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L'explosion du prix des matières premières et les matériaux biosourcés

  • Session : 2020-2021
  • Année : 2021
  • N° : 491 (2020-2021) 1

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  • Question écrite du 25/05/2021
    • de DOUETTE Manu
    • à BORSUS Willy, Ministre de l'Economie, du Commerce extérieur, de la Recherche et de l'Innovation, du Numérique, de l'Aménagement du territoire, de l'Agriculture, de l'IFAPME et des Centres de compétences
    L'actualité nous apprend chaque semaine de nouveaux problèmes d'approvisionnement, d'augmentation des délais de livraison et d'augmentation des prix des matières premières dans le domaine de la construction suite à plusieurs facteurs macro-économiques.

    Nouveau, expérimental ou méconnu, le matériau biosourcé doit faire sa place dans les habitudes de construction et de rénovation en Wallonie. Les enjeux des matériaux biosourcés n'ont pas échappé à l'attention du Conseil stratégique de « Get up Wallonia ! », tel que cela ressort de son rapport d'avril 2021.

    Quels sont les incitants proposés pour développer des filières des biosourcés ?

    La Wallonie a-t-elle mis en place des accompagnements financiers ?

    Existe-t-il des modules de formation ou de la formation continuée pour les producteurs ? Les utilisateurs ?

    Enfin, au vu de l'augmentation importante de la demande en matériaux de construction, quelles sont les perspectives de déploiement des filières de production de matériaux wallonnes d'ici 2024 ?
  • Réponse du 14/06/2021
    • de BORSUS Willy
    Il est certain que les difficultés d’approvisionnement en acier, en bois, en verre, en isolants, en plâtre et en ciment engendrent actuellement des retards dans les livraisons et des retards de chantiers. Cela a pour conséquence de faire grimper les coûts des constructions pour les acheteurs finaux.
     
    La rupture des approvisionnements en matériaux et l'acheminement de matériaux en provenance d'autres régions a donc effectivement un impact économique non négligeable. Ainsi, depuis décembre 2020, le coût de l’acier augmente de 15 % à 20 % chaque mois. Sur ce marché mondial, les demandes chinoise et américaine soutiennent les cours, et les aciéries qui ont stoppé leur activité pendant la crise du Covid-19 n’avaient pas anticipé cette vigoureuse reprise. Le même phénomène s’observe dans le bois de structure et de charpente, matériau en forte demande parce que répondant aux exigences écologiques bas carbone.
     
    Dans ce contexte, les matériaux biosourcés représentent une réponse partielle à cette problématique. Plus globalement, le recours à des pratiques d’économie circulaire et à des matériaux locaux durables, dont les matériaux biosourcés, représente un enjeu important pour la filière de la construction en Wallonie.
     
    Le renforcement des pratiques circulaires innovantes dans le secteur de la construction ainsi que le recours accru au biosourcé sont au cœur des priorités d’action de Circular Wallonia, notamment à travers ses Taskforces Construction et Biobasé. L’ambition est de contribuer à la structuration de filières circulaires dans la construction. Ces taskforces regroupent les acteurs clés et pionniers sur lesquels s’appuyer pour renforcer ou initier des projets et identifier les mesures à développer et les leviers financiers (publics et privés) à mobiliser. Les priorités suivantes ont été définies :
    - développement de produits et matériaux biosourcés innovants ;
    - design pour la réutilisation et le recyclage dans la construction (réversibilité, facilité de transformation, déconstruction et démontage, réutilisation future et recyclage des composants du bâtiment) ;
    - utilisation de techniques efficaces et flexibles pour le tri et le recyclage des déchets de construction et de démolition ;
    - mise en place d’une filière de revalorisation/recyclage du béton, en passant notamment par des exigences auprès des maîtres d’ouvrage pour organiser le tri et la valorisation des déchets de leurs chantiers ;
    - développement de la filière minérale : développer des matériaux et des procédés à partir de déchets d’isolants utilisés dans le secteur de la construction ; développer des matériaux de construction recyclés à haute valeur ajoutée ; créer de nouvelles boucles innovantes de circularité des matières minérales industrielles.
     
    La transition du modèle économique linéaire vers le modèle circulaire constitue ainsi une opportunité importante pour le secteur de la construction. À côté de l’évolution technique et technologique (à travers l’écodesign, les connexions réversibles et la disponibilité des informations tout au long de la vie des produits et matériaux), cette transition s’envisage également par le biais d’une évolution économique incitant le secteur à trouver de nouveaux modèles d’affaires, notamment en passant du rôle de producteur de techniques à un rôle de fournisseur de services susceptibles de favoriser la croissance et la compétitivité.
     
