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L'état et la viabilité des tourbières

  • Session : 2020-2021
  • Année : 2021
  • N° : 407 (2020-2021) 1

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  • Question écrite du 21/05/2021
    • de FLORENT Jean-Philippe
    • à TELLIER Céline, Ministre de l'Environnement, de la Nature, de la Forêt, de la Ruralité et du Bien-être animal
    Si l'on se base sur le site biodiversité.wallonie.be, notre région recense 97 sites qui coïncident à l'un des 38 types de biotopes correspondant aux tourbières. Les tourbières sont des étendues marécageuses qui, au fil des millénaires, ont bénéficié de conditions écologiques particulières ayant permis l'accumulation de matières organiques mal décomposées (la tourbe). Et dans ces tourbières se développent des végétations spécialisées dominées par des mousses dont la croissance engendre la tourbe.

    Dans sa dernière édition, le « Gletton », la revue régionale de Gaume, a mis à l'honneur ces tourbières et les programmes européens Life qui permettent de les conserver, voire les restaurer. En particulier, le projet Life Anthropofens s'attache à restaurer des écosystèmes tourbeux alcalins qui ont été pour la grande majorité modifiés par l'homme au cours des derniers siècles. Ce programme se développe principalement dans la région Hauts de France mais aussi en Lorraine belge, avec deux sites ciblés : l'un à Tintigny sur le bassin de la Semois et l'autre dans le marais de la Haute Semois et le bois de Heinsch.

    Le projet rappelle combien une tourbière est caractérisée par une saturation du sol en eau sur la majeure partie de l'année.
    Et ceci m'amène à m'interroger sur la viabilité de nos tourbières face aux changements climatiques et aux périodes de sécheresse qui se multiplient en été.

    Quelles actions sont entreprises par le Gouvernement pour la protection des tourbières ?

    Possédons-nous un diagnostic précis sur les tourbières en Wallonie : leur nombre, leur état, voire une évaluation de la quantité de CO2 qu'elles enferment ?

    Les services de Madame la Ministre ont-ils évalué les risques pour l'état des tourbières wallonnes inhérent au réchauffement climatique et aux périodes de sécheresse ?

    A-t-elle intégré dans le plan sécheresse cette problématique particulière ?

    Comment éviter qu'elles ne s'assèchent au fil du temps ?
  • Réponse du 01/07/2021
    • de TELLIER Céline
    En Wallonie, la superficie couverte par les milieux tourbeux déduite de la carte des sols atteint près de 15 000 ha, auxquels il faut encore ajouter 1 200 ha de sols tourbeux fossiles, aujourd'hui enfouis sous d'autres sédiments. Mais beaucoup de tourbières ont été détruites ou endommagées par les activités humaines et leur extension réelle actuelle est bien moindre que ne l’indiquent les cartes pédologiques. Elles apparaissent principalement sur les crêtes ardennaises, depuis le massif de la Croix-Scaille au sud-ouest jusqu'au massif des Hautes-Fagnes au nord-est, et de manière beaucoup plus localisée dans les hautes vallées d'Ardenne et de Lorraine belge, principalement dans les vallées de la Semois et de la Sûre. Quelques zones tourbeuses existent également dans le Hainaut, dans la vallée de la Haine.

    Toutes les zones tourbeuses d’importance sont connues de longue date et répertoriées dans divers inventaires, en particulier l’inventaire des Sites de grand intérêt biologique (SGIB) piloté par l’administration.

    La plupart des sites tourbeux ont été intégrés au réseau Natura 2000 et jouissent de ce fait d’un certain statut de protection. Par ailleurs, tous les grands sites de tourbières wallons sont inclus dans des réserves naturelles et intégralement protégés. Les tourbières constituent donc des habitats qui bénéficient globalement d’un statut de protection fort en Wallonie.

    La majorité des habitats tourbeux sont des habitats d’intérêt communautaire et font de ce fait l’objet d’un rapportage périodique à destination de la Commission européenne.
    Lors du dernier rapportage pour la période 2013-2019, tous les habitats tourbeux d’intérêt communautaire ont été jugés en état de conservation défavorable. Mais, par rapport à la période précédente de rapportage, 6 habitats sur 8 présentent une tendance évolutive positive et les deux autres une tendance stable. La tendance positive s’explique par d’importantes actions prises par le Gouvernement wallon en faveur de la restauration de ces habitats, puisque 6 projets LIFE dédicacés aux tourbières ont été cofinancés entre 2003 et 2019, pour un montant total avoisinant les 22 millions d’euros (dont la moitié à charge de la Wallonie). Grâce à ces projets, plus de 6 300 ha de tourbières ont bénéficié de mesures de restauration, dont près de 1 200 ha de nouvelles réserves naturelles. Trois des six projets ont en outre été primés par la Commission européenne, en raison de l’importance des mesures de restauration menées.

    Un très long laps de temps est nécessaire pour que les milieux restaurés évoluent vers l’habitat cible, mais les monitorings mis en place montrent néanmoins une évolution positive. D’autres projets de restauration sont aujourd’hui en cours d’élaboration, notamment dans le cadre du projet LIFE Anthropofens et du PwDR.
    Les changements climatiques sont problématiques pour de nombreux habitats, et pour les tourbières en particulier puisque ces habitats sont conditionnés à une saturation du sol en eau la majeure partie de l’année. Leurs effets sont toutefois très difficiles à prédire et pourraient varier fortement d’un endroit à l’autre, d’un habitat à l’autre. Dans nos régions, les effets négatifs potentiels du changement climatique sur les tourbières seraient :

    1) l’augmentation de la température, surtout en périodes estivales ;
    2) la modification de la répartition des précipitations, avec une augmentation des précipitations hivernales et une diminution de la pluviosité en été ;
    3) l’augmentation des phénomènes d’évapotranspiration en été, provoquant des périodes de sécheresse prolongées ;
    4) l’augmentation des épisodes de fortes chutes de pluie sous forme d’orages violents.

    Ces phénomènes combinés pourraient engendrer un abaissement durable de la nappe d’eau contenue dans la tourbe et un risque d’assèchement des habitats, l’apparition de crevasses et de phénomènes d’érosion, un risque accru d’incendies, des modifications de la végétation avec comme conséquence ultime que de puits de carbone, les tourbières se transformeraient en source de carbone.

    On estime que les milieux tourbeux dégradés ou subissant de fortes pressions seront très vulnérables au réchauffement climatique tandis que les milieux intacts seraient, par contre, nettement plus résilients.

    Les spécialistes des tourbières considèrent donc que la restauration fonctionnelle des tourbières dégradées est un enjeu majeur pour permettre à ces écosystèmes de lutter contre les changements climatiques. En ce sens, toutes les actions prises par le Gouvernement wallon en faveur de la restauration hydrique des tourbières peuvent être considérées comme des mesures visant à contrer ou à atténuer les effets des changements climatiques.

    Mon intention est de renforcer ces efforts via le renforcement de différents programmes en faveur des aires protégées et leur restauration.