/

L'augmentation de la consommation du "chemsex"

  • Session : 2020-2021
  • Année : 2021
  • N° : 290 (2020-2021) 1

2 élément(s) trouvé(s).

  • Question écrite du 23/04/2021
    • de HARDY Maxime
    • à MORREALE Christie, Ministre de l'Emploi, de la Formation, de la Santé, de l'Action sociale, de l'Egalité des chances et des Droits des femmes
    Si les conséquences sur la santé mentale de cette crise sont largement relayées, un aspect lié à celle-ci reste assez peu visible : la croissance depuis un an de la consommation de drogue à travers le "chemsex" particulièrement au sein de la communauté gay.

    Le mal-être provoqué par l'isolement et les effets de la crise poussent certaines personnes qui consommaient épisodiquement des drogues pour pimenter leur vie sexuelle (chemsex) à en consommer pour faire face au climat anxiogène actuel. L'isolement provoqué ou amplifié par les confinements, le couvre-feu et le télétravail sont venus renforcés des fragilités présentes chez certains et l'envie de consommer est devenue difficile à faire passer si on s'ennuie, lorsqu'on ne fait plus de sport et qu'on reste à la maison toute la journée et angoissé par la situation actuelle.

    Autant d'éléments qui renforcent également des sentiments négatifs largement véhiculés par les discours homophobes et le sentiment d'exclusion de la société que certains gays peuvent ressentir.

    Il y a donc urgence à agir afin de mettre fin aux difficultés rencontrées par ce public, en renforçant le soutien psychosocial, afin de casser le cercle de l'isolement mais aussi d'assurer un meilleur accompagnement une fois la dépendance ancrée.

    Comment le Gouvernement entend-il se saisir de cette problématique et mettre en oeuvre un plan d'actions afin de réduire la dépendance liée au chemsex ? Quels sont les moyens d'actions actuellement mis en place en Wallonie pour accompagner les personnes dépendantes ? Des actions visant à renforcer les associations actives dans la lutte contre la consommation de drogues et les associations actives auprès des LGBTQI+ sont-elles envisagées ? Comment les médecins de première ligne peuvent-ils être mobilisés dans la détection de ces nouvelles addictions ?
  • Réponse du 06/09/2021
    • de MORREALE Christie
    Pour pouvoir répondre précisément à sa question, le Gouvernement wallon a pris contact avec des spécialistes, c'est-à-dire les ASBL Eurotox, Modus Vivendi, ex-aequo et Sida Sol. Si l'honorable membre souhaite en savoir plus ou consulter les références détaillées sur ce sujet, il peut consulter le site Internet de ces institutions, qui font partie des associations subventionnées par la Région wallonne afin de lutter contre les risques encourus lors de pratiques impliquant des substances psychoactives.
     
    La pratique du chemsex consiste à consommer des produits psychoactifs dans le cadre de rapports sexuels. Il s’agit d’un phénomène spécifique qui, à 90 %, concerne des hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH). Cette pratique concernait surtout des hommes de plus de trente ans, séropositifs, dans un milieu urbain. Maintenant cependant, le chemsex concerne de plus en plus d’hommes jeunes et séronégatifs. Les séances de chemsex sont le plus souvent organisées à l’avance, dans un endroit privé ou dans un lieu de consommation sexuelle. Souvent les sessions impliquent des rapports sexuels en groupe et des pratiques à risque comme le fist fucking, le bareback (rapport sans protection) ou le slam (injection de drogues lors de rapports sexuels). Les sessions peuvent durer plusieurs heures voire plusieurs jours.
     
    Les produits consommés pendant ces sessions sont variés : alcool, médicaments favorisant l’érection, cathinones de synthèse (méphédrone), méthamphétamines (Crystal meth), GHB/GBL, cocaïne et kétamine. L’objectif de ces consommations est d’induire un effet d’euphorie et d’augmenter l’excitation ainsi que l’endurance sexuelle. Sous l’effet des produits, les usagers peuvent rester éveillés plusieurs jours, mais leur perception du risque diminue ainsi que leur perception de la douleur, ce qui peut se traduire par l’apparition de lésions. Les produits peuvent également générer des comportements violents, des hallucinations, des accès paranoïaques ou des surdoses.
     