    L’ensemble des projets existants et à venir au niveau wallon (Circular Wallonia, FEDER, plan de relance wallon) constitue un agenda d’actions très ambitieux pour la construction et la filière du biobasé en Wallonie. Parmi les projets wallons proposés dans le cadre du plan « facilité pour la reprise et la résilience », s’articulent des projets relatifs à la construction/rénovation/démolition, en particulier sur la circularité (écoconception, tri et collectes sélectives innovants, réutilisation, upcycling et recyclage). L’axe minéral y est notamment ciblé : matériaux de construction circulaires (béton, céramiques, plastiques de longue durée de vie, bois, verre…), fabrication et réparation additive, etc.
     
    Concernant les matériaux biosourcés, ils furent longtemps cantonnés à des utilisations peu significatives, alors qu’ils offrent une alternative opportune au moment où la construction est à la recherche de ressources renouvelables. Fortement présents dans la catégorie des isolants, ces « nouveaux » matériaux méritent aussi d'être mieux connus, puisqu'ils offrent des performances et garanties équivalentes aux matériaux plus « classiques » - mais aussi certains avantages spécifiques.
     
    Dans le passé, le bois, la paille et le chanvre ont été longtemps employés en construction en raison de leur disponibilité locale, de leur abondance et de leur faible coût. Après s'être maintenus face aux matériaux modernes dans des applications expérimentales ou à forte orientation environnementale, ces matériaux d'origine naturelle, aujourd'hui appelés « biosourcés », suscitent un regain d'intérêt sous deux formes principales : comme élément structurel avec la technique de l'ossature bois, qui connaît un réel succès, et comme isolants.
     
    En Wallonie, les ressources naturelles disponibles pour la construction sont notamment le bois, le chanvre, le lin, la paille, le miscanthus, la laine, l’herbe ou le colza. Ces ressources sont à la base d’une large gamme de produits et d’applications dans le domaine du bâtiment : matériaux de structure (ossature bois), mortiers et bétons (béton de chanvre ou de bois), isolants (fibres végétales en vrac ou en panneau, botte de paille), matériaux composites (matériaux composite polymère-bois ou fibres végétales), produits issus de la chimie du végétal (colles, peinture).
     
    L’utilisation de matériaux biobasés permet de créer de la valeur ajoutée et des emplois locaux grâce à l’utilisation de ressources disponibles en circuit court. Basé sur un modèle économique résilient, le développement de la bioéconomie permet la mise sur le marché de produits possédant de nouvelles propriétés. Mais aussi, des produits plus respectueux de notre environnement et issus de matières premières renouvelables avec un impact carbone réduit. C’est-à-dire, moins émetteurs de gaz à effet de serre.
     
    Par ailleurs, les matériaux de construction – plus particulièrement les isolants en fibres naturelles – contribuent à la diversification des revenus de nos agriculteurs. L’utilisation de fibres naturelles en construction est de plus en plus importante. On constate aujourd’hui que le marché des isolants est en croissance et que l’utilisation de fibres naturelles est de plus en plus importante. Une isolation thermique sur dix intègre désormais un isolant biobasé.
     
    Les matériaux biosourcés sont au cœur des enjeux de la construction durable, et leur utilisation est encouragée par les pouvoirs publics, en cohérence également avec les ambitions de la DPR.
     
    Ce secteur en croissance voit de nouvelles entreprises rejoindre ses rangs chaque année. Depuis 2003, le secteur s’est regroupé au sein d’un cluster wallon : celui du Cluster écoconstruction. À ce jour, ce dernier compte 270 membres et représente environ 1 000 emplois directs. Par ailleurs, ValBiom stimule et facilite également la concrétisation d’initiatives durables intégrant la production de biomasse et sa transformation en matériaux, notamment. ValBiom a reçu début de cette année la mission d’animateur/coordinateur des actions liées à l’économie biobasée dans le cadre de la mise en œuvre de « Circular Wallonia ». En effet, le Gouvernement wallon a décidé d’inclure les éléments relatifs au soutien de l’économie biobasée au sein de cette stratégie. Ces dynamiques s’articulent également avec les activités du Pôle de compétitivité Greenwin qui favorise le développement de projets et de partenariats technologiques autour de la construction durable, entre autres. Greenwin s’est également vu confier la mission de « coordinateur » pour la Chaîne de valeur Construction au sein de Circular wallonia et travaillera en synergie avec Valbiom et l’ensemble des acteurs concernés. A travers les actions qui seront menées par la Taskforce Construction au sein de Circular Wallonia, l’ambition est de contribuer à la structuration de filières circulaires dans la construction.
     
