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La pollution diffuse dans la vallée de la Vesdre perturbant le maraîchage biologique

  • Session : 2020-2021
  • Année : 2021
  • N° : 328 (2020-2021) 1

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  • Question écrite du 06/04/2021
    • de KELLETER Anne
    • à TELLIER Céline, Ministre de l'Environnement, de la Nature, de la Forêt, de la Ruralité et du Bien-être animal
    Madame la Ministre a récemment stimulé le soutien à 46 projets d'alimentation durable pour rendre la Région wallonne plus souveraine et résiliente sur le plan alimentaire. C'est une excellente initiative.
     
    Dans la région de Verviers, plusieurs opérateurs m'ont contacté concernant une pollution des sols aux métaux lourds. Ces dernières années, les laboratoires d'analyses sensibilisent fortement aux risques de pollution. Le constat est assez alarmant, le bassin Liégeois et plus principalement les vallées de la Meuse et de la Vesdre indiquent des valeurs critiques en cadmium, plomb et zinc. Le cadmium et le plomb pouvant être préjudiciables à la santé humaine en fonction de la quantité ingérée. Cette problématique impacte principalement les cultures de légumes feuilles et racines, qui sont des produits essentiels dans une stratégie d'alimentation durable.
     
    Le foncier est déjà un élément critique du développement de nouvelles unités de productions sur le territoire. Les pollutions complexifient encore cet accès.
     
    Les solutions actuelles sont limitées, très longues (phytoremédiation) ou très onéreuses (remplacement des terres).
     
    L'analyse des sols et l'analyse des légumes semblent être les seules stratégies établies face à cette problématique pour soutenir le lancement ou la continuité des exploitations concernées.
     
    La SPAQuE a mené une recherche dont certaines conclusions sont :
    « vallées de la Meuse et de la Vesdre
    La présence en quantité importante de cadmium, plomb, antimoine et zinc dans les sols des vallées de la Meuse et de la Vesdre est liée à l'histoire industrielle de cette région, notamment l'implantation des industries de métallurgie des métaux non ferreux. En particulier, les retombées atmosphériques ont eu un effet déterminant sur les concentrations retrouvées dans les sols. Par contre, d'autres métaux, tels que le chrome, le cuivre, le mercure et le nickel, sont retrouvés en plus faible quantité. Les concentrations en composés organiques sont faibles, à l'exception de la présence des HAP dans l'agglomération de Liège qui peut être liée à l'utilisation intensive, industrielle et domestique, de combustibles fossiles. »
     
    Quelle est l'analyse de la situation de Madame la Ministre ?
     
    Pourrait-elle nous dire s'il existe des aides publiques pour les maraîchers pour les aider à remédier à cette situation, de la SPAQuE ou d'autres opérateurs ?
     
    La SPAQuE dispose-t-elle d'expériences de dépollution qui ont réussi ?
     
    Existe-t-il des aides en phytoremédiation ?
     
    A-t-elle des propositions à formuler à ces maraîchers ?
     
    Pourrait-elle nous informer d'un point de contact au sein de la SPAQuE et/ou de son administration ?
     
    Quelle vision stratégique peut être envisagée pour les années à venir ?
  • Réponse du 17/05/2021
    • de TELLIER Céline
    La problématique de la contamination diffuse des sols évoquée est bien connue. Elle fait partie de l’héritage du lourd passé industriel de la Wallonie, qui a été une des régions les plus productives au moment de la révolution industrielle.

    Cette contamination diffuse, présente au niveau de la région de Verviers, mais aussi dans d’autres communes (situées principalement dans le sillon Sambre-et-Meuse), fait l’objet d’une attention soutenue des autorités régionales depuis plusieurs années, à travers le financement d’études d’évaluation de la situation environnementale et des risques pour la santé humaine (études POLLUSOL 1 et 2 menées par la SPAQuE et études CAPASOL et SANISOL gérées par le SPW ARNE), mais également à travers l’adoption de dispositions réglementaires visant d’une part, à prévenir la pollution (essentiellement via les permis d’environnement et le suivi des matières valorisées sur les sols – déchets, terres excavées, etc.) et d’autre part, à améliorer la gestion et l’assainissement de la pollution des sols via le décret « sols ».

    Dans le cadre de l’étude POLLUSOL 2 menée de 2009 à 2015, le territoire de la Ville de Verviers a été investigué, comme celui de 9 autres communes de Wallonie, afin d’approfondir la connaissance de l’état de contamination des sols en zone de pollution atmosphérique de proximité (pollution diffuse). À partir des 35 analyses de sols et des 107 analyses de légumes obtenues à Verviers auprès de jardiniers amateurs, une évaluation de l’exposition à la pollution diffuse a été réalisée, indiquant la présence significative de cadmium et de plomb.

    Toutefois, les experts toxicologues qui ont suivi cette étude ont conclu que, dans le chef de jardiniers amateurs, « les mesures faites […] ne permettent pas d’affirmer l’existence d’un risque pour la santé. […] »

    Cependant, par précaution, les mesures habituelles de prévention ont été recommandées (par exemple : épluchage et lavage à l’eau des légumes du jardin, retrait des chaussures et vêtements de travail à l’extérieur de la maison, lavage des mains et du visage en revenant du jardin…).

