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L'utilisation de matériaux biosourcés dans le secteur de la construction

  • Session : 2020-2021
  • Année : 2021
  • N° : 400 (2020-2021) 1

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  • Question écrite du 23/04/2021
    • de MAUEL Christine
    • à BORSUS Willy, Ministre de l'Economie, du Commerce extérieur, de la Recherche et de l'Innovation, du Numérique, de l'Aménagement du territoire, de l'Agriculture, de l'IFAPME et des Centres de compétences
    Le secteur de la construction représente une part importante des émissions de gaz à effet de serre en Wallonie. C'est pourquoi il est important de permettre à ce secteur de s'inscrire dans l'innovation et dans le développement durable.

    Les matériaux biosourcés représentent une partie de la solution tant au niveau environnemental qu'économique. D'une part, ils sont issus de ressources renouvelables proches et entraînent une faible consommation d'énergie pour leur production tout en étant un important capteur de CO2. D'autre part, ces matériaux peuvent être générateur d'emplois locaux et durables permettant de développer l'activité économique.

    Le cluster Eco-Construction a mis en place le label produit biosourcé regroupant quatre entreprises afin de permettre de recourir plus régulièrement à ce type de matériaux.

    Toutefois, un développement trop rapide d'une filière biosourcée engendrant une industrialisation du procédé et la création d'un volume important peut avoir des effets pervers, d'une part, car le secteur n'a pas encore atteint sa forme et, d'autre part, une industrialisation trop rapide peut se réaliser au détriment de la qualité du produit.

    Quelle est la position de Monsieur le Ministre sur le développement de cette filière ?

    A-t-il eu des contacts avec ce secteur ?

    Juge-t-il qu'un développement trop rapide pourrait avoir des conséquences sur la qualité du produit ?
  • Réponse du 06/05/2021
    • de BORSUS Willy
    Comme l’honorable membre le formule dans sa question, le secteur de la construction représente une large part des émissions de gaz à effet de serre en Wallonie et en Europe. Comme indiqué dans la stratégie Circular wallonia qui a été adoptée par le Gouvernement wallon à mon initiative, les émissions de gaz à effet de serre résultant de l’extraction des matériaux, de la fabrication de produits de construction, de la construction et de la rénovation des bâtiments représentent 5 à 12 % des émissions nationales en Europe.

    La Région s’est dotée d’un outil stratégique pour réduire drastiquement ces émissions au travers de sa Stratégie wallonne de rénovation à long terme, qui prévoit de conduire le parc de bâtiments résidentiels et tertiaires situés sur le territoire wallon vers une réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre de 95 à 100 % en 2050 par rapport à 1990.

    Le moteur principal de cette Stratégie est d’augmenter le taux de rénovation (actuel) de 1 % à 3 %. Afin de répondre à cette forte augmentation de la demande, le secteur de la construction devra renforcer son offre pour pouvoir relever ce défi ambitieux. En évoquant le secteur de la construction, c’est évidemment au sens large : il y a bien entendu les entreprises de construction, mais également les producteurs de matériaux, qui fournissent les matières nécessaires à l’isolation des bâtiments, à leur rénovation profonde, à leur reconstruction.

    Ces matériaux contribuent eux aussi aux émissions de gaz à effet de serre des bâtiments, d’autant plus que la part liée au chauffage est considérablement réduite dans les bâtiments à très haute performance énergétique. Dès lors, la part relative aux matériaux dans le bilan environnemental global des bâtiments a tendance à augmenter, et le choix des matériaux à utiliser dans la rénovation /construction revêt donc une importance croissante.

    Je confirme donc que les matériaux biosourcés sont une solution environnementale et économique très intéressante, d’autant que nous avons sur notre territoire un tissu très riche en la matière. J’en veux pour preuve le dynamisme du Cluster Ecoconstruction, figure de proue du secteur en Wallonie, qui a développé le label produit biosourcé que l’honorable membre évoque.