    En ce qui concerne la question relative aux incitants, je confirme qu’il existe une surprime de 25 % pour les isolants dont la teneur biosourcée est supérieure ou égale à 70 %, dans le cadre des « primes habitation » disponibles pour les particuliers dans le cadre de travaux de rénovation et d’isolation. Par ailleurs, un label « produit biosourcé », porté par le Cluster écoconstruction, a été lancé officiellement en mars 2021. Ce nouveau label permet de :
    - certifier avec précision le pourcentage de matière biosourcée au sein des matériaux de construction ;
    - promouvoir la filière wallonne ;
    - accompagner de futures démarches politiques en lien avec cette thématique ;
    - garantir la transparence sur la composition exacte du produit.
     
    Ensuite, il y a lieu de rappeler que la commande publique est un élément clé pour stimuler le développement des solutions biosourcées et circulaires auprès des opérateurs économiques de la Région. C’est pourquoi le Green Deal Achats Circulaires fut lancé en novembre 2019. En 2021, le réseau d’apprentissage du Green Deal tournera autour de 4 groupes de produits : les textiles, l’ICT, le mobilier et les fournitures de bureau et la construction. Les acheteurs pourront ainsi apprendre et expérimenter ensemble l’utilisation des principes de l’économie circulaire dans leurs projets de construction ou de rénovation.
     
    En phase avec le Green Deal, plusieurs outils continuent d’être développés pour soutenir les pouvoirs adjudicateurs. C’est notamment le cas de l’étude, lancée par le SPW en 2019, qui a permis d’identifier une série d’éléments de réemploi courants dans le secteur de la construction, ainsi que des pistes pour accélérer le réemploi dans les marchés publics. Cette étude est poursuivie par le développement de clauses techniques qui seront insérées dans le Cahier des Charges Type Bâtiments (CCTB) afin de favoriser le réemploi des matériaux de construction. Effectivement, dans la prochaine version du CCTB qui paraîtra en décembre 2021, ce sont 70 éléments de réemploi qui seront ajoutés et pour lesquels les clauses techniques auront été rédigées en concertation avec le secteur. Le CCTB poursuivra dans ce sens dans les années à venir et le souhait est d’encourager l’utilisation des matériaux de réemploi par d’autres mécanismes incitatifs dans les marchés publics, à savoir par exemple, par l’insertion de clauses de circularité, par la réalisation d’un inventaire du potentiel de réemploi, par la mise en place d’une plateforme interacteurs du réemploi, etc. Les enjeux et les possibilités de leviers sont tels qu’il s’agit d’un travail à mener de concert avec mes collègues les ministres Tellier, De Bue et Henry et Collignon.
     
    Un autre levier important est celui de l’intégration de matériaux biosourcés dans la politique de logement public, compétence de mon collègue le Ministre Collignon. L’approche actuellement développée s’articule autour de 3 étapes : sensibilisation, incitation et intégration.
     
    Première étape : Les mesures prises dans la phase de sensibilisation se sont structurées autour du plan de rénovation 2020-2024 comme suit :
    - obligation pour les SLSP de mener une réflexion sur leur approche environnementale de la rénovation de leur parc notamment en matière de recours aux matériaux biosourcés ;
    - obligation d’intégrer dans la mission des auteurs de projet une étude technico financière sur les possibilités de mise en œuvre durables dans les travaux, que ce soit l’emploi de matériaux biosourcés, des assemblages mécaniques, des mises en œuvre sèches, etc. ;
    - journée de sensibilisation des SLSP aux matériaux biosourcés avec le Cluster Ecoconstruction. Malheureusement, cette journée a pour l’instant dû être ajournée à une date encore inconnue étant donné la crise sanitaire.
     
    Deuxième étape : Les mesures prises dans la phase d’incitation visent à créer les conditions réglementaires propices au développement de l’écoconstruction dans tous ses aspects :
    - mise à disposition d’une boite à outils à l’attention des pouvoirs locaux afin de promouvoir dans les marchés publics les clauses environnementales, sociales et éthiques ;
    - création et développement dans le cahier des charges techniques de référence de la Région (CCTB 2022) de nouvelles prescriptions relatives aux matériaux durables (dont les matériaux biosourcés) ;
    - adoption par le GW fin 2020, d’un appel à projet intégrant un critère de sélection relatif à l’emploi de matériaux biosourcés. Les 26 projets retenus ont tous opté pour l’utilisation de matériaux biosourcés ;
    - révision en cours des AGW de financement régissant les aides de la Région pour la création des différentes typologies de logements publics avec notamment intégration de 4 séries d’incitants financiers portant sur l’utilisation des matériaux biosourcés et/ou recyclés, le recours aux énergies décarbonées et la production d’énergies renouvelables. L’ensemble de ces AGW sera complètement adopté pour juin 2021.
     