    Les pratiques de chemsex se sont répandues, à cause notamment de l’usage d’applications, parfois géolocalisées, favorisant les rencontres. Ces nouveaux moyens de communication ont participé à la diffusion du chemsex auprès d’un public élargi. Les données en matière de prévalence de chemsex sont fragmentaires, car cette pratique reste clandestine. Les professionnels du soin en ont connaissance par des cas d’assuétudes, d’intoxication ou de maladies infectieuses ainsi que par des demandes de kits d’injection par ces hommes qui ne correspondent pas aux profils d’usagers de drogues habituellement rencontrés.
     
    Une étude menée à Bruxelles en 2016 par l’Observatoire du Sida et des sexualités auprès de 362 personnes a permis d’identifier quelques éléments, mais elle ne permet pas d’estimer sa prévalence. Le slam, c'est-à-dire la pratique d’injection pendant le chemsex, est assez peu courant. Les produits utilisés sont en général sniffés (71 %), ingérés (65 %) ou inhalés (56 %). Le recours au plugging (voie anale) et à l’injection sont peu fréquents (16 % et 15 % respectivement). Depuis le juin 2017, des données sont recueillies par les 12 Centres de référence VIH auprès des personnes ayant recours au traitement de prophylaxie de préexposition au VIH (PrEP). Sur près de 3000 personnes ayant bénéficié de la PrEP entre 2017 et 2018, 23 % ont rapporté avoir pratiqué le chemsex. Le Centre de référence liégeois, Sida Sol ASBL, obtient un pourcentage semblable (22 %). Le chemsex ne concerne probablement qu’une minorité d’HSH. Notons également que ces chiffres et les commandes de matériel de réduction des risques indiquent qu’une partie au moins des usagers de chemsex essayent de se protéger des infections. Néanmoins, les chemsexers suivis en consultation à ExAequo et à Infor-Drogues sont généralement des consommateurs de Crystal meth, un produit qui induit une tolérance et une dépendance fortes et rapides.
     
    Des associations qui travaillent avec les publics HSH développent depuis plusieurs années en Belgique francophone des projets de prévention, de réduction des risques et d’aide spécifiques sur la thématique du chemsex. Le secteur des assuétudes propose aussi des moments d’échange ainsi que des ressources afin de sensibiliser les professionnels à cette thématique. Des partenariats se sont développés entre ces deux secteurs pour unir leurs expertises.
     
    Ex Aequo ASBL propose entre autres des interventions de réduction des risques auprès des milieux à risque, un groupe d’autosupport, un suivi individuel pour environ six usagers par an et, avec l’Observatoire du sida et des sexualités, le développement du site Chemsex.be. Ce site propose des informations très précises sur les produits, des conseils de réduction des risques, des outils pour faire le point et un répertoire des services d’aide. Il est destiné aux usagers et aux professionnels.
     
    Sida Sol ASBL offre un accueil personnalisé avec un accompagnement possible vers les soins ainsi que des actions de prévention, de réduction des risques et de dépistage d’infections transmissibles.
     
    L’équipe de Modus Vivendi est formée pour aborder ou interagir sur cette pratique. Une journée de formation a été organisée par Modus en septembre 2019. Pour répondre à la demande croissante et aux besoins en matière de réduction des risques, la centrale d’achat de Modus a ajouté du matériel de réduction des risques spécifiques.
     
    Les publications d’Eurotox abordent également cette thématique de manière à informer sur une base scientifique et sensibiliser les professionnels du secteur des assuétudes et les alertes précoces sont diffusées sur le site chemsex.be.  
     
    Comme on peut le voir, les associations de terrain que je subventionne travaillent avec ce public, difficile à atteindre, puisque ses pratiques sont clandestines. Mettre en place d’autres actions destinées au grand public risquerait de donner de la publicité à une pratique limitée à un public très spécifique et assez limité.
     
    Enfin en ce qui concerne la Cellule politique francophone santé-assuétudes, celle-ci ne s’est plus réunie. En effet, les problèmes d’assuétudes se discutent maintenant au niveau national dans la Cellule générale de politique en matière de drogues qui réunit les cabinets concernés par les drogues légales et illégales.