    Soutenir l’écoconstruction entraîne une multitude d’impacts positifs, notamment :

    - l’utilisation de matériaux locaux, qui sont issus de sources renouvelables ;

    - l’utilisation de matériaux biosourcés et géosourcés, qui apporte un soutien aux filières agricoles, sylvicoles et extractives de notre région ;

    - la création et le développement de filières biosourcées, qui permet une décarbonisation de la construction, qui, l’honorable membre l’a cité, est un des émetteurs principaux de CO2 ;

    - l’écoconstruction enfin, qui fait appel à des entreprises locales, créatrices d’emplois locaux et durables, pour la production de ces matériaux et leur intégration au sein de constructions neuves ou au sein de rénovations.

    De manière concrète, ces derniers mois, j’ai eu l’occasion à plusieurs reprises de réaliser des visites de terrain au sein d’entreprises du secteur, notamment Stabilame et Mobic, deux importants constructeurs de bâtiment en bois, mais aussi EcoLodge, un constructeur de modules en bois-paille. J’ai également, à l’occasion de réunions, été sensibilisé et informé par le secteur, via notamment le Cluster Eco-construction, réseau regroupant plus de 250 entreprises et experts actifs en Wallonie.

    Ce secteur est donc prêt à jouer un rôle plus important dans la construction et la rénovation de bâtiments au sein de notre Région. Tant les producteurs de matériaux que les entreprises de construction ont atteint un haut degré de qualité technique. Il me semble que le récent bâtiment de la Province de Namur, réalisé en construction bois, ou encore le tout récent bâtiment du Cluster Eco-construction construit via un procédé innovant bois-paille, en témoignent.

    Il est essentiel d’y travailler dès maintenant sous peine de perdre rapidement l’avance technique développée en Wallonie. Je prendrais pour seul exemple nos voisins et amis français qui ont bien compris l’importance de la construction écologique et consacrent l’énergie et les moyens nécessaires pour en faire un secteur industriel de premier plan. Le nombre de bâtiments publics écoconstruits est en progression constante, avec actuellement plus de 200 écoles construites en bois-paille. En Wallonie, nous avons pour l’instant 1 école construite selon cette technique. De même, la prochaine réglementation thermique française, en vigueur à partir de 2022, inclura la mesure des émissions de CO2 du bâtiment sur l’ensemble de sa durée de vie, y compris donc les impacts liés à la construction et à la déconstruction du bâtiment. Enfin, le Parlement français vient d’adopter une loi qui stipule qu’à partir de 2028 l’ensemble des bâtiments publics devront comporter au minimum 25 % de matériaux biosourcés. Ces mesures permettront d’inciter positivement à l’utilisation de matériaux moins émetteurs de CO2 et donnent des garanties de développement à l’ensemble du secteur économique de la construction écologique.

    Enfin, si l’augmentation importante du besoin en matériaux de construction, au regard des objectifs énergétiques, risque de mettre la pression sur le secteur, je ne pense pas que nous devions accepter de réduire la qualité des produits pour autant. Je pense que nous devons au contraire démultiplier tant que possible les possibilités de déploiement des filières wallonnes innovantes pour augmenter les volumes de production.

    Les matériaux biosourcés constituent bien évidemment l’une de ces filières. Toutefois, leur potentiel économique n’est pas encore suffisamment mis en valeur, notamment par manque d’opportunités. Par exemple, la production wallonne actuelle d’isolants écologiques est bien en deçà de la capacité réelle des outils mis en place. À titre d’exemple, l’entreprise Gramitherm, une des nombreuses entreprises wallonnes productrices d’isolants biobasés, m’indiquait récemment qu’ils étaient capables de monter la production à 2 000 000 de m²/an d'isolant.

    Par ailleurs, d’autres filières peuvent également répondre à la demande, tel que les composants recyclés, ou encore les produits issus de filières de réemplois. Ces filières qui s’inscrivent dans des logiques d’économie circulaire, limitent la pression sur les ressources naturelles et réduisent la production de déchets.

    Voilà pourquoi, en tant que Ministre de l’Économie et de l’Agriculture, et avec l’ensemble de mes collègues du Gouvernement wallon, nous comptons prendre prochainement des mesures de soutien au secteur de l’écoconstruction tout en ayant une approche plus globale qui intègre aussi celles des filières de réemploi. Pour ce faire, j’ai d’ailleurs demandé qu’une réflexion globale en ce sens soit menée dans le cadre de la « task force » Construction de la stratégie Circular Wallonia.