    Troisième étape : Les mesures prises dans la phase d’intégration s’articuleront autour des futurs programmes de création de logements :
    - lancement d’un accord-cadre de création d’écoconstructions (environ 120 logements) par la SWL à destination des SLSP pour septembre 2021. Cet accord-cadre intègrera des performances à atteindre relativement à l’utilisation de matériaux biosourcés ;
    - obligation d’une démarche globale de développement durable (dont le recours aux matériaux biosourcés) dans le cadre de la création de logements publics notamment pour les 700 logements dont le financement est sollicité dans le cadre du plan de relance et résilience européen.
     
    En ce qui concerne les questions relatives à la formation, mes actions visent à poursuivre et renforcer les formations spécifiques pour les architectes et pour les entrepreneurs pour s’assurer de la bonne mise en œuvre de ces matériaux.
     
    Par ailleurs, le FOREm a organisé lors de ces dernières semaines une consultation/interview des actions liées à la construction. L’objectif est de déterminer les évolutions des métiers (nouveau métier, hybridation, etc.) et des compétences au regard des grandes tendances afin de faire évoluer l’offre de formation en Wallonie. Le FOREm, en collaboration avec Wallonie Compétences d’Avenir, doit éclairer les acteurs de la formation de l’écosystème construction en consultant les acteurs de terrain. Le périmètre étudié ne s’arrête pas au gros œuvre et au parachèvement, mais considère aussi la production et la fabrication de matériaux en amont, les services de conception ou de gestion, le transport et l’organisation logistique, etc.
     
    Le Cluster écoconstruction lance également des initiatives de formation avec l’aide des entreprises en vue d’une montée en compétences. Les utilisateurs particuliers se forment sur le tas, via les modules mis en place par les négociants en matériaux écologiques ou via un accompagnement professionnel sur chantier. Les professionnels forment leur équipe sur le tas. À noter par ailleurs le projet européen CE2S qui forme 10 apprenants durant 1an au métier d’ouvrier polyvalent en écoconstruction. La moitié de ceux-ci ont déjà trouvé un travail avant la fin de la formation, preuve de la demande de main d’œuvre qualifiée dans le secteur de l’écoconstruction.
     
    Finalement, en ce qui concerne la question relative aux perspectives de déploiement des filières de production de matériaux wallonnes d'ici 2024, celles-ci sont amplement abordées dans la stratégie régionale de déploiement de l’économie circulaire, Circular Wallonia, une des chaines de valeur prioritaire étant la construction et la filière « économie biobasée » étant abordée tout au long de cette stratégie. Dans ce cadre, un Groupe de coordination a été mis en place avec le SPW-Développement Durable, GreenWin (coordinateur de la chaine de valeur « construction » de Circular Wallonia), ValBiom (coordinateur des filières « économie biobasée ») et le cluster Eco-construction, afin d’émettre des propositions au Comité de pilotage de Circular Wallonia.
     
    Selon une enquête de la Confédération Construction datant de mi-mai 2021, six entreprises sur dix peuvent encore respecter les délais prévus malgré les soucis d'approvisionnement. Les livraisons tardives risquent davantage de porter à conséquences sur le long terme, car 22 % des clients ne veulent pas reporter la fin des travaux et 9 % annulent une commande en cours, à en croire cette enquête. Dans presque 90 % des cas, ces augmentations de prix sont supportées - au moins partiellement - par les entreprises. Près d'un quart répercute tout de même une partie des hausses sur le client et 13 % le font entièrement. La Confédération Construction conseille aux entreprises de travailler avec un prix du jour ou une clause de révision des prix pour les nouveaux contrats. Des discussions sont également en cours entre le secteur et le ministre fédéral de l'Économie afin de qualifier les circonstances d'exceptionnelles, les hausses de prix étant considérées comme « anormales ». Cela permettrait aux entrepreneurs de ne pas assumer l'entièreté des risques. Nous restons donc attentifs face à cette situation. La confédération a aussi demandé, avec d'autres organisations européennes, que les autorités de la concurrence de l'Europe vérifient s'il n'existe pas d'accords ou d'ententes entre les principaux acteurs du secteur, qui influenceraient les prix aux niveaux européen et mondial. Dans ce contexte, en ce qui concerne les marchés publics, il pourrait être envisagé d’utiliser l’instrument de la révision des prix et de suspendre les pénalités de retard.