    Il faut aussi souligner que la contamination en métaux dans les légumes est fortement influencée par les conditions atmosphériques, tout particulièrement lors de certaines phases critiques du développement de la plante. Dès lors, d’une année à l’autre, les récoltes peuvent présenter des taux de contamination fort différents.

    Le suivi et le contrôle de la qualité des fruits et légumes produits et mis sur le marché relèvent des compétences des autorités fédérales (AFSCA et SPF Sécurité de la chaîne alimentaire). Toutefois, l’AFSCA n’est pas compétente en ce qui concerne la qualité des fruits et des légumes autoproduits dans les jardins privés.

    Dans ces conditions, le Service public de Wallonie (SPW ARNE - Direction de la Protection des Sols) accompagné de la SPAQuE, de l’Université Catholique de Louvain, de l’Université de Liège, des laboratoires d’analyses provinciaux et de l’Institut scientifique de services publics (ISSeP) ont développé un outil de conseils pour les citoyens, dénommé SANISOL (http://sanisol.wallonie.be).

    Cet outil, mis en ligne le 6 avril 2021 avec un accès gratuit, fournit des recommandations utiles en matière de pratiques culturales, au départ des résultats d’analyses de sols et/ou de légumes du potager. Même si l’outil a été conçu au départ pour les jardiniers amateurs, il peut aussi être utilement employé par les maraîchers à titre indicatif, étant donné qu’il n’a pas pour vocation de remplacer le contrôle de la qualité des légumes produits par les professionnels.

    À ce jour, aucune aide publique n’est prévue pour soutenir les maraîchers qui font face à un problème de contamination diffuse de leurs sols, autrement que les financements indirects qui sont dédiés à l’amélioration des connaissances de la qualité des sols, à l’évaluation des risques pour l’environnement et la santé et à l’encadrement des activités potentiellement polluantes, ces matières relevant des compétences de la Ministre de l’Environnement. Toute aide directe à la production agricole et horticole relève des compétences du Ministre de l’Agriculture.

    Il faut souligner que la situation environnementale de la Wallonie en la matière n’est pas différente de celle rencontrée dans de nombreux autres pays européens, qui sont aussi confrontés à la présence significative de métaux dans les sols du fait de dépôts atmosphériques diffus, et donc aux mêmes questions de santé environnementale.

    Le nouveau décret « sols » permet de recenser, via la Banque de données de l’état des sols (http://bdes.wallonie.be/), l’ensemble des sites qui ont fait l’objet d’investigations, qu’elles soient prises en charge par le secteur public (SPAQuE, SPW TLPE, autorités publiques) ou par le privé, et permet de donner une idée du nombre de parcelles pour lesquelles des informations sont déjà disponibles.

    À l’échelle parcellaire, la technique de remédiation la plus pratiquée reste l’excavation des sols, leur envoi en centres de traitement et leur remplacement par des terres saines. Cette technique a l’avantage d’être rapide et efficace, mais engendre des coûts souvent élevés au m² assaini et n’est dès lors pas une solution envisageable à grande échelle, que ce soit au niveau d’une commune ou d’un bassin industriel, pour des raisons évidentes de coûts disproportionnés.

    La technique de la phytoremédiation est moins coûteuse, mais elle n’est pas applicable et efficace dans toutes les situations de contamination diffuse des sols, le prélèvement de certains types de métaux lourds par les plantes n’étant pas toujours assuré, à tout le moins dans des délais raisonnables.

    Afin de mieux déterminer le potentiel de la phytoremédiation, mes services ont financé une étude menée par Valbiom qui vise à soutenir les porteurs de projets dans leur réflexion pour produire de la biomasse à destination énergétique et la SPAQuE pilote actuellement le projet Wallphy qui vise à valoriser des friches industrielles par la plantation de végétaux en vue de restaurer les fonctions biologiques de sites pollués.

    La mise en place de projets de phytoremédiation adaptés à chaque situation nécessite souvent la réalisation d’études et de tests préliminaires afin de déterminer les types de végétaux les plus efficaces et les mieux adaptés aux objectifs poursuivis et à la spécificité des contaminations observées, sans garantie de résultats probants à très court terme pour développer ou poursuivre une activité de maraîchage.

    C’est la raison pour laquelle la mise en place d’un mécanisme de soutien financier généralisé en faveur de la phytoremédiation comme solution aux problèmes des maraîchers reste difficilement envisageable.

    À l’inverse, la philosophie du projet SANISOL qui consiste à sélectionner la production de fruits et légumes la mieux adaptée aux sols pour limiter les risques au maximum, constitue très probablement une des réponses les plus appropriées à la problématique de la culture sur des sites présentant des concentrations significatives en éléments trace métalliques.

    C’est avec cet objectif que le développement de l’outil SANISOL doit se poursuit.

    Le Portail Environnement – Santé (http://environnement.sante.wallonie.be) reprend une information spécifique et des réponses aux questions fréquentes concernant les potagers.

    Par ailleurs, les utilisateurs de l’outil SANISOL peuvent faire appel à un helpdesk (sanisol@espace-environnement.be) pour toute question pratique.