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Le régime d'aide aux entreprises électro-intensives en Wallonie

  • Session : 2020-2021
  • Année : 2021
  • N° : 554 (2020-2021) 1

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  • Question écrite du 21/05/2021
    • de FONTAINE Eddy
    • à HENRY Philippe, Ministre du Climat, de l'Energie et de la Mobilité
    Selon une récente étude réalisée par le consultant PWC, à la demande des régulateurs belges, il ressort qu'en termes du coût de l'électricité, la Wallonie se situe dans une position désavantagée par rapport à ses pays voisins.

    En ce qui concerne plus particulièrement les entreprises reliées à la haute tension, des réductions de charges plus importantes existent dans les pays voisins qu'en Wallonie. En outre, la Flandre connaît, à cet égard, un régime d'aide qui permet à ces entreprises de rester concurrentielles par rapport aux pays voisins. En effet, le plafonnement des surcharges et de la cogénération leur permet de rester sur un meilleur pied d'égalité.

    Il est cependant vrai qu'en vertu de l'arrêté du Gouvernement du 16 mai 2019, une exonération plafonnée à 80 %, des surcharges est permise pour ces entreprises, mais nous constatons qu'il faut faire davantage pour préserver la compétitivité de celles-ci.

    Quelles actions Monsieur le Ministre compte-t-il mener pour permettre de protéger au maximum ces entreprises dans un contexte de compétitivité internationale ?

    Des révisions sont-elles à l'ordre du jour ?
  • Réponse du 29/06/2021
    • de HENRY Philippe
    Le déficit de compétitivité entre les entreprises wallonnes et leurs voisines, entre autres flamandes, telle que souligné par le tout récent rapport de PWC pour la CREG, est effectivement interpellant en ce qui concerne la facture d’électricité des entreprises électro-intensives au sens européen. À l’inverse, pour les tarifs pour le gaz, la position belge et wallonne sont extrêmement concurrentielles.
     
    Il faut toujours rester très prudent dans l’analyse comparative qui est faite, car la structure de tarification de l’électricité est particulièrement complexe. Elle comporte plusieurs composantes, liées à la production, au transport et à la distribution de l’énergie, auxquelles s’ajoute une série de surcharges réparties entre le niveau fédéral et le niveau régional. Ces facteurs sont, eux-mêmes, associés à des réductions ou exonérations variables liées au profil du client qu’il soit résidentiel, PME, entreprise industrielle en accord de branche ou non, entreprise plus ou moins électro-intensives ou encore raccordée directement au réseau de transport ou sur le réseau de distribution.
     
    Les raisons de la disparité soulignée par PWC pour nos entreprises électro-intensives qui sont directement raccordées au réseau haute tension sont principalement liées aux exonérations des surcharges sur la facture d’électricité pour financer les développements renouvelables régionaux, qui sont asymétriques de part et d’autre de la frontière régionale, principalement à cause de l’existence d’une exonération complémentaire appelée « super cap » du côté flamand.
     
    L’étude de PWC a le mérite de tenter de comparer des situations similaires, mais pour ce faire, crée des profils théoriques de consommateurs, pour lesquels les auteurs reconnaissent eux-mêmes la difficulté à établir leur représentativité réelle.
     
    Il faut tout de même noter que l’étude ne se limite qu’à 5 secteurs industriels, et que les plus grands écarts de prix concernent les entreprises électro-intensives de ces secteurs, qui représentent en fait un nombre limité d’entreprises wallonnes, et même flamandes. Et ces quelques entreprises flamandes électro-intensives bénéficient d’un régime d’exonération complémentaire particulièrement favorable. Il s’agit, donc, du régime du « super cap » qui limite leur contribution au mécanisme des certificats verts, quelle que soit leur consommation, à un faible pourcentage de leur valeur ajoutée brute.
     
    La marge entre ces quelques entreprises flamandes et leurs autres entreprises flamandes apparaît en pointillé dans les graphiques individuels sur les tarifs électricité, mais a disparu du graphique global relatif à la compétitivité, pour lequel l’étude retient juste la valeur minimale. La perception du différentiel avec la Wallonie en est donc aggravée.
     
    Concernant cette exonération « super cap » flamande, le législateur wallon, n’a pas voulu jusqu’ici introduire pareille discrimination entre ses entreprises. En effet, ces ristournes tarifaires accordées aux entreprises se répercutent sur la facture des autres consommateurs (PMEs et ménages), et dans le cas du « supercap » flamand, c’est même une partie des fonds climatiques qui sont ainsi alloués à la défense de la compétitivité sans contrepartie CO2.
     
    La Commission européenne nous a dernièrement demandé d’adapter notre application du règlement général d’exemption des aides d’état pour les certificats verts. Une modification du décret électricité pour se mettre en conformité vient d’être soumise au Gouvernement, en complément de la modification de 2019, mais elle n’inclura pas de principe « supercap » pour les électro-intensives.
     
    Par contre, comme l'honorable membre le sait peut-être, mon cabinet lance actuellement la préparation d’une prochaine génération d’accords volontaires avec nos entreprises. De la consultation qui vient de se clôturer ressort effectivement la question fondamentale de la compétitivité de nos entreprises, mais également celle du financement de la transition énergétique et climatique. Et surtout la demande de différencier ces deux aspects, afin de pouvoir d’un côté assumer la compétitivité de nos entreprises, mais surtout d’effectivement consacrer les moyens requis, qui ne sont pas que financiers, à l’accompagnement de nos entreprises dans leur indispensable transition bas carbone.
     
    Dans la perspective long terme d’une économie décarbonée, il est important de noter qu’un signal prix de l’énergie mal dimensionné peut s’avérer contreproductif s’il néglige le concept de pollueur payeur et ne favorise pas le passage à l’action pour justement éviter cette pollution. En effet, une exemption liée uniquement à un niveau minimal d’intensivité énergétique ne saurait inciter à améliorer celle-ci au risque de perdre l’avantage acquis…
     
    La question de la compétitivité est cependant une préoccupation indispensable à court terme, que je partage avec mon collègue de l’Économie, mais la limiter au seul aspect du coût énergétique me semble un peu restrictif. Selon moi, cette question de compétitivité doit pouvoir évoluer vers une notion de résilience qui va au-delà de ces seuls coûts énergétiques, et englobe l’ensemble des concepts de développement durable. Les fonds publics doivent aider à construire cette résilience, équitablement, à travers l’ensemble des pans de notre économie.
     
    À terme, avec la hausse du prix du carbone, c’est théoriquement le mécanisme du Carbon Border Adjustement européen qui devrait protéger nos entreprises électro-intensives contre le risque de délocalisation liée à la hausse du prix du carbone. Et si un différentiel de compétitivité persiste et doit être compensé, les compensations et exonérations sur les vecteurs énergétiques devraient disparaître, ou à tout le moins basculer d’une exonération des charges liées au renouvelable vers une surcharge liée au recours aux combustibles fossiles. Pareille révolution n’est par contre pas simple à mettre en œuvre…
     
    Quoi qu’il en soit, le nouveau mécanisme associé aux futurs accords de branche devra bien tenir compte, mais en les séparant, des deux aspects compétitivité et exemplarité bas carbone, pour offrir à nos entreprises le cadre de développement le plus favorable à long terme. Et les aspects compétitivité et contreparties pour l’exemplarité bas carbone seront discutés avec la Commission européenne pour exploiter au mieux toutes les possibilités légales en la matière, dans le nouveau cadre lié au Green Deal, en accord avec les nouvelles règles d’aides d’état qui arrivent.