;
    * 1 à Vaux-sur-Sure réalisé par BNP Paribas.
     
    Par ailleurs, la Wallonie dispose d’atouts en matière de terrains disponibles (nous avons 18 sites pré-équipés) et de connectivité grâce notamment au réseau de fibre optique de la SOFICO. J’ai d’ailleurs accéléré l’équipement en fibre optique des parcs d’activité économique dans le cadre du programme Giga Région de Digital Wallonia
    (https://www.digitalwallonia.be/fr/publications/fibre-optique-257-zonings).
     
    Il est par ailleurs intéressant de souligner que de nombreuses entreprises wallonnes du secteur du numérique sont potentiellement des sous-traitants spécialisés pour les activités induites par les data centers : cybersécurité, IA, CalUl Haute Performance, Industrie du Futur,… Ces domaines de spécialisation ont d’ailleurs été mis en évidence par l’Agence du Numérique dans le cadre des travaux de spécialisation S3 de la Wallonie, sur base de la cartographie du secteur mise en œuvre sur la plateforme Digital Wallonia
    (https://www.digitalwallonia.be/fr/publications/s3-priorites-wallonie).
     
    En ce qui concerne la technologie du Edge Computing, il ne s’agit pas à proprement parler d’une question directement liée aux data centers. L’idée du Edge Computing est précisément de garder au plus près des équipements techniques concernés la puissance informatique nécessaire à leur fonctionnement, notamment pour éviter trop d’aller-retour vers les data centers. Un exemple typique est la voiture autonome. Celle-ci sera elle-même une infrastructure d’Edge Computing afin de réaliser toutes les opérations en temps réel nécessaire à son fonctionnement. Elle se connectera au Cloud Computing « traditionnel » d’un data center pour les synchronisations de données et des opérations nécessitant une puissance informatique importante.
     
    Le cas échéant, on verra donc également une « distribution » du cloud au travers, par exemple, de « petits » data centers intermédiaires permettant de raccourcir le trajet entre les consommateurs de données et le fournisseur. À charge pour ce dernier de gérer correctement la distribution des données dans ces environnements de proximité. Cette technologie est déjà largement employée par les opérateurs de télécommunications, car elle permet de diminuer le trafic récurant sur l’épine dorsale (backbone) du réseau.
     
    La tendance du tout au cloud se renforçant, il est donc logique pour ces mêmes opérateurs de densifier les nombres d’edge data centers pour rapprocher les lieux de transit de données des clients finaux. Il s’agit donc d’une stratégie strictement technique et de différenciation de qualité de service qui ne doit à mon sens pas faire l’objet d’un arbitrage politique.
     
    Quant à la fibre optique intercontinentale, il me semble qu’une réponse strictement wallonne ou belge à cette question serait inadéquate et que c’est au niveau européen qu’il faut construire une solution.
     
    Ceci étant, à notre échelle, inciter les différents acteurs à renforcer le maillage du réseau fait partie des lignes de force que je soutiens dans le cadre de notre stratégie numérique Digital Wallonia.