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Le "procès climat"

  • Session : 2020-2021
  • Année : 2021
  • N° : 399 (2020-2021) 1

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  • Question écrite du 30/03/2021
    • de DESQUESNES François
    • à HENRY Philippe, Ministre du Climat, de l'Energie et de la Mobilité
    Il y a quelques jours, le "procès climat" initié en 2015 par l'ASBL "Affaire Climat - Klimaatzaak" débutait en Belgique. Ainsi, 62 000 plaignants réclament aux gouvernements des différentes entités de transformer en actions leurs promesses de réduction des émissions de gaz à effet de serre. L'avocate de l'ASBL explique que notre pays n'a pas respecté ses engagements de réduction des émissions.
     
    On sait qu'auparavant, les Pays-Bas ont été condamnés pour inaction climatique.
     
    Quelle analyse Monsieur le Ministre fait-il de cette situation ?
     
    De quelle manière réagit-il à cette action en justice ?
     
    Est-il en contact sur cet enjeu avec ses collègues et homologues des autres entités ?
     
    Quelle est la position défendue par notre Région dans le cadre de ce procès ?
     
    Quels sont les risques encourus par notre Région au terme de cette procédure ?
  • Réponse du 30/04/2021
    • de HENRY Philippe
    Le procès climat a été initié début 2015 contre l’État fédéral et les trois Régions, en vue de les contraindre à diminuer les émissions de gaz à effet de serre de la Belgique.
     
    Début 2015, la lutte contre le changement climatique était à un tournant et l’introduction d’une action en justice, comme aux Pays-Bas, apparaissait utile pour mettre en lumière cet enjeu essentiel.
     
    En effet, au niveau international, le nouvel instrument appelé à remplacer le Protocole de Kyoto pour relancer la cohésion internationale n’existait pas encore et restait incertain. L’Amendement de Doha au Protocole de Kyoto portant sur la période 2012-2020 n’était pas en vigueur non plus.
     
    Au niveau européen, le paquet climat-énergie avait été adopté en 2008, et fixait les objectifs 3 x 20 pour la période 2012-2020. Un objectif de réduction d’au moins 40 % des émissions pour 2030 était annoncé, mais n’était pas encore concrétisé.
     
    Au niveau belge, aucun accord politique n’était encore intervenu pour répartir les efforts imposés par l’Europe pour 2020.
     
    En revanche, au niveau wallon, le décret climat du 20 février 2014 affichait déjà l’ambition de réduire les émissions de gaz à effet de serre de 30 % pour 2020 (par rapport à 1990).
     
    Depuis le début du procès, le contexte politique et juridique a évolué.
    - L’accord de Paris du 12 décembre 2015 est entré en vigueur en 2016.
    - La Déclaration de politique régionale de 2019-2024 prévoit de diminuer les émissions de 55 % d’ici 2030 sur le territoire wallon (toujours par rapport à 1990).
    - Au niveau européen, dans la foulée du Green Deal, ce même objectif de réduction de 55 % des émissions pour 2030 a remplacé l’objectif des moins 40 %.
    - Le Fédéral et la Région bruxelloise affichent des objectifs ambitieux similaires dans leur accord de gouvernement.
     
    Ce procès climat permet de maintenir l’attention médiatique sur le changement climatique, ce qui est aussi nécessaire aujourd’hui qu’en 2015.
     
    Lors des plaidoiries, la Wallonie s’est défendue sur le plan juridique dans le but notamment d’éviter une condamnation à payer des astreintes si les objectifs belges ne sont pas atteints. Nous avons ainsi exposé que, jusqu’à présent, l’objectif du décret climat est parfaitement atteint. Les engagements wallons de réduction sont donc respectés. De même, la Région wallonne a respecté ses objectifs de réduction dans le cadre du burden sharing de la période 2008-2012 et respecte actuellement sa trajectoire de réduction dans le cadre du burden sharing 2013-2020.
     
    Ceci étant, l’objectif de réduction pour 2030 est particulièrement ambitieux et demandera des efforts de tous les secteurs pour être atteint. À cet égard,le PACE 2030 sera revu dans la foulée du panel citoyen actuellement en préparation.
     
    En termes de conséquences, la Belgique pourrait être condamnée. En effet, dans un contexte similaire, les Pays-Bas ont été condamnés à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre au minimum de 25 % (par rapport à 1990) pour fin 2020. En France, un premier jugement dans l’Affaire du siècle lui impose de réduire les émissions à hauteur de ses propres engagements. Si la Belgique est également condamnée et si cela aboutit à la mise en place d’une politique climatique plus efficace, j’estimerai ce résultat positif, surtout si cela permet d’améliorer la coopération intrabelge.
     
    En revanche, si la Belgique est condamnée à réduire ses émissions de 48 % en 2025 et 65 % en 2030, ce qui correspond au maximum demandé par les requérants dans leur plainte, nous serions face à un objectif 2030 qui, quelle que soit la volonté politique, serait très probablement hors de portée, en l’absence de saut technologique majeur.
     
    Le jugement est annoncé pour le début du mois de juillet 2021 au plus tard.