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Le mécanisme de présomption de conformité prévu par l'article D.VII.1erbis du Code du développement territorial

  • Session : 2020-2021
  • Année : 2021
  • N° : 381 (2020-2021) 1

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  • Question écrite du 06/04/2021
    • de COURARD Philippe
    • à BORSUS Willy, Ministre de l'Economie, du Commerce extérieur, de la Recherche et de l'Innovation, du Numérique, de l'Aménagement du territoire, de l'Agriculture, de l'IFAPME et des Centres de compétences
    L'article D.VII.1erbis du Code du développement territorial prévoit l'application d'un mécanisme de présomption de conformité, applicable notamment aux logements créés avant le 20 août 1994. Les « actes et travaux » réalisés ou érigés avant cette date sont irréfragablement présumés conformes au droit de l'aménagement du territoire et de l'urbanisme.
     
    Dans de nombreux cas, les personnes qui invoquent l'application de cette disposition n'étaient pas propriétaires de l'immeuble ou du bien au moment de sa division. Il est admis que la preuve de la date de création du ou des logement(s) est libre et peut être apportée par toute voie de droit.
     
    Or, les pratiques administratives sont disparates et varient fortement d'une autorité à l'autre ce qui crée de l'insécurité juridique pour les citoyens et un risque de rupture du principe de l'égalité de traitement.
     
    Ainsi, la pratique de certaines autorités de refuser toute valeur probante aux relevés de ménages établis par les services communaux antérieurs à 1994 parait-elle légalement admissible pour Monsieur le Ministre, en particulier lorsque d'autres pièces – par exemple de type témoignages – sont produites ?
     
    La pratique de certaines autorités d'exiger la preuve de la date de la réalisation d'une division « physique » du bâtiment (par des factures, des relevés cadastraux souvent inexistants…) parait-elle acceptable pour lui et légalement admissible alors que l'acte de créer un logement supplémentaire est soumis à permis d'urbanisme, en tant que tel, depuis le 20 août 1994 et indépendamment d'éventuels travaux de transformation ?
  • Réponse du 27/04/2021
    • de BORSUS Willy
    En droit, la valeur probante des éléments déposés au dossier ne varie pas en fonction du type de procédure initiée (procédure pénale, civile ou administrative).
     
    En revanche, le principe de la liberté d’appréciation du mode de preuve en matière répressive est consacré par la Cour de cassation (Cass., 12 décembre 2006) qui précise que le juge en matière pénale apprécie librement la valeur probante des éléments qui ont été transmis régulièrement et que les parties ont pu contredire. Ce principe vaut également pour la preuve de l’existence d’un permis d’urbanisme qui ne constitue pas l’enjeu d’un contentieux administratif entre l’autorité et l’administré, mais que le prévenu invoque à son profit comme moyen de défense contre l’action publique mise en mouvement du chef de construction ou de maintien de construction sans autorisation préalable.
     
    Le Conseil d’État (C.E., n° 229 056, 4 novembre 2014) s’est, lui-même, prononcé sur ce principe de liberté d’appréciation du mode de preuve dans le cadre du contentieux administratif en matière de permis d’urbanisme. Ainsi, le Conseil d’État reconnaît « l’attestation circonstanciée » témoignant de l’existence d’actes et travaux.
     
    En réalité, l’autorité doit confronter les informations rapportées par l’attestation aux autres éléments du dossier, et ce afin de respecter ses devoirs de minutie et de motivation. En cas d’incertitude en raison de contradictions, l’autorité peut décider, en opportunité, d’accorder plus de crédit aux documents émanant du cadastre qu’à une attestation, sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation.
     
    En matière pénale, la charge de la preuve incombe à l’autorité publique. Lorsque l’autorité publique invoque une infraction, elle doit en rapporter la preuve. Les personnes compétentes pour constater une infraction doivent réunir les éléments établissant que les actes et travaux querellés sont constitutifs d’infraction avant de dresser procès-verbal. Par ailleurs le Ministère public dans le cadre de son information judiciaire, réunira les éléments permettant d’établir l’infraction en questionnant au besoin les autorités compétentes.
     
    En revanche, dans le cadre d’une demande de permis, le Conseil d’État (C.E., n° 222 658, 27 février 2013) renverse cette charge de la preuve. Dans ce cas, c’est au demandeur de permis qui se prévaut de l’existence légale d’actes et travaux d’en apporter la preuve. Par ailleurs, le Conseil d’État (C.E., n° 239 691, 27 octobre 2017) précise que « le devoir de minutie, émanation du principe de bonne administration, a pour conséquence que, de manière générale, l’autorité est tenue d’avoir égard à l’ensemble des informations qui lui ont été fournies par le demandeur de permis ». Les motifs justifiant la décision de l’autorité compétente doivent permettre au demandeur de comprendre la raison pour laquelle les renseignements qu’il a fournis n’ont pas été pris en considération.
     
    La preuve de l’existence d’actes et travaux peut être rapportée par toute voie de droit : des factures relatives aux travaux, une attestation de conformité d’un organisme agréé, les documents relatifs à l’installation des compteurs d’eau, d’électricité ou de gaz, des états des lieux (d’entrée - de sortie), une anamnèse de l’occupation du logement (par exemple au moyen de l’historique des domiciliations), de vieilles photographies, etc. y compris le témoignage.
     
    Tout comme le juge, l’autorité administrative doit appliquer ces principes lorsqu’elle examine la situation juridique d’actes et travaux querellés en matière d’urbanisme. Il en va également ainsi dans l’appréciation devant être faite, d’une situation au regard de la présomption de conformité.