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Le dépôt de plainte de la part d'un collège communal vis-à-vis de conseillers communaux dans l'exercice de leurs fonctions

  • Session : 2020-2021
  • Année : 2021
  • N° : 272 (2020-2021) 1

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  • Question écrite du 29/04/2021
    • de DEMEUSE Rodrigue
    • à COLLIGNON Christophe, Ministre du Logement, des Pouvoirs locaux et de la Ville
    L'article L1242-1 du Code de la démocratie locale et de la décentralisation prévoit que « Le collège communal répond en justice à toute action intentée à la commune. Il intente les actions en référé et les actions possessoires; il fait tous actes conservatoires ou interruptifs de la prescription et des déchéances. Toutes autres actions dans lesquelles la commune intervient comme demanderesse ne peuvent être intentées par le collège qu'après autorisation du conseil communal ».
     
    Dans ce cadre, est-il possible pour le collège communal de déposer une plainte auprès de la police à l'encontre de conseillers communaux dans l'exercice de leurs fonctions ?
    Si oui, quelles sont les conditions et modalités prévues par la législation encadrant ce dépôt de plainte ?
     
    Une telle plainte peut-elle être introduite sans l'autorisation préalable du conseil communal, même pour des faits remontant à plusieurs mois ?
     
    Une prudence particulière ne doit-elle pas s'imposer en la matière pour le collège dès lors qu'une telle démarche risque de s'apparenter à de l'intimidation ou des pressions à l'encontre des élus, les empêchant d'exercer pleinement leurs missions ?
     
    Comment garantir aux conseillers communaux de pouvoir exercer leur travail de contrôle démocratique ?
     
    Comment comprendre la notion « d'exercice de leurs fonctions » pour les conseillers communaux et quelles conséquences s'y attachent-elles, notamment en termes de liberté d'expression ?
     
    Les conseillers communaux bénéficient-ils ainsi d'une forme de protection dans l'exercice de leurs fonctions, par exemple quant aux propos tenus dans ce cadre ?
     
    Qu'en est-il des propos tenus sur les réseaux sociaux en lien avec la gestion communale ?
  • Réponse du 31/05/2021
    • de COLLIGNON Christophe
    Je ne vois pas d’obstacle juridique à ce qu’un collège communal dépose plainte auprès de la police contre des conseillers communaux pour des faits commis dans l’exercice de leurs fonctions. Le collège communal ne représente pas, dans ce cas, la majorité en place, mais la commune en tant que telle, dont il s’agit de défendre les intérêts. L’autorisation du conseil communal est cependant requise, s’agissant d’une affaire (pénale) où la commune est « demanderesse ».
     
    Quant à savoir si les membres du conseil concernés peuvent participer à la délibération d’autorisation, la doctrine et la jurisprudence admettent que l’interdiction d’être présent aux délibérations relatives aux objets à propos desquels le conseiller communal ou l’un de ses proches a un intérêt direct matériel doit être entendu de manière tout à fait restrictive, faisant interdiction aux conseillers d’être présents à la délibération dont l’issue leur procurera immédiatement et nécessairement un avantage (ou désavantage) en argent ou appréciable en argent.
     
    Pour qu’il y ait conflit d’intérêts, l’intérêt en cause doit être personnel et direct, c’est-à-dire qu’il doit résulter immédiatement de la décision prise et affecter exclusivement le patrimoine du conseiller communal ou de ses proches. L’intérêt doit être matériel, c’est-à-dire compris comme un avantage dont la valeur s’exprime en argent. L’intérêt moral ou politique ne suffit pas à empêcher le mandataire de siéger. Enfin, l’intérêt doit être né et actuel ; il doit être présent au moment de la délibération et ne peut consister en une éventualité.
     
    Au vu de ces principes, j’estime que, dans l’hypothèse soulevée, il n’y aurait pas de conflit d’intérêts dans le chef des personnes impliquées dans le litige qui participeraient à la délibération du conseil. En effet, au moment de la délibération, le(s) membre(s) qui serai(en)t impliqué(s) dans le litige bénéficie(nt) de la présomption d’innocence. En effet, aucune condamnation n’ayant été prononcée, l’intérêt né et actuel n’est pas rencontré, il consiste en une éventualité.
     
    La circonstance que les faits remontent à plusieurs mois n’a pas d’incidence, à moins qu’un délai de prescription ne soit écoulé.
     
    Bien qu’ils fassent partie d’un organe délibérant élu démocratiquement, les conseillers communaux ne bénéficient pas d’une protection spécifique à l’instar des membres des Parlements (immunité parlementaire, « freedom of speech »…). Ainsi, les actes répréhensibles commis par des conseillers communaux « dans l’exercice de leurs fonctions » ne sont pas traités différemment, sur le plan judiciaire ou juridictionnel, des actes commis en dehors de l’exercice de ces fonctions.
     
    Certes, il y a un risque qu’une telle démarche de plainte s’apparente à une intimidation ou à des pressions à l’encontre des élus, bridant ainsi potentiellement leur liberté d’expression. Comme l’indique monsieur le député, le collège communal qui déciderait d’agir en justice contre eux devrait donc le faire avec mesure et prudence.
     
    Cependant, tant qu’aucune mesure n’a été prise par la justice à leur égard, les conseillers communaux conservent l’exercice de l’ensemble de leurs droits.
     
    En matière pénale, des propos tenus sur les réseaux sociaux peuvent, dans certaines conditions, être assimilés à des propos tenus dans la réalité. Ils sont punissables s’ils dépassent les limites fixées par la loi à la liberté d’expression.
     
    Enfin, je rappelle qu’il n’existe, à ce jour, aucun régime disciplinaire applicable aux conseillers communaux.