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La refonte de la directive européenne sur la qualité de l'eau de consommation humaine

  • Session : 2020-2021
  • Année : 2021
  • N° : 359 (2020-2021) 1

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  • Question écrite du 26/04/2021
    • de JANSSEN Nicolas
    • à TELLIER Céline, Ministre de l'Environnement, de la Nature, de la Forêt, de la Ruralité et du Bien-être animal
    Suite à ma précédente intervention en commission au sujet de la refonte de la directive européenne sur la qualité de l'eau de consommation humaine, je me permets de m'adresser à Madame la Ministre par écrit pour avoir davantage d'informations.

    Concernant les pesticides et les métabolites, elle mentionnait que la liste des substances dont la surveillance est obligatoire a été revue sur base des substances détectées en Wallonie. Il sera ainsi proposé de reprendre la liste des pesticides et métabolites déjà monitorés dans les eaux brutes à laquelle devraient être ajoutés le flufénacet et son principal métabolite. Elle disait qu'à l'avenir, cette liste serait régulièrement adaptée avec les pesticides et métabolites dont la présence est probable, sur base notamment des échanges européens de données.

    Pourquoi ne rechercher certaines substances qu'au niveau des eaux brutes, et non dans les eaux rendues potables ?

    Pourrait-elle transmettre la liste des systèmes de traitement utilisés par les distributeurs d'eau pour diminuer la charge en pesticides et métabolites ?

    L'approche utilisée se base majoritairement sur le rapport SEMTEP. Cependant, il me revient que celui-ci ne tient pas compte d'une série d'informations officielles et classe comme non pertinents certains métabolites qui le sont selon l'EFSA et le REGLEMENT (UE) 2019/677 concernant la mise sur le marché du Chlorothalonil, comme le R417888, métabolite de ce dernier.

    L'eau consommée devant répondre aux exigences européennes, pourquoi une bonne partie des pesticides et métabolites mentionnés comme pertinents dans des rapports officiels européens notamment, ne semblent toujours pas considérés en Région wallonne ?

    Est-ce que la SWDE, le CRA-W ou l'ISSeP ont déjà réalisé ces analyses des 9 métabolites du Chlorothalonil considérés comme pertinents par la législation européenne sur des eaux de distribution ? Quel laboratoire est capable de réaliser ces analyses ?

    Concernant le chlorate, pourquoi proposer la norme européenne de 250 µg/l qui est moins stricte que les normes néerlandaise et danoise, mais aussi moins stricte que le critère de 10 µg/l fixé par l'UE pour les denrées alimentaires pour nourrissons ?

    Si le critère de 10 µg/l était dépassé, ne faudrait-il pas informer les femmes enceintes, et les parents, sur les éventuels risques pour la santé des nourrissons ?

    Quelle est la situation actuelle (et l'historique) pour ce paramètre dans les eaux potables distribuées en Wallonie ?

    Enfin, concernant le perchlorate, pourquoi proposer une norme de 15 µg/l qui ne tient pas compte des risques engendrés par ce perturbateur endocrinien sur les nourrissons et les femmes enceintes ?

    En France, à Lille, les autorités ont informé les personnes concernées tout en interdisant d'utiliser l'eau du robinet pour les nourrissons si le critère de 4 µg/l était dépassé. Quelle est la situation actuelle (et l'historique) pour ce paramètre dans les eaux potables distribuées sur le territoire de la Région wallonne ?
  • Réponse du 01/06/2021
    • de TELLIER Céline
    Les pesticides et leurs principaux métabolites continueront bien d’être mesurés dans l’eau distribuée en application de la nouvelle directive. Le groupe de travail AQUAWAL-SPW s’est basé sur la liste relative aux eaux brutes, adaptée aux réalités de terrain et aux pratiques agricoles, pour constituer cette nouvelle liste qui restera bien entendu évolutive en fonction des informations nouvelles.
    Conformément aux articles 8 et 9 de la directive, la surveillance de ces substances s’organisera donc selon un double contrôle, permettant vérifier l’efficacité du traitement d’eau dans le cas où elles sont présentes dans la ressource et d’économiser ces analyses dans le cas où elles sont totalement absentes des eaux brutes.  
     
    Le principal traitement spécifiquement utilisé pour éliminer les pesticides consiste à faire passer l’eau sur un lit de charbon actif en grain ou en poudre sur sable. Il y a actuellement 119 stations de traitement utilisant ce procédé pour traiter l’eau distribuée en Wallonie. Les autres traitements pouvant éliminer ces substances utilisent les techniques de filtration par membrane (ultrafiltration, nanofiltration). On compte 7 stations de traitement par nanofiltration en Wallonie.
     
    Concernant le non-renouvellement en Europe de l’autorisation de mise sur le marché du fongicide chlorothalonil, reclassé comme cancérigène probable, l’EFSA estimait en 2018 qu’en l’absence de données toxicologiques suffisantes, un danger pour la santé ne pouvait être exclu pour une majorité de métabolites du chlorothalonil et les a donc classés comme pertinents pour les eaux souterraines.
     
    Toutefois l’autorité belge de mise sur le marché (SPF Santé et Sécurité de la chaîne alimentaire) n’avait pas confirmé la pertinence du métabolite R417888 lorsque les conclusions de l’étude SEMTEP ont été produites. Et une étude danoise plus récente démontre que ce métabolite n’est pas génotoxique. Nous restons attentifs aux développements en cours, notamment les travaux de l’Office fédéral de la Sécurité alimentaire en Suisse concernant les métabolites du chlorothalonil.
     
    Mesurer dans nos eaux tous les pesticides et métabolites pertinents nécessiterait des moyens financiers énormes et la priorité est dès lors donnée en fonction des quantités appliquées. Actuellement, aucun laboratoire en Wallonie n’est capable de réaliser l’analyse de l’ensemble des 9 métabolites du chlorothalonil. Les laboratoires de l’ISSEP, de la SWDE et l’institut MALVOZ sont néanmoins capables de mesurer le métabolite R417888 dont le suivi est obligatoire dans les eaux brutes. Il faut souligner que la mise au point de méthode d’analyse de métabolites de pesticide s’avère beaucoup plus complexe que rechercher la substance active, notamment car il est difficile d’obtenir les standards d’étalonnage nécessaire pour pouvoir quantifier ces substances.
     
    Concernant les chlorates, l’OMS recommande une valeur de 0,7 mg/l. L’EFSA (Autorité européenne de sécurité des aliments) estime pourtant cette quantité trop élevée pour des nourrissons ou enfants en bas âge, et que le chlorate bloque l’assimilation de l’iode. Un autre comité (FAO/OMS) sur les additifs alimentaires estime que la valeur pertinente pour la santé à 0,01 mg/kg poids corporel/jour, soit 0,24 mg/l pour l’eau potable. Au regard de ces éléments, l’Europe a fixé une valeur de 0,25 mg/l pour le chlorate.
     
    Les résultats des mesures réalisées en Wallonie ont mis en évidence que plus de 97 % des eaux étudiées présentaient une concentration inférieure à 0,25 mg/l en chlorates. De plus, aucun dépassement de la norme de 0,7 mg/l n’a été observé. Dans le cadre de la généralisation des Plans de gestion de la sécurité sanitaire de l’eau, imposée par la nouvelle directive, la gestion des stocks d’hypochlorite de sodium sera systématiquement revue afin d’éviter tout excès en chlorate.
    Enfin, concernant le perchlorate, la recommandation de l’OMS pour les eaux de boisson est de 70 µg/l. Bien que la nouvelle directive européenne ne prévoie pas de norme pour ce paramètre très persistant, nous estimons nécessaire de la fixer étant donné notre historique « Ouest européen » (les 2 guerres mondiales et le recours massif aux engrais chiliens jusqu’aux années 1930). La valeur recommandée de 15 µg/l suite à l’étude SEMTEP se base sur la valeur toxicologique de référence (0,7 µg/l/kg poids corporel/jour) reprise par l’ANSES en France et par l’US-EPA aux États-Unis, encore qu’il soit à souligner que l’US-EPA a récemment fixé une norme de gestion de l’ordre de 56 µg/l pour ce paramètre.
     
     
    Plusieurs captages de Wallonie ne respectent actuellement pas cette valeur de 15 µg/L et, ces perchlorates étant réputés difficilement traitables, les producteurs d’eau concernés étudient les moyens d’en mitiger les eaux avec d’autres ressources. L’étude épidémiologique faite dans la région de Lille présente plusieurs limites méthodologiques. Dans les autres régions françaises impactées par le perchlorate, la même recommandation de 4 µg/l n’a pas été formulée pour les femmes enceintes et les nourrissons. Avec davantage d’évidence scientifique, une recommandation plus stricte pourrait être faite au travers des Plans de gestion de la sécurité sanitaire de l’eau.
     
    En résumé, pour ces 4 valeurs paramétriques de l’eau potable, c’est sur base de ces considérations et de l’analyse coûts/bénéfices qu’elle sous-entend en matière de santé publique que je compte porter le projet de transposition de la directive au Gouvernement.