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La prolifération des bernaches du Canada

  • Session : 2020-2021
  • Année : 2021
  • N° : 324 (2020-2021) 1

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  • Question écrite du 06/04/2021
    • de BASTIN Christophe
    • à TELLIER Céline, Ministre de l'Environnement, de la Nature, de la Forêt, de la Ruralité et du Bien-être animal
    En quelques années, nous avons assisté dans la vallée mosane à une prolifération des bernaches du Canada. Cette espèce invasive a peu à peu chassé les espèces indigènes, notamment les colverts et la poule d'eau.
     
    Les nuisances ne se limitent pas aux autres oiseaux. La flore ne parvient plus à se régénérer. Des petites étendues d'eau sont polluées. Les agriculteurs se plaignent également de leur nuisance sur les champs qu'elles souillent en les emplissant de plumes lors des mues. Des plaines de jeux sont également salies, sans oublier que les promeneurs ne sont pas à l'abri des attaques des bernaches au moment de la nidification.
     
    Le Département Nature et Forêt n'a pourtant pas ménagé ses efforts afin de limiter la prolifération de l'espèce. Dans un premier temps, les méthodes douces ont été utilisées, notamment via l'euthanasie des œufs, sans toucher aux adultes et aux poussins. Cependant l'espérance de vie de l'oiseau, jusque 20 ans, et l'importance des populations nécessitent de passer à une vitesse supérieure.
     
    Madame la Ministre peut-elle faire le point sur les différentes actions menées ces deux dernières années (2019 et 2020) ?
     
    Les actions sont-elles menées sur l'ensemble du territoire ?
     
    À combien peut-être évaluée la population de bernaches actuellement en Wallonie ?
     
    Quelles sont les zones les plus touchées par la présence des bernaches ?
     
    Les actions afin de réduire, voire éradiquer, cette espèce invasive et néfaste pour notre biodiversité vont-elles être amplifiées ?
     
    Des actions afin de favoriser la réimplantation des espèces indigènes sont-elles envisagées ?
  • Réponse du 26/05/2021
    • de TELLIER Céline
    La Bernache du Canada, dont la prolifération en Wallonie remonte aux années 2000, est considérée comme l’espèce ayant les impacts écologiques et économiques les plus importants sur les 26 espèces d’oiseaux exotiques établies dans l’Union européenne. Ses impacts sont nombreux : dégradation des plans d’eau et augmentation de l’eutrophisation, dommages sur les cultures agricoles (blé et colza en particulier), compétition avec les autres oiseaux, vecteur de maladies, collisions avec des avions, etc.
     
    Dans un premier temps, je tiens à rappeler que le maximum de possibilités d’action pour maîtriser les populations de ces oiseaux est bien prévu sur le plan réglementaire :
    - la période de chasse fixée est la plus longue possible compte tenu des contraintes liées à la directive européenne sur la conservation des oiseaux sauvages (celle-ci nous oblige en particulier de ne pas chasser les oiseaux en période de nidification et de dépendance des jeunes) ;
    - les mesures existantes en application de la Loi sur la chasse offrent des possibilités d’agir avec d’autres moyens que ceux habituellement autorisés par la chasse, dont la neutralisation des œufs et la capture-euthanasie. Ces actions peuvent avoir lieu toute l’année sur les principaux sites de nuisances (champs, prairies, espaces verts…) en invoquant une dérogation prévue au niveau de la directive oiseaux lorsqu’il s’agit de périodes où la chasse n’est pas autorisée.
     
    Les actions de régulation de cette espèce reposent sur une approche combinée axée sur 3 volets :
    - une action de fond sur l’ensemble du territoire via la chasse ;
    - des actions ciblées sur les sites principaux de nidification par neutralisation des œufs ;
    - des actions ciblées sur les principaux sites de mue, via de la capture/euthanasie.
     
    Comme démontré par des études menées notamment en Flandre, cette approche combinée est indispensable pour agir efficacement sur les populations. Les actions ciblées sont mises en œuvre depuis plusieurs années par l’administration (2012 pour les œufs et 2016 pour les captures).
     
    En 2019, les 3 volets ont été mis en œuvre avec notamment 779 œufs neutralisés (182 nids) en Haute-Meuse par les agents du DNF et 500 individus capturés et euthanasiés par le DNF et le service de piégeage rat musqué, en collaboration avec le Contrat rivière Haute-Meuse. En 2020, la situation sanitaire n’a pas permis de réaliser des captures.
     
    L’action de chasse de l’espèce est menée sur l’ensemble du territoire, mais avec une prévalence supérieure au nord du Sillon Sambre et Meuse. Les autres actions de régulation menées par mon administration ont lieu principalement en Haute-Meuse.
     
    Une mise à jour de l’état de la population en Wallonie devrait être réalisée par mon administration en collaboration avec l’association Aves. Plusieurs outils existent pour suivre les populations de ce type d’espèce, mais une analyse récente manque. La dernière estimation par calcul de tendance en 2015 a estimé la population à environ 7 000 individus (intervalle de confiance : 4.300-11.200). Spécifiquement sur la Haute-Meuse des inventaires précis sont menés par l’IRSCNB et montrent que la population a chuté de plus de 50 % suite aux actions de gestion (810 individus en 2020 pour 1770 en 2015).
     
    Historiquement, la Haut-Meuse est la zone la plus touchée par la présence de cette espèce. Néanmoins, suite d’une part aux actions initiées spécifiquement sur cette partie du territoire et d’autre part à l’extension géographique de l’espèce, des noyaux importants sont maintenant présents sur d’autres cours d’eau comme l’Ourthe, la Basse-Meuse, la Semois ou de grands plans d’eau comme les lacs de l’Eau d’Heure.
     
    Les actions menées en Haute-Meuse montrent qu’il est clairement possible d’infléchir la dynamique de l’espèce et de ramener les populations sous un seuil de nuisances acceptables.
    Mon administration vise à poursuivre, dès cette année, les actions menées en Haute-Meuse. J’y apporterais mon soutien notamment en dégageant les moyens financiers nécessaires et via une communication générale sur la thématique des espèces exotiques envahissantes.
     
    Je compte également demander à mon administration de mettre à jour le plan d’action élaboré en 2013 et qui visait spécifiquement la Haute-Meuse afin de pouvoir étendre les actions sur cette espèce.
    Je ne peux également qu’encourager les agriculteurs/chasseurs qui sont concernés par des dommages liés à cette espèce à mettre en œuvre les démarches pour la réguler.