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L'augmentation du budget des aides "carbon leakage"

  • Session : 2020-2021
  • Année : 2021
  • N° : 419 (2020-2021) 1

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  • Question écrite du 28/04/2021
    • de NEMES Samuel
    • à BORSUS Willy, Ministre de l'Economie, du Commerce extérieur, de la Recherche et de l'Innovation, du Numérique, de l'Aménagement du territoire, de l'Agriculture, de l'IFAPME et des Centres de compétences
    Comme on pouvait encore le lire dans Le Soir de ce 20 avril, il y a un “nouveau signal d'alarme pour le climat” de la part de l'ONU cette fois-là, de l'OCDE quelques jours plus tôt et régulièrement de la part de scientifiques ou d'organisations. Sans oublier le "procès climat" où l'ASBL Klimaatzaak, portée par quelque 62 000 personnes qui attaquent l'Etat fédéral, la Région de Bruxelles-Capitale, la Région flamande et la Région wallonne non contentes de la politique suivie en matière de diminution d'émissions de gaz à effet de serre.

    Nous sommes souvent intervenus chez le Ministre Henry sur le fait qu'il n'y a pas de mesures wallonnes pour les multinationales les plus polluantes. La réponse reçue est qu'il n'y a pas besoin en la matière car les multinationales sont dans le système ETS.

    Mais, le Gouvernement wallon en même temps compense le système ETS pour ces mêmes multinationales avec le "Carbone leakage" qui sert à payer ces droits de polluer à la place de ces multinationales.

    Il y a donc une vraie contradiction dans ce gouvernement. D'autant que Monsieur le Ministre parle de risques de délocalisation à cause du mécanisme ETS pour justifier ces aides. Je m'interroge sur cette déclaration puisque quand je regarde la liste des bénéficiaires, je vois plusieurs entreprises à participation publique.

    On observe qu'entre 2019 et 2020 le budget total des aides "Carbon leakage" est passé de 7,5 millions à 20 millions.

    Monsieur le Ministre va-t-il prendre la décision d'augmenter encore ce budget dans les années à venir ?

    Pour répondre aux enjeux climatiques, va-t-il abandonner ce mécanisme des "Carbon leakage" ?
    Ou, au contraire, va-t-il développer d'autres outils qui permettent de contrer les politiques climatiques européennes ou autres ?
  • Réponse du 17/05/2021
    • de BORSUS Willy
    Comme l’honorable membre le sait, le système d'échange de quotas d'émission de l'UE (ETS – Emission Trading Scheme) est un instrument central de la politique de l'Union européenne visant à réduire de manière économiquement avantageuse les émissions de gaz à effet de serre. Il vise une réduction de -43 % par rapport en 2005 à l’horizon 2030. Il s’agit d’un instrument contraignant pour les installations concernées. Je tiens à lui rappeler que notre tissu industriel et économique n’est pas uniforme. En effet, certaines industries sont soumises à une concurrence forte au niveau international (on pensera à l’acier où des surcapacités de production existent notamment en Turquie et en Chine), d’autres sont électro-intensives et sont très sensibles au prix de l’électricité. Or comme il le sait, les producteurs d’électricité sont soumis au système ETS. Dès lors, le prix de l’électricité est influencé par le prix du quota d’émissions de la tonne de CO2 sur le marché.

    Le prix du quota en 2017 était de 5 euros en moyenne. Il est ensuite passé à 16 euros la tonne en 2018 puis à 25 euros la tonne en 2019. En 2020, les prix ont fortement varié sur le marché, avec une chute importante en mars (à 18 euros la tonne) puis une augmentation très marquée jusqu’à 33 euros la tonne en décembre. Le prix moyen était cependant toujours autour de 25 euros la tonne en 2020. La semaine dernière, il était à 49 euros la tonne. L’augmentation du prix du quota ces dernières années continue de faire augmenter significativement la facture énergétique des entreprises. Pour les secteurs électro-intensifs (dont la consommation d'électricité représente une charge très importante si on la rapporte à la valeur ajoutée), cela met clairement à mal leur compétitivité par rapport à des productions identiques dans des pays situés en dehors de l’Union européenne, qui ne sont eux, pas soumis à ce système de quotas de CO2. La Chine vient de lancer son marché du carbone, mais les niveaux sont actuellement très bas.

    Pour contrer cet effet et protéger les entreprises électro-intensives (et donc PAS TOUTES les entreprises ETS, j’insiste, uniquement les électro-intensives) , la directive ETS prévoit la mesure dite de «compensation des coûts indirects». Cette mesure est encadrée niveau des États membres par les Lignes directrices du 5 juin 2012 concernant certaines aides d’État dans le contexte du système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre après 2012.

    Cette mesure a été mise en œuvre en Région wallonne au travers de l’AGW du 7 juin 2018 organisant l’octroi d’une subvention aux entreprises en compensation des coûts des émissions indirectes pour la période 2018-2020. Cet AGW a été modifié en date du 11 mars 2021 pour l’année 2021, ce qui permet de mettre en œuvre les compensations pour les coûts indirects encourus en 2020.

    Les lignes directrices définissent une méthodologie pour le calcul des compensations. Ce calcul fait intervenir le prix moyen du quota durant l’année. Dès lors, l’honorable membre comprendra aisément pourquoi le budget de la mesure est passé de 5 millions d’euros en 2017, puis 7,5 millions en 2018 et 2019 puis 20 millions en 2020. Pour 2021, les entreprises auraient droit, d’après les lignes directrices européennes, à 47 millions d’euros. Cependant, le budget de la Région wallonne n’a prévu que 20 millions d’euros. Des arbitrages auront lieu à ce sujet lors du conclave budgétaire du mois de mai pour réévaluer le montant de cette mesure.

    Si ces montants peuvent sembler élevés, il y a également lieu de rappeler que les recettes ETS wallonnes générées en 2020 au niveau de Fonds wallon Kyoto se sont élevées à 110 millions d’euros, ce qui permet de relativiser les montants de cette mesure.

    En ce qui concerne les budgets à consacrer dans les années à venir, je lui confirme que mon intention est bien de continuer à soutenir les entreprises électro-intensives qui sont à haut risque de délocalisation.

    D’un point de vue environnemental d’ailleurs, nous n’avons rien à gagner à importer des produits qui ont une empreinte carbone bien plus élevée (car produits dans des zones où la législation environnementale est moins contraignante) que s’ils étaient produits en Europe, sans parler des émissions liées au transport de ces produits.

    Concernant le montant du soutien, je ne peux pas encore m’engager. En effet, cela dépendra de l’évolution du prix du quota de CO2 sur le marché. En effet, la Commission a validé de nouvelles lignes directrices en la matière qui s’appliqueront dès 2022 pour compenser les émissions de 2021. Une série de secteurs en seront exclus, ce qui va donc réduire le nombre d’entreprises bénéficiaires en Région wallonne. Par contre, les valeurs qui seront utilisées dans le calcul des montants ne sont pas encore connues.

    Finalement, le futur de cette mesure dépendra également fortement de la mise en place d’un éventuel mécanisme d’ajustement carbone à la frontière de l’Union européenne. En effet, si celle-ci se dotait d’un tel mécanisme, le « level-playing field » ou « des conditions de compétitivité équitables » serait dès lors assuré entre les entreprises dans l’UE et hors UE, ce qui réduirait dès lors l’utilité de cette mesure.