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L'augmentation du recours aux éthylotests antidémarrage

  • Session : 2020-2021
  • Année : 2021
  • N° : 257 (2020-2021) 1

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  • Question écrite du 21/05/2021
    • de GALANT Jacqueline
    • à DE BUE Valérie, Ministre de la Fonction publique, de l'Informatique, de la Simplification administrative, en charge des allocations familiales, du Tourisme, du Patrimoine et de la Sécurité routière
    Un éthylotest antidémarrage permet d'empêcher un conducteur ayant une quantité supérieure ou égale à 0,2 ‰ d'alcool dans le sang de démarrer son véhicule.

    En 2020, 590 éthylotests antidémarrage ont été installés et 641 programmes d'accompagnement ont été lancés. Comparativement, aux neuf éthylotests installés en 2018, on peut dire que le phénomène est en forte croissance.

    La lutte contre l'alcool au volant est une des priorités du Gouvernement wallon. Madame la Ministre nous l'a déjà indiqué à diverses reprises. Cette lutte permet évidemment de réduire le nombre de victimes de la route.

    L'installation d'éthylotest antidémarrage permet de quitter la politique répressive dure pour plus de sensibilisation avec un accompagnement pour les personnes qui sont parfois dans des situations de détresse sur le plan moral. L'augmentation démontre que la peine alternative semble de plus en plus privilégiée par la justice.

    Que pense-t-elle de ces dispositifs ?

    L'approche plus responsabilisante envers les conducteurs est-elle privilégiée par le Gouvernement wallon ?

    Seulement 12% des utilisateurs d'éthylotest antidémarrage sont Wallons.

    Pense-t-elle, tout en respectant le principe strict de la séparation des pouvoirs, qu'il faut sensibiliser nos juridictions à ce sujet ?
  • Réponse du 14/06/2021
    • de DE BUE Valérie
    La lutte contre l’alcool au volant constitue effectivement un enjeu important intégré dans les 10 mesures prioritaires que j’ai développées en faveur de la sécurité routière en Wallonie.

    Je rappelle que le placement d’un éthylotest antidémarrage (ci-après dénommé EAD) relève de la compétence du pouvoir fédéral réglementé par la Justice.

    L’éthylotest antidémarrage a fait son apparition dans l’arsenal des peines en 2010.
    Les juges ont ainsi la possibilité d'imposer l’EAD pour une période de 1 à 3 ans ou même à vie aux conducteurs qui ont été contrôlés avec un taux d'alcool dans le sang de plus de 0,8 ‰, aux conducteurs en état d’ivresse ou en cas de récidive.

    Les juges l’ont cependant peu appliqué jusqu’au changement législatif résultant de la loi du 6 mars 2018 qui étend le champ d’application de l’installation de l’EAD.
    Ceci peut expliquer le nombre largement différent d’installations entre 2018 et 2020.
    Ainsi, depuis le 1er juillet 2018, le juge est obligé d’imposer un éthylotest antidémarrage aux personnes suivantes :
    - aux conducteurs avec une intoxication alcoolique d’au moins 1,8 ‰, à moins qu’ils ne motivent de manière explicite les raisons pour lesquelles il estime ne pas devoir imposer d’éthylotest antidémarrage ;
    - aux récidivistes sévères (condamnés 2 fois dans les 3 ans pour un taux d’au moins 1,2 ‰).

    Cette loi restreint la marge d’appréciation du juge en lui imposant d’appliquer cette sanction, sauf motivation expresse.

    Le législateur fédéral a ainsi exprimé le souhait que le nombre de condamnations pénales visant à l’installation de l’EAD augmente, conscient de l’efficacité de ce dispositif qui permet une diminution du risque de récidive de 75 % et offre « la garantie absolue que le conducteur n’a pas bu d’alcool ».

    La décision finale du placement de l’EAD reste cependant entre les mains du contrevenant, qui peut décider de prester une déchéance pure et simple du droit de conduire en lieu et place de l’installation.
    C’est sans sur doute ce point que nous parvenons à seulement 12 % des utilisateurs wallons d’éthylotest antidémarrages.
    Même si le juge peut prévoir que les frais d’installation de l’appareil viendront en déduction du montant de la peine d’amende prononcée, le coût peut représenter un frein pour le contrevenant.

    L’expérience à l’étranger permet certains constats coûts/bénéfices de ce type de sanction.

    Le Canada a déjà produit une étude à ce sujet. L’application dans ce pays est, en son principe, identique à la nôtre : le contrevenant a le choix de procéder au placement de l’EAD s’il souhaite conserver le privilège de conduire mais peut également y renoncer et prester sa déchéance.
    Les conclusions de cette étude sont les suivantes : la participation au programme prévient le risque de récidive autant chez les contrevenants primaires que chez les récidivistes. L’effet préventif se manifeste cependant uniquement lorsque l’EAD est installé. En effet, une fois le dispositif retiré, le risque de récidive redevient le même que celui d’un conducteur n’ayant jamais été équipé.

    Des recommandations ont dès lors été formulées sur base de ces constats. Elles visent le maintien de l’EAD une fois placé jusqu’à ce que le conducteur soit en mesure de dissocier la consommation d’alcool et la conduite sécuritaire d’un véhicule, et non uniquement durant une période déterminée préalablement par le juge.

    L’utilisation systématique de l’EAD dans les flottes de véhicules de transports publics et commerciaux est également recommandée.
    Cette dernière recommandation est déjà à l’essai en Finlande, France, Norvège, Espagne.
    En Suède, pays le plus avancé en la matière, une évaluation a déjà pu avoir lieu : il est constaté que le dispositif est efficace et que les conducteurs n’y voient aucun inconvénient.

    Ces études et expériences sont intéressantes dans le cadre de nos réflexions et d’une éventuelle nouvelle extension du système par le législateur fédéral.

    Concernant la possibilité d’installer l’EAD de manière spontanée, c’est-à-dire sans qu’une décision de justice n’oblige le conducteur, aucune évaluation n’a, à notre connaissance, déjà été menée.
    La Commission européenne, dans ses recommandations, souhaite rendre obligatoire à l’horizon 2022 « la facilitation de l’installation » (parfois appelée « pré-installation ») d’un tel dispositif.
    Cette facilitation va sans doute amener les constructeurs et installateurs d’EAD d’en diminuer le coût et permettra à un plus grand nombre de s’équiper.
    L’avenir se tourne ainsi vers un plus grand nombre d’installations d’éthylotests, que ce soit par décision de justice ou de manière volontaire.

    Il est judicieux de soutenir la diminution du coût de l’appareil et de son installation.
    Cette diminution permettra à un plus grand nombre d’adhérer à la démarche, que ce soit un contrevenant, un récidiviste ou un citoyen.
    Une campagne d’information « grand public » sur l’engagement spontané à l’installation de l’EAD pourrait alors être menée et aurait plus d’impact.
    Et nous pourrions espérer recevoir l’adhésion d’un plus grand nombre de personnes à ce système.

    En outre, nous pourrions envisager une démarche d’information et de sensibilisation, en Wallonie, à destination des professionnels de la route, particulièrement en matière de transport de personnes.

    Enfin, les procès-verbaux rédigés suite à une infraction alcool peuvent être accompagnés d’une fiche de sensibilisation destinée au contrevenant afin de le prévenir qu’en cas de récidive, il pourrait être concerné par l’EAD.
    La fiche précise ce qu’est l’EAD, qui peut en être visé et quelles sont les conséquences de la condamnation.
    Il s’agit d’une action de prévention de la récidive conjointement à la répression effective du comportement inadéquat en matière d’alcool en volant.

    En ma qualité de Ministre de la Sécurité routière, je soutiens cette approche plus responsabilisante envers les conducteurs.
    L’une de mes 10 priorités constitue à cet effet la promotion du recours à la sanction éducative comme alternative ou mesure probatoire en ce qui concerne les compétences régionales en matière de sécurité routière.
    Dans la mesure où l’installation d’EAD est accompagnée d’un programme d’encadrement professionnel visant à induire un changement de comportement en matière d’alcool au volant pour le conducteur, cela intègre l’idée d’une sanction éducative.
    Outre l’assurance que le conducteur ne prend pas le volant sous l’effet de l’alcool, c’est en effet cette combinaison « EAD + accompagnement » qui apporte un réel apport pour la sécurité routière.
    Je suis donc favorable à ce dispositif, sous cette forme complète, établi par le Fédéral.

    Au-delà des sanctions et de cette alternative, j’encourage évidemment, en amont, la prévention et la sensibilisation en matière de sécurité routière et particulièrement, d’alcool au volant.

    Cela fait partie de notre champ de compétences et donc des mesures prioritaires que j’entends mettre